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27/01/2023 | FRANCE | N°21NT03270

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 janvier 2023, 21NT03270


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2021, 2 mai 2022, 2 juin et 16 juin 2022, l'association " Vent de folie ", M. et Mme U... et P... Q..., M. R... H..., M. G... K..., M. et Mme N... et V... M..., M. et Mme F... et L... B..., M. et Mme A... H..., M. et Mme J... S..., M. et Mme D... T..., M. O... de Rochebrune et M. et Mme I... et E... C..., représentés par Me Collet, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 19 juillet 2021 par laquelle le préfet de la Vendée a assor

ti l'autorisation environnementale délivrée à la société Parc éolien de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2021, 2 mai 2022, 2 juin et 16 juin 2022, l'association " Vent de folie ", M. et Mme U... et P... Q..., M. R... H..., M. G... K..., M. et Mme N... et V... M..., M. et Mme F... et L... B..., M. et Mme A... H..., M. et Mme J... S..., M. et Mme D... T..., M. O... de Rochebrune et M. et Mme I... et E... C..., représentés par Me Collet, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 19 juillet 2021 par laquelle le préfet de la Vendée a assorti l'autorisation environnementale délivrée à la société Parc éolien de la Plaine de la Minée de prescriptions pour la construction et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chantonnay ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur les conditions dans lesquelles l'administration, saisie d'une demande d'autorisation environnementale sur le fondement du 2° de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, peut exiger du pétitionnaire qu'il sollicite l'octroi de la dérogation prévue par le 4° du I de l'article L. 411-2 de ce code et de surseoir à statuer jusqu'à l'émission de l'avis du Conseil d'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme globale de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt pour agir ;

- les prescriptions de l'arrêté préfectoral attaqué relatives à la protection du paysage sont insuffisantes à réduire les atteintes à la commodité du voisinage ainsi qu'au patrimoine historique et aux paysages ;

- les prescriptions de l'arrêté préfectoral contesté ne sont pas de nature à éviter la destruction d'espèces protégées de chiroptères ;

- le projet contesté relève du régime de dérogation prévu à l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- la société pétitionnaire ne justifie pas de capacités financières.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 21 janvier 2022, 5 B... 2022, 17 mai 2022, 16 juin 2022 et 1er juillet 2022, la société Parc éolien de la Plaine de la Minée, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme globale de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les requérants, personnes physiques, ne justifient d'aucune gêne visuelle du parc éolien susceptible de leur conférer un intérêt à agir contre l'arrêté contesté ;

- l'association ne justifie pas de son intérêt pour agir au regard de son objet statutaire qui recouvre un champ géographique excédant l'impact territorial du parc éolien ni de sa qualité pour agir, faute d'établir la désignation régulière de son président ;

- la demande de sursis à statuer est irrecevable dès lors que les conditions fixées par l'article L. 113-1 du code de justice administrative ne sont pas satisfaites ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêt n° 20NT02465 du 2 B... 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme W...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Guen, substituant Me Collet, représentant les requérants, et de Me Thomas, substituant Me Gossement, représentant la société Parc éolien de la Plaine de la Minée.

Une note en délibéré présentée par l'association " Vent de folie ", M. et Mme U... et P... Q..., M. R... H..., M. G... K..., M. et Mme N... et V... M..., M. et Mme F... et L... B..., M. et Mme A... H..., M. et Mme J... S..., M. et Mme D... T..., M. O... de Rochebrune et M. et Mme I... et E... C... a été enregistrée le 25 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien de la Plaine de la Minée a déposé, le 5 B... 2019, une demande d'autorisation environnementale en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc éolien composé de 3 aérogénérateurs d'une puissance de 10,8 MW et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chantonnay en Vendée. Par un arrêt n° 20NT02465 du 2 B... 2021, devenu définitif, la cour a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de la Vendée a refusé de délivrer à la société Parc éolien de la Plaine de la Minée l'autorisation environnementale sollicitée, lui a accordé l'autorisation environnementale de construire et d'exploiter le parc éolien projeté et a enjoint au préfet de la Vendée d'assortir cette autorisation de prescriptions de nature à prévenir les dangers ou inconvénients que peut présenter cette installation, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêt. Par un arrêté du 19 juillet 2021, le préfet de la Vendée a prescrit à la société Parc éolien de la Plaine de la Minée des mesures spécifiques visant, notamment, la protection des oiseaux, des chiroptères et des paysages. L'association " Vent de folie ", M. et Mme U... et P... Q..., M. R... H..., M. G... K..., M. et Mme N... et V... M..., M. et Mme F... et L... B..., M. et Mme A... H..., M. et Mme J... S..., M. et Mme D... T..., M. O... de Rochebrune et M. et Mme I... et E... C... demandent l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les prescriptions destinées à prévenir les inconvénients du projet sur la commodité du voisinage :

