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22/12/2022 | FRANCE | N°22NT01758

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 22 décembre 2022, 22NT01758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Antemalex a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser une provision de 33 180 euros correspondant aux aides dues pour les mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021 au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.

Par une ordonnance n° 2101628 du 25 mai 2022, le juge des référés d

u tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la SARL Antemalex une prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Antemalex a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser une provision de 33 180 euros correspondant aux aides dues pour les mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021 au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.

Par une ordonnance n° 2101628 du 25 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la SARL Antemalex une provision de 3 000 euros à ce titre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2022, la SARL Antemalex, représentée par Me Laclau, demande au juge d'appel des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 25 mai 2022 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision de 33 180 euros, à titre principal et de 20 000 euros, à titre subsidiaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- qu'elle justifie d'une créance non sérieusement contestable au titre du mois de décembre 2020 sur le fondement des dispositions du 1° du a) du I de l'article 3-15 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 ;

- qu'elle justifie d'une créance non sérieusement contestable au titre du mois de janvier 2021 sur le fondement des dispositions du 1° et du a) du 2° du A du I de l'article 3-19 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 ;

- qu'elle justifie d'une créance non sérieusement contestable au titre du mois de février 2021 sur le fondement des dispositions du 1° et du a) du 2° du A du I de l'article 3-22 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 ;

- qu'elle exerce son activité principale dans le secteur des débits de boissons mentionné à la rubrique n°10 de l'annexe 1 au décret n°2020-371 du 30 mars 2020 ;

- que le versement de l'aide n'est pas conditionné par le fait que l'activité de l'entreprise soit visée à l'annexe 1 au décret n°2020-371 du 30 mars 2020 ;

- que le code NAF n'a qu'une valeur indicative ;

- que la condition tenant à la fermeture au public de l'activité ne renvoie pas à la

notion d'activité qui génèrerait plus de la moitié du chiffre d'affaires pendant l'année 2019 ;

- que pour les mois de janvier et février 2021, elle accuse une baisse de chiffre d'affaires de plus de 50% ce qui correspond au seuil d'attribution de l'aide pour les activités visées par l'annexe 1 ;

- qu'au titre du mois de décembre 2020, en application du b) du I de l'article 3-15 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 sa créance s'élève à 20 % du chiffre d'affaires de référence, soit la somme de 11 041 euros ;

- qu'au titre du mois de janvier 2021, en application du B du I de l'article 3-19 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, sa créance s'élève à 20 % du chiffre d'affaires de référence, soit la somme de 12 139 euros ou, à titre subsidiaire de 10 000 euros par application des dispositions du 2° du C dès lors que la perte est de moins de 70% ;

- qu'au titre du mois de février 2021, en application du B du I de l'article 3-22 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, sa créance s'élève à 20 % du chiffre d'affaires de référence, soit la somme de 10 000 euros ou, à titre subsidiaire de 10 000 euros par application des dispositions du 2° du C dès lors que la perte est de moins de 70%.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er septembre 2022 désignant M. Derlange, président assesseur, en application de l'article L. 555-1 du code de justice administrative, pour statuer en appel sur les décisions des juges des référés.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Antemalex, qui exploite à Mondeville (Calvados), sous l'enseigne " V and B ", un établissement de vente de boissons alcoolisées à consommer sur place (bar / débit de boissons) et à emporter (cave / vente à emporter) a fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public pour son activité sur place, lors de la crise sanitaire. Sur ce motif, elle a sollicité au titre des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, l'aide financière exceptionnelle versée en application de l'ordonnance modifiée du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19. Par des décisions des 29 janvier, 19 mars et 31 mars 2021, l'administration a rejeté ces demandes. La SARL Antemalex a demandé au juge des référés du tribunal de Caen de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 33 180 euros correspondant aux aides dues pour les mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021 au titre de ce fonds de solidarité. Elle relève appel de l'ordonnance du 25 mai 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal de Caen Rennes a statué sur sa demande, en tant qu'il ne lui a accordé qu'une provision de 3 000 euros.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " Sous réserve des dispositions du douzième alinéa de l'article R. 811-1, l'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification. ". Aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " Il est institué (...) un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation. (...) ". L'article 3 de la même ordonnance dispose : " Un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds (...) ". Aux termes de l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public : 1° Etablissements de type N : Restaurants et débits de boisson (...) ". Aux termes de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " I. - a) Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de décembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 (...) / b) Les entreprises mentionnées au I qui ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public perçoivent une subvention égale au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 20 % du chiffre d'affaires de référence, tel que mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable. (...) ". Aux termes de l'article 3-19 du même décret : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de janvier 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leur activité principale a fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er janvier 2021 au 31 janvier 2021 ; / 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 janvier 2021 et elles appartiennent à l'une des trois catégories suivantes : / a) Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 10 février 2021 (...) ". Aux termes de l'article 3-22 du même décret : " I. - A.- Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de février 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er février 2021 au 28 février 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires, y compris le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance, avec retrait en magasin ou livraison, ou sur les activités de vente à emporter, d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er février 2021 et le 28 février 2021 (...) B. - Les entreprises mentionnées au 1° du A du I perçoivent une subvention égale soit au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite de 10 000 euros soit à 20 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable. (...) ".

