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13/01/2023 | FRANCE | N°21NT02177

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 janvier 2023, 21NT02177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays Bigouden Sud a demandé au tribunal administratif de Rennes le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 63 785,09 euros au titre du mois de décembre 2018.

Par un jugement n°1902077 du 2 juin 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2021 et 24 février 2022 la communauté de communes du pays Bigouden Sud, représentée par Me Logé

at, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays Bigouden Sud a demandé au tribunal administratif de Rennes le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 63 785,09 euros au titre du mois de décembre 2018.

Par un jugement n°1902077 du 2 juin 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2021 et 24 février 2022 la communauté de communes du pays Bigouden Sud, représentée par Me Logéat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 février 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Finistère a rejeté sa réclamation préalable ;

3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Finistère de prononcer le remboursement sollicité devant le tribunal ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la TVA ayant grevé les factures produites est déductible dès lors qu'il existe un lien direct et immédiat entre le transport et le traitement des boues produites par les stations d'épuration des eaux usées situées sur le territoire de la communauté de communes du pays Bigouden Sud et le service d'assainissement collectif délégué ; en tout état de cause, les dépenses concernées font partie des frais généraux liés à l'activité économique ;

- l'administration permet désormais qu'une collectivité qui aurait délégué une partie importante de ses missions d'assainissement collectif à un opérateur privé puisse opter à la tva pour la partie des missions qu'elle continue à exercer en régie ;

- elle entend se prévaloir de la doctrine fiscale référencé BOI-TVA-DED-20-10-20 ;

- elle entend se référer à l'argumentation qu'elle a développée en première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 janvier et 20 mai 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la Communauté de communes du Pays Bigouden Sud n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes du Pays Bigouden Sud exerce, depuis le 1er janvier 2018, la compétence en matière d'assainissement des eaux usées définie à l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, sur son territoire. Elle s'est ainsi substituée aux communes qu'elle regroupe, dans leurs relations contractuelles avec la SAS Saur, délégataire du service public industriel et commercial de l'assainissement collectif, et a conservé la gestion en régie de l'assainissement non collectif et, jusqu'au 1er janvier 2019, de l'assainissement collectif de la commune de Penmarc'h. Le 31 janvier 2019, la communauté de communes a, par voie de télédéclaration, sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 257 223 euros au titre du mois de décembre 2018, rattaché au budget

" assainissement ". Par une décision du 20 février 2019, l'administration a fait droit à cette demande à hauteur de 185 861 euros et en a rejeté le surplus. La communauté de communes du Pays Bigouden Sud relève appel du jugement du 2 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 63 785,09 euros non admis par l'administration fiscale.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort de l'examen des points 8 et 9 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a indiqué les éléments qui l'ont conduit à considérer qu'il n'existait pas un lien direct et immédiat entre les prestations facturées par la société Générale de Valorisation et le service d'assainissement collectif délégué à la société Saur et que le coût de ces prestations n'était pas constitutif de frais généraux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

4. La demande de remboursement d'un crédit de TVA présentée sur le fondement des dispositions de l'article 271 du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation du contribuable qui entend contester la créance du Trésor, en tout ou en partie, en ce qui concerne les impositions auxquelles il a été assujetti, ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition susceptible de recours pour excès de pouvoir. Les conclusions et moyens dirigés contre une telle décision ne sont donc pas recevables. C'est par suite sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont écarté pour ce motif les moyens dirigés par la communauté de communes du Pays Bigouden Sud contre les décisions par lesquelles le directeur départemental des finances publiques du Finistère n'a que partiellement fait droit aux demandes de remboursement en litige.

Sur la demande de remboursement d'un crédit de TVA :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ". Aux termes de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. (...) ".

6. Aux termes de l'article 260 A du code général des impôts : " Les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent, sur leur demande, être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services suivants : / (...) assainissement ; / (...) / enlèvement et traitement des ordures, déchets et résidus lorsque ce service donne lieu au paiement de la redevance pour services rendus prévue par l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales. / L'option peut être exercée pour chacun des services cités ci-dessus, dans des conditions et pour une durée qui sont fixées par décret en Conseil d'État. ".

7. Aux termes de l'article 201 quinquies de l'annexe II au code général des impôts : " Les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics qui, en application de l'article 260 A du code général des impôts, optent pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services énumérés à cet article ou à certains d'entre eux prennent une décision distincte pour chaque service (...) ".

8. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) ". Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique. Il y a lieu d'examiner, dans ce cas, si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti.

9. L'administration a refusé d'accorder à la communauté de communes du Pays Bigouden Sud le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 63 785,09 euros sollicité au titre du budget annexe " assainissement " au motif que la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la société Geval correspondait à des prestations de traitement et de transport des boues et de plusieurs types de déchets verts collectées dans les déchetteries situées sur le territoire communautaire qui ne présentaient pas un lien direct et immédiat avec ce budget annexe.

10. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Pays Bigouden Sud a constitué deux budgets annexes regroupant l'un, intitulé " régie assainissement ", les dépenses et les recettes des services d'assainissement en régie, l'autre, intitulé

" assainissement ", les dépenses et les recettes des services d'assainissement faisant l'objet d'une délégation de service public consentie à la société Saur. Il est constant que la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée formulée le 31 janvier 2019 concernait le budget annexe " assainissement " délégué. Il résulte également de l'instruction que les prestations de traitement et de transport des boues en litige facturées par la société Geval, qui ne relèvent plus du champ de la délégation de service public consentie à la Saur depuis la signature d'un avenant le 20 janvier 2009, se rapportent au marché de prestations n°S1303-01 conclu le 12 mai 2016 par la communauté de communes du Pays Bigouden Sud avec la société Geval. Il n'est pas contesté que la communauté de communes ne refacture pas ces prestations à son délégataire la société Saur. Au regard de ces éléments, dont la matérialité n'est pas contestée par la communauté de communes requérante, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne présentait pas de lien direct et immédiat avec le budget annexe assainissement délégué. La communauté de communes du Pays Bigouden Sud ne démontre pas l'existence d'un tel lien en se bornant à produire une facture type de la société Saur faisant apparaitre une part intercommunale. Elle ne peut utilement se prévaloir d'une option en faveur de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des services d'assainissement exploités par elle en régie. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses seraient constitutives de frais généraux se rapportant aux prestations d'assainissement et ouvriraient droit, à ce titre, à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par suite, la communauté de communes du Pays Bigouden Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 63 785,09 euros sollicité au titre du budget annexe " assainissement ".

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

11. La communauté de communes du Pays Bigouden Sud n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-20-10-20 dès lors qu'elle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

12. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays Bigouden Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes du Pays Bigouden Sud est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays Bigouden Sud et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.

Le rapporteur

A. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT021772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02177
Date de la décision : 13/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-13;21nt02177 ?
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