2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

3. L'article 2.1.3 de l'arrêté attaqué prescrit à l'exploitant d'étendre, en vue de contribuer à l'amélioration du cadre de vie des riverains, les plantations de haies, qui étaient prévues dans l'étude d'impact aux abords du manoir de Ponsay et en limite des lotissements de Chantonnay (en frange urbaine du Pont d'Arcole) et de Saint-Mars-des-Prés, à trois nouveaux sites que sont la frange sud du bourg de Puybelliard et les lieux-dits de Dinchin et de la Taupinay/Bréjonnée. La seule circonstance que l'impact paysager du projet éolien sur l'ensemble de ces sites a été qualifié, dans l'étude d'impact, de fort en ce que les éoliennes créent de nouveaux points d'appel visuel ne suffit pas à démontrer le caractère insuffisant de cette prescription, alors qu'il résulte des simulations faites pour les lotissements de Chantonnay et de Saint-Mars-des-Prés que le renforcement des haies, sur un linéaire de 55 mètres au niveau de la frange urbaine du Pont d'Arcole et, sur un linéaire de 40 mètres au niveau du lotissement de Saint-Mars-des-Prés, permet de réduire sensiblement l'effet visuel du projet. Si le projet présente, au niveau du lieu-dit de la Taupinay/Bréjonnée situé à 554 mètres au sud de l'éolienne la plus proche, une prégnance visuelle incontestable, il résulte de l'instruction que les vues sur le projet depuis les habitations sont filtrées par la végétation dense les entourant et bordant la RD 949 b le long de laquelle se trouvent ces hameaux, lesquels sont d'ailleurs figurés dans la carte des enjeux paysagers sur l'habitat, jointe à l'étude d'impact, comme présentant un enjeu modéré. Il ne résulte pas de l'instruction que la plantation de haies supplémentaires, à la demande des habitants qui, à la faveur d'une ouverture de cet écran végétal, pâtiraient d'une vue directe sur les éoliennes, ne permettrait pas d'atténuer de façon notable l'impact visuel en résultant. Il en va de même pour la frange sud du bourg de Puybélliard qui, située à plus d'un kilomètre de l'éolienne la plus proche, ne présente que des vues semi-ouvertes sur le projet du fait de la présence de constructions et de la végétation des espaces privatifs et où, en outre, les éoliennes ne créent pas d'effet d'écrasement ni de bouleversement des rapports d'échelle existants avec le paysage proche. Quant au hameau de Dinchin, distant de 798 mètres de l'éolienne la plus proche, il résulte de l'instruction qu'il présente une trame arborée propre à filtrer les vues sur le parc et où seule l'éolienne E2 est visible à l'arrière-plan d'une C... arborée, et qu'il relève du polygone, spécifiquement délimité en vue d'atténuer les impacts du projet sur le manoir de Ponsay, le château neuf et le vieux château de Sigournais, pour la protection duquel l'arrêté attaqué a prescrit à l'exploitant des mesures complémentaires consistant, notamment, à renforcer les linéaires bocagers en composant des haies à trois étages (haut jet, arbustives et strate herbacé).

4. Par ailleurs, en réservant la plantation de haies à la justification d'une visibilité directe sur le projet, sous le contrôle d'un expert paysagiste, le préfet de la Vendée a, contrairement à ce qui est soutenu, fixé des conditions claires et propres à assurer l'efficacité de cette mesure sans qu'il résulte de l'instruction que les dispositions des articles 671 et 672 du code civil seraient de nature à faire obstacle aux plantation de haies. Les requérants ne sauraient par ailleurs invoquer l'absence d'effectivité des mesures de plantations prévues du fait du défaut d'accord des propriétaires concernés, l'arrêté contesté soumettant précisément leur réalisation à la demande de ces derniers. Si les requérants se prévalent de la croissance lente des plantations, l'arrêté attaqué a prévu la réalisation d'un bilan sur deux périodes quinquennales afin de vérifier la fonctionnalité et la pérennité des plantations. En outre, en se bornant à soutenir que la règlementation de l'urbanisme ne permettrait pas de garantir l'exécution des plantations de haies, sans viser les dispositions du plan local d'urbanisme qui y feraient obstacle, les requérants n'apportent pas d'élément susceptible de remettre en cause l'efficacité de cette prescription. Contrairement à ce que soutiennent encore les requérants, le préfet de la Vendée n'était pas tenu de rappeler, dans l'arrêté attaqué venant fixer les prescriptions assortissant l'autorisation d'exploiter délivrée par la cour, les sanctions qu'il est en droit de prononcer en cas de manquements aux prescriptions, au titre de ses pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l'environnement.

5. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le montant de l'enveloppe budgétaire de 6 000 euros prévue pour le financement de ces plantations supplémentaires, estimées à hauteur de 400 mètres linéaires, serait insuffisant.

6. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré du caractère insuffisant des prescriptions destinées à prévenir les inconvénients du projet sur la commodité du voisinage doit être écarté.

En ce qui concerne les prescriptions relatives à la protection des paysages et du patrimoine bâti :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué prévoit en son article 2.1.3 la plantation, pour la protection du manoir de Ponsay, d'un linéaire de haies de 470 mètres, de part et d'autre de la voie communale à l'ouest du manoir. Si le projet contesté constitue pour le manoir de Ponsay, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et distant de 965 mètres, un nouveau point d'appel visuel notable, il résulte des photomontages réalisés depuis le manoir que la trame boisée et le relief tronquent en partie la vue sur les éoliennes et des simulations jointes à l'étude d'impact que la plantation d'une haie dense, de part et d'autre de la voie communale, pour la réalisation de laquelle le propriétaire des parcelles concernées, également propriétaire du manoir a donné son accord, permettra de masquer significativement les éoliennes.

8. En deuxième lieu, afin d'assurer la protection visuelle des édifices classés et de lieux-dits pour lesquels l'étude d'impact a identifié, au sein des aires d'étude rapprochée et immédiate, des situations de co-visibilité, l'arrêté attaqué définit une zone au sein de laquelle des mesures de renforcement des haies bocagères sont prescrites à l'exploitant. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette zone, dont le périmètre figure un polygone qui s'étire d'est en ouest, des abords du bourg de Sigournais jusqu'au parc éolien contesté, est de façon précise délimitée au moyen d'une carte qui correspond aux ouvertures visuelles sur le projet identifiées dans l'étude d'impact depuis le manoir de Ponsay, le château neuf et le vieux château de Sigournais. Sont également expressément visés, dans cette zone, deux lieux-dits, " Les Coudreaux " et " Puy-Rabasteau " pour lesquels l'exploitant est appelé à veiller " tout particulièrement " à la création d'écrans végétaux pour les préserver de toute visibilité sur le projet, ainsi que les cours d'eau de l'Arguignon et du Chassais au bord desquels la plantation de ripisylves est prescrite aux fins de maintenir la lecture de ces ruisseaux depuis les points hauts du château du Sigournais et le long du GR du Pays de Mélusine. La création d'écrans végétalisés est encore prescrite pour le lieu-dit " Le Pissot ", même s'il renvoie la mise en œuvre de cette mesure à des études ultérieures à transmettre à l'inspection des installations pour la protection de l'environnement dans les 24 mois suivant la mise en service du parc éolien. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les caractéristiques de ces plantations sont suffisamment précisées dans l'arrêté attaqué qui prescrit qu'elles doivent être réalisées perpendiculairement aux pentes naturelles, constituées d'essences locales et composées de 3 étages (haut jet, arbustives et strate herbacé) afin de les densifier.

9. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les prescriptions prévues pour ces différents sites et monuments seraient insuffisantes. Ainsi, s'agissant du château féodal de Sigournais, situé dans l'aire d'étude rapprochée à 3 379 mètres de l'éolienne la plus proche, si les requérants se prévalent de l'avis défavorable émis le 16 septembre 2019 par l'architecte des bâtiments de France, soulignant le positionnement stratégique de l'édifice compte tenu de la topographie du paysage, la cour a jugé, dans l'arrêt du 2 B... 2021 devenu définitif, que le projet n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du château féodal en ce que le parc éolien litigieux sera en grande partie masqué par la trame végétale et bâtie du village. En outre, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que, dans ce contexte, le renforcement des haies bocagères prévu par l'arrêté attaqué ne permettrait pas d'assurer une protection visuelle suffisante. Il en va de même pour le château " neuf " de Sigournais qui, implanté au cœur d'une C... boisée, n'offre sur le projet que quelques vues filtrées ou tronquées.