4. Eu égard au fait qu'il est constant que le code nomenclature d'activités française (NAF) de la SARL Antemalex correspond à une activité de commerce de détail de boissons en magasin spécialisé et que le chiffre d'affaires de cette activité est prépondérant par rapport à celui de débit de boissons sur place et qu'il résulte de l'instruction que l'aménagement des lieux permet aux clients de l'établissement d'accéder à la partie cave et d'en sortir directement depuis l'entrée principale sans passer par la partie bar, l'activité principale effectivement exercée par la société requérante au sens du décret du 30 mars 2020 doit être regardée comme relevant d'une activité de commerce de détail de boissons en magasin spécialisé, quand bien même le taux de marge, les surfaces de planchers et le nombres de salariés dédiés à l'activité bar seraient plus importants et que l'entreprise est titulaire d'une licence de débit de boissons.

5. En premier lieu, alors que les dispositions précitées de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 ne conditionnent pas l'attribution des aides financières en litige à l'exercice à titre principal d'une activité dans un secteur mentionné à l'annexe 1, ni à la fermeture de cette activité, la SARL Antemalex justifie d'une créance non sérieusement contestable du seul motif non contesté, comme elle le fait valoir, qu'elle a fait " l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ", quand bien même l'entreprise n'a pas été fermée au titre de son activité de vente au détail. Au regard des dispositions du b) du I. de cet article cette créance s'élève à la somme de 11 041 euros de perte de chiffre d'affaires mentionnée par le directeur départemental des finances publiques du Calvados dans son mémoire de première instance enregistré le 18 août 2021.

6. En deuxième lieu, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'activité principale de la SARL Antemalex de vente à emporter de boissons alcoolisées, au cours du mois de janvier 2021, n'a pas fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public et n'est pas mentionnée à l'annexe 1 du décret du 30 mars 2020, elle ne peut prétendre, comme elle le demande, à une aide financière au titre de l'article 3-19 de ce décret sur le fondement du 1° ou du a) du 2° du A du I de cet article.

7. En troisième lieu, alors que les dispositions précitées de l'article 3-22 du décret du 30 mars 2020 ne conditionnent pas l'attribution des aides financières en litige à l'exercice à titre principal d'une activité dans un secteur mentionné à l'annexe 1, ni à la fermeture de cette activité, la SARL Antemalex justifie d'une créance non sérieusement contestable alors que comme elle le fait valoir, elle a fait " l'objet d'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er février 2021 au 28 février 2021 " et qu'il ressort du mémoire de première instance du directeur départemental des finances publiques du Calvados, enregistré le 18 août 2021, qu'avec une baisse de chiffre d'affaires de 52,24% elle a subi " une perte de chiffre d'affaires, y compris le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance, avec retrait en magasin ou livraison, ou sur les activités de vente à emporter, d'au moins 20 % " durant la même période, quand bien même l'entreprise n'a pas été fermée au titre de son activité de vente au détail. Au regard des dispositions du B. du I. de cet article, il ressort du même mémoire du directeur départemental des finances publiques du Calvados que cette créance s'élève au montant de perte de chiffre d'affaires plafonné à 10 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Antemalex justifie d'une créance non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 21 041 euros. Par suite, elle est seulement fondée à demander que l'ordonnance n° 2101628 du 25 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Caen qui a condamné l'Etat à lui verser une provision de 3 000 euros soit annulée en ce qu'elle ne lui accorde pas la somme de 21 041 euros.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : Le montant de la provision que l'Etat a été condamné à verser à la SARL Antemalex est porté à la somme de 21 041 euros.

Article 2 : L'article 1er de l'ordonnance n° 2101628 du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 25 mai 2022, est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Antemalex une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Antemalex est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Antemalex et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques du Calvados.

Fait à Nantes, le 22 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

S. Derlange

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 22NT01758
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET THALAMAS MAYLIE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-22;22nt01758 ?
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