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23/12/2022 | FRANCE | N°21NT00169

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 décembre 2022, 21NT00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, à concurrence de 133 904,54 euros en base, de ces cotisations.

Par un jugement n° 1801802 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 janvier et 15 septembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, à concurrence de 133 904,54 euros en base, de ces cotisations.

Par un jugement n° 1801802 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 janvier et 15 septembre 2021 et les

8 février et 1er juin 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Poirrier-Jouan, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne pouvait pas procéder à des rectifications au titre de l'année 2013 dans la mesure où elle a antérieurement procédé à un examen de la situation fiscale personnelle de M. C... portant sur la même année sans avoir procédé à des rehaussements ; l'administration a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification du 10 novembre 2016 n'est pas suffisamment motivée ; celle concernant D... n'y a pas été annexée ;

- les rectifications proviennent d'éléments obtenus par l'administration auprès de tiers ; en raison du défaut d'information et de communication de ces éléments, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les apports en compte courant d'associé ayant été comptabilisés entre le 1er avril et le 31 décembre 2012 pour un montant total de 113 904,54 euros, mis à la disposition de M. C... au cours de l'année 2012, ils ne peuvent pas être imposés en tant que revenus distribués au titre de l'année 2013 ; l'administration a méconnu le principe de l'annualité de l'impôt ;

- l'administration fiscale n'étant pas compétente pour les assujettir aux contributions sociales à raison de l'intégralité du revenu litigieux en application de l'alinéa 3 de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, ils demandent la limitation des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à la fraction des revenus distribués n'excédant pas 10 % du capital social et des sommes apportées au compte courant, soit 2 370 euros ;

- la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 juillet 2021, 15 avril et 21 juin 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut :

1°) au non-lieu à statuer à hauteur de 102 280 euros en matière d'impôt sur le revenu et de 33 539 euros en matière de prélèvements sociaux ;

2°) au rejet du surplus de la requête.

Il soutient qu'un dégrèvement partiel a été prononcé le 1er juillet 2021 et que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pour le surplus pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. D..., qui exerce une activité de maçonnerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015, et, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2012 au 9 mars 2016. A cette occasion le service a notamment constaté des apports injustifiés au crédit du compte courant d'associé de M. C..., son gérant et associé unique, qu'il a regardés comme des revenus distribués, imposables entre les mains de l'intéressé sur le fondement du 1° de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts. A la suite de la proposition de rectification du 24 octobre 2016 notifiée à D..., le service a réintégré les sommes distribuées dans les revenus imposables de M. et Mme C... au titre de l'année 2013, et leur a notifié, par une proposition de rectification du 10 novembre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, des intérêts de retard et une majoration de 80 % pour manquement délibéré. Par une décision d'admission partielle de la réclamation de M. et Mme C... du 26 décembre 2017, l'administration a réduit les cotisations supplémentaires mises à la charge des intéressés à 122 124 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et 49 167 euros pour les contributions sociales. M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'imposition restant à leur charge au titre de l'année 2013. Par un jugement du 20 novembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 1er juillet 2021, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, d'un montant de 102 280 euros en matière d'impôt sur le revenu et de 33 539 euros en matière de prélèvements sociaux. Les conclusions de la requête de M. et Mme C... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts ou que l'administration n'ait dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure. (...) ".

4. Dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle effectué en 2015, soit avant la vérification de comptabilité de D... qui a commencé le 23 mai 2016, l'administration a demandé aux époux C... la communication de l'ensemble de leurs comptes financiers, y compris le compte courant d'associé de M. C.... Il est constant que les intéressés n'ont pas communiqué ce dernier compte. L'administration n'a pu alors que se fonder sur le bilan au 30 juin 2013 déposé par l'EURL et sur lequel figure un montant de 913 euros, pour estimer, que ce faible montant ne justifiait ni l'exercice d'un droit de communication auprès de l'EURL, ni la poursuite des rappels au titre de l'année 2013. Toutefois, c'est ultérieurement lors de la vérification de comptabilité que le service a pu constater que D... avait comptabilisé en réalité au crédit du compte courant d'associé de M. C... une somme de 245 579 euros au titre du même exercice clos le 30 juin 2013. Ainsi, l'absence de révélation à l'administration de la réalité de ce compte courant d'associé lors de l'examen de la situation fiscale personnelle des requérants constitue un élément incomplet ou inexact au sens de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales. Dès lors, les dispositions précitées de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...). ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".

6. La proposition de rectification du 10 novembre 2016 adressées précise aux requérants, avec une motivation suffisante, les montants des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition, et se réfère, pour le calcul des bases d'imposition, aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du 24 octobre 2016 adressée à D... à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Si ce document n'était pas joint à la proposition de rectification du 10 novembre 2016, M. C... a néanmoins fait référence aux résultats de la vérification de comptabilité dans les observations qu'il a transmises à l'administration le 15 décembre 2016 en réponse à la proposition de rectification du 10 novembre 2016. Dans ces conditions, M. et Mme C... doivent être regardés comme ayant pu disposer des informations concernant l'EURL leur permettant de formuler leurs observations en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de celles de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. Enfin, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux que détient l'administration, celle-ci est tenue de les lui communiquer.

9. En l'espèce, il résulte des mentions de la proposition de rectification du 10 novembre 2016 et il n'est pas contesté que M. C... était le seul maître de l'affaire. Dès lors, il était nécessairement informé de l'existence et de l'évolution de son compte courant d'associé, des flux financiers et notamment des apports qu'il a pu y faire. Aucun élément ne faisait obstacle à ce que M. C... fût en mesure d'accéder directement et effectivement à son compte courant d'associé au cours de la vérification de comptabilité de D... ou de l'examen de la situation fiscale personnelle, alors même que l'entreprise était en situation judiciaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

10. L'administration ayant fait droit au moyen relatif à l'annualité de l'impôt par un dégrèvement, il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen.

En ce qui concerne les prélèvements sociaux :

11. L'administration a entendu assujettir aux prélèvements sociaux et au titre des revenus du patrimoine les revenus réputés distribués découlant des recettes de D... au titre de l'exercice 2013. Compte tenu de ce qu'elle ne serait pas compétente pour les assujettir aux contributions sociales à raison de l'intégralité du revenu litigieux en application de l'alinéa 3 de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, M. et Mme C... demandent la limitation des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à la fraction des revenus distribués n'excédant pas 10 % du capital social et des sommes apportées au compte courant, soit 2 370 euros. Toutefois, ils n'apportent aucun élément permettant de connaître les apports en numéraire intégralement libérés par eux afin de déterminer ce seuil de 10 %.

Sur la majoration pour manœuvres frauduleuses :

12. L'administration, en estimant que, par sa qualité de gérant et d'unique associé de D..., M. C... avait connaissance du caractère injustifié des écritures d'apport comptabilisées à son profit par l'entreprise et donné une apparence de régularité aux apports en comptabilisant ces apports fictifs par le biais d'opérations de régularisation sur les comptes des fournisseurs en l'absence de tout règlement, justifie que ces écritures procèdent d'une volonté de l'égarer et de restreindre son pouvoir de contrôle. M. C... ne peut pas invoquer ses insuffisantes connaissances en comptabilité. Les faibles montants restant en litige n'impliquent pas par eux-mêmes la décharge de cette majoration. Par suite, c'est à bon droit que la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts, a été appliquée par l'administration.

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... à hauteur de 102 280 euros dégrevés en matière d'impôt sur le revenu et de 33 539 euros dégrevés en matière de prélèvements sociaux.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

Le rapporteur

J.E. B...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00169
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-23;21nt00169 ?
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