10. La circonstance que l'impact paysager du projet a été qualifié de fort s'agissant du lieu-dit " Le Pissot ", situé à 2 107 mètres de l'éolienne la plus proche, ne suffit pas davantage à faire regarder la prescription comme insuffisante à prévenir les incidences visuelles du projet, alors que le photomontage, réalisé depuis ce lieu-dit, démontre que la vue sur les éoliennes sera limitée par les constructions situées en premier plan et par la C... boisée se trouvant en arrière-plan duquel elles émergent et révèle l'absence de tout effet d'écrasement des machines sur le paysage. Si, depuis le lieu-dit " Les Coudreaux ", situé à 2 km de l'éolienne la plus proche, les éoliennes marqueront, du fait des vues ouvertes qu'il présente, de façon plus prégnante le paysage, il ne résulte pas de l'instruction que le renforcement des haies bocagères ne serait pas de nature à atténuer l'incidence paysagère des machines compte tenu, notamment, de l'implantation retenue des éoliennes, sur une ligne d'orientation nord-ouest/sud-est suivant la ligne principale du paysage du secteur marqué par la vallée de l'Arguignon, à l'est, et la RD 949b, à l'ouest, et à une altimétrie la plus similaire possible pour les 3 machines. En outre, si les requérants contestent l'absence de toute prescription tendant à préserver les vues depuis les donjons de Pouzauges et de Bazoges, la cour a considéré dans son arrêt du 2 B... 2021, devenu définitif, que le projet ne porte pas d'atteinte au caractère et à l'intérêt de ces édifices. Contrairement à ce que soutiennent également les requérants, la circonstance que les plantations prescrites puissent requérir, lorsque l'exploitant ne disposera pas de la maitrise foncière, l'accord des riverains concernés, ne les rend pas " incertaines ", dès lors qu'elles seront exigées pour la mise en service du parc.

11. Enfin, les requérants ne sauraient critiquer l'absence de sanction assortissant les prescriptions ainsi qu'il a été dit au point 4 ni soutenir que le public n'aurait pas été préalablement informé de la nature des prescriptions contestées. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère insuffisant des prescriptions prévues pour réduire les inconvénients du projet sur les paysages et le patrimoine bâti doit être écarté.

En ce qui concerne les prescriptions relatives aux chiroptères :

12. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que deux groupes d'espèces observées présentent une sensibilité au risque de collision/barotraumatisme, considérée comme moyenne à forte à une échelle locale, à savoir le groupe des sérotules (Noctule de Leisler, Noctule commune et Sérotine commune) et le groupe des Pipistrelles (Pipistrelle commune, Pipistrelle de Nathusius et Pipistrelle de Kuhl), que 20 % de l'activité observée en altitude se trouve au-dessus de la médiane de 50 mètres de hauteur et que les vols à cette altitude sont le fait, à hauteur de 44 %, des Pipistrelles communes et, à hauteur de 30 %, des Noctule communes et des Sérotines communes. Afin de réduire les risques de collision, le préfet de la Vendée a assorti l'autorisation attaquée d'une prescription imposant à l'exploitant de procéder à des mesures de bridage des trois éoliennes, mesures consistant en l'arrêt de ces aérogénérateurs les quatre premières heures de la nuit, du 1er juillet au 30 septembre, sous certaines conditions de vent et de température, période particulièrement favorable à l'activité chiroptérologique, rendant ainsi faible le risque de collision. La seule circonstance, invoquée par les requérants, que ces mesures ne permettraient pas de garantir l'absence d'impacts ne permet pas de démontrer qu'elles ne seraient pas suffisantes. Si le petit Rhinolophe et le grand Rhinolophe sont classés respectivement comme espèces " en danger " et " vulnérables " dans les Pays de la Loire, il résulte de l'étude d'impact que le risque de collision avec les éoliennes est pratiquement inexistant pour ces deux espèces, très rarement observées en altitude. Un suivi environnemental des chiroptères, qui doit être mis en place dans les conditions prévues à l'article 12 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 et dans le respect des modalités prévues par le protocole en vigueur et la doctrine régionale du Pays de la Loire, est également prescrit à l'exploitant dans les 12 mois suivant la mise en service du parc éolien, qui devra ajuster, selon les résultats de ce suivi, les modalités de bridage, de sorte que les requérants ne peuvent critiquer l'arrêté attaqué en ce qu'il ne préciserait pas les modalités de révision du bridage des éoliennes qui devront, le cas échéant, être mises à mises en œuvre. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère insuffisant des prescriptions relatives aux chiroptères doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :

13. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ;/(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (... ) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :/ (...)/ 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/ (...)/ c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ". L'arrêté du 23 B... 2007 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixe la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

14. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

15. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 B... 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

16. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

17. Il résulte de l'instruction que l'étude chiroptérologique réalisée sur site en 2016 a permis de recenser la présence, dans l'aire immédiate du projet, de 14 espèces et d'une paire d'espèces, à savoir le petit Rhinolophe, le grand Rhinolophe, le Murin de Daubenton, le Murin à oreilles échancrées, le Murin de Natterer, le grand Murin, la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle Pygmée, la Pipistrelle de Nathusius, la Pipistrelle de Kuhl, la Sérotine commune, la Barbastelle d'Europe, les Oreillard gris et roux, et trois espèces probables, à savoir le Murin d'Alcathoé, le Murin à moustaches et le Murin de Bechstein, toutes espèces inscrites à l'article 2 de l'arrêté du 23 B... 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. L'étude d'impact, sur la base de laquelle l'autorisation contestée a été délivrée, indique qu'après mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction, l'impact résiduel sera très faible à nul pour la Barbastelle d'Europe, le petit Rhinolophe, le grand Rhinolophe, le groupe des Murins, le groupe des Oreillards, faible à très faible pour la Pipistrelle Pygmée et faible pour la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Nathusius, la Pipistrelle de Kuhl et la Sérotine commune, l'étude précisant pour ces dernières espèces que l'asservissement des éoliennes est de nature à réduire significativement les risques de collision mais que demeurent possibles des mortalités accidentelles. Au regard de cette analyse et en l'absence de tout autre élément dans l'étude chiroptérologique, et alors que les requérants se bornent à faire état de ce que le projet ne permet pas de garantir l'absence de tout impact, le risque que le projet comporte pour ces dernières espèces ne peut être regardé comme suffisamment caractérisé pour imposer au pétitionnaire d'obtenir une dérogation " espèces protégées ". Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire était tenue de solliciter, sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, pour la réalisation de son projet de parc éolien, une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées prévues à l'article L. 411-1 du même code doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la justification des capacités financières :

18. Il résulte de l'instruction que la société Parc éolien de la Plaine de la Minée a conclu, le 22 juin 2021, un contrat de complément de rémunération avec la société EDF dans le cadre des dispositions de l'arrêté du 6 mai 2017 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent visées au 7° de l'article D. 314-23 du code de l'énergie et de 6 aérogénérateurs au maximum. La circonstance, invoquée par les requérants, que ce contrat stipule en son article 5 que la date de prise d'effet de ce contrat n'est pas encore connue à la date de sa signature n'est pas de nature à établir que la société pétitionnaire aurait perdu le bénéfice de ce contrat et ne justifierait dès lors plus de capacités financières suffisantes, dès lors que l'article 5 ne déduit pas de cette circonstance la perte du bénéfice du complément de rémunération, mais renvoie à un avenant ultérieur la fixation de la date de prise d'effet du contrat. Le moyen tiré de la non justification par la société de ses capacités financières doit, par suite, être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 juillet 2021.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la société Parc éolien de la Plaine de la Minée au titre des frais exposés à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association " Vent de folie ", de M. et Mme U... et P... Q..., de M. R... H..., de M. G... K..., de M. et Mme N... et V... M..., de M. et Mme F... et L... B..., de M. et Mme A... H..., de M. et Mme J... S..., de M. et Mme D... T..., de M. O... de Rochebrune et de M. et Mme I... et E... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Parc éolien de la Plaine de la Minée sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vent de folie ", premier des requérants dénommés, pour l'ensemble des requérants conformément à l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Parc éolien de la Plaine de la Minée et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera en outre adressée pour son information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

La rapporteure,

I. W...La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT03270002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03270
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-27;21nt03270 ?
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