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27/01/2023 | FRANCE | N°21NT03484

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 janvier 2023, 21NT03484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Financière des Eparses a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 et de constater l'imputation du déficit de l'exercice clos en 2012 pour un montant de 175 458 euros sur le bénéfice de l'exercice clos en 2011, l'existence d'une créance d'impôt de 58 486 euros au titre de l'exercice

clos en 2012, l'existence d'un report déficitaire d'un montant de 305 301 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Financière des Eparses a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 et de constater l'imputation du déficit de l'exercice clos en 2012 pour un montant de 175 458 euros sur le bénéfice de l'exercice clos en 2011, l'existence d'une créance d'impôt de 58 486 euros au titre de l'exercice clos en 2012, l'existence d'un report déficitaire d'un montant de 305 301 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 3 703 415 euros au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1502735,1700024,1700025 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Financière des Eparses, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices 2009 à 2013 (article 1er), a ordonné à l'Etat de restituer à la société les sommes versées en paiement de ces impositions (article 2), a rejeté le surplus de ses conclusions (article 3) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 janvier 2018 et 13 août 2018 le ministre de l'action et des comptes publics a demandé à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 25 octobre 2017 ;

2°) de confirmer les rectifications opérées dans les résultats imposables de la société au titre des exercices clos de 2009 à 2013 à hauteur, respectivement, de 332 168 euros, 313 137 euros, 326 159 euros, 305 301 euros et 261 783 euros ;

3°) de remettre à la charge de la SAS Financière des Eparses la somme totale de 354 572 euros, soit 90 672 euros au titre de l'exercice clos en 2009, 141 264 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et 122 636 euros au titre de l'exercice clos en 2011 ;

4°) de rejeter sa demande de report en arrière du déficit ouvrant droit à une créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de 58 486 euros.

Il soutenait que :

- outre l'action de concert qui a été retenue par le tribunal administratif, l'administration fiscale a démontré que les actionnaires historiques de la société Financière des Eparses exercent un contrôle conjoint sur cette société en déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale ; c'est donc, à tort, que le tribunal administratif a estimé que la réintégration dans les résultats des exercices clos de 2009 à 2013 d'une fraction des charges financières des emprunts contractés par la SAS Financière des Eparses n'était pas fondée ;

- l'existence ou non du contrôle conjoint s'appréciant exercice par exercice, l'analyse des décisions extraordinaires adoptées le 15 novembre 2013 ne peut avoir d'influence sur la démonstration de la réalité d'un contrôle conjoint au titre des années 2009 à 2011 ;

- l'avis de mise en recouvrement du 8 octobre 2014 n'est pas irrégulier dès lors qu'il a été adressé à la société Financière des Eparses, seule redevable, que la société Magasins Bleus est seulement mentionnée en tant que destinataire du pli et que la réception d'un pli par un tiers n'emporte pas d'irrégularité dès lors que le tiers a des liens suffisants d'ordre personnel ou professionnel avec le redevable de l'imposition ;

- l'appel incident est irrecevable dès lors que le litige visé dans l'instance n°1700025 était différent de ceux visés dans les instances n° 1502735 et n° 1700024, objets de l'appel principal ;

- si la société est effectivement en droit de réclamer le report du déficit d'ensemble du groupe constaté au 31 décembre 2012 à la suite du contrôle fiscal, sa demande ne pouvait aboutir dès lors que sa créance et le supplément d'impôt réclamé au titre de l'exercice clos en 2011 présentaient un caractère incertain du fait du désaccord persistant sur les rectifications.

Par des mémoires enregistrés les 4 mai 2018 et 19 juin 2019 la SAS Financière des Eparses, représentée par Me Coste, a conclu au rejet de la requête et a demandé à la cour d'annuler l'article 3 de ce jugement et de confirmer la créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de la somme de 58 486 euros, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- l'avis de mise en recouvrement du 8 octobre 2014 a été émis au nom de la société Magasins Bleus et non en son nom, en méconnaissance des articles L. 256 et R. 256-6 du livre des procédures fiscales alors qu'elle n'a donné aucun mandat à la société Magasins Bleus et que cette société ne saurait être redevable d'impositions dues par la seule société mère intégrante en application des dispositions du II de l'article 223 A du code général des impôts ;

- ni l'action de concert ni le contrôle conjoint ne sont établis, de sorte que la remise en cause effectuée sur le fondement du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts n'est pas fondée ;

- elle se prévaut des paragraphes 40, 50 et 60 de l'instruction administrative BOI-IS-DEF-20-10-20120912, qui permet de réclamer le droit de reporter en arrière le déficit en cas de contrôle fiscal, pour soutenir qu'elle bénéficie de nouveau d'un droit d'option pour le report en arrière de son déficit et réitère sa demande d'imputation du déficit de l'exercice clos en 2012 d'un montant de 175 458 euros sur le bénéfice de l'exercice clos en 2011, de sorte qu'elle bénéficie d'une créance d'impôt de 58 486 euros ; le risque de remise en cause de cette créance en raison du litige en cours est inexistant dès lors que le déficit dont le report en arrière est demandé est limité au montant du déficit réduit après contrôle fiscal ;

- son appel incident est recevable dès lors que l'administration fiscale a fait appel du jugement rendu dans trois instances jointes.

Par un arrêt n°18NT00281 du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi que les conclusions d'appel incident de la SAS Financière des Eparses.

Par une décision n° 439650 du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé l'article 1er de l'arrêt du 30 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyé dans cette mesure à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT03484 et, d'autre part, rejeté le pourvoi incident de la société Financière des Eparses et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2022 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2022, non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique maintient les conclusions précédemment présentées par lui devant la cour.

Il reprend l'intégralité des moyens soulevés en cause d'appel et en cassation.

Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2022 la SAS Financière des Eparses, représentée par Me Coste, conclut au rejet de la requête et demande, à titre subsidiaire, de confirmer la créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de la somme de 58 486 euros, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que ni l'action de concert ni le contrôle conjoint ne sont établis, de sorte que la remise en cause effectuée sur le fondement du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Palos, pour la SAS Financière des Eparses.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de deux vérifications de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) Financière des Eparses, l'administration fiscale a réintégré aux résultats imposables des exercices clos au cours des années 2009 à 2013 une partie des frais financiers supportés par les sociétés membres du groupe, sur le fondement du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement les 9 octobre 2014 et 31 mars 2016 pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 90 672 euros s'agissant de l'exercice clos en 2009, de 141 264 euros s'agissant de l'exercice clos en 2010 et de 122 636 euros s'agissant de l'exercice clos en 2011. Par un jugement du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de ces impositions et ordonné à l'Etat de restituer à la SAS Financière des Eparses les sommes versées. Par un arrêt n°18NT00281 du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que soient annulés les articles 1er et 2 du jugement du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Rennes, à ce que soient confirmées les rectifications dans les résultats imposables de la société au titre des exercices clos de 2009 à 2013, à hauteur, respectivement, de 332 168 euros, 313 137 euros, 326 159 euros, 305 301 euros et

261 783 euros et à ce que soit remise à la charge de la SAS Financière des Eparses la somme totale de 354 572 euros, ainsi que les conclusions d'appel incident de la SAS Financière des Eparses tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 25 octobre 2017 et à la confirmation de l'existence à son profit d'une créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de la somme de 58 486 euros. Par une décision du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'article 1er de l'arrêt du 30 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyé dans cette mesure à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT03484 et a, d'autre part, rejeté le pourvoi incident formé par la société Financière des Eparses.

Sur l'étendue du litige :

2. Après cassation partielle par le Conseil d'État statuant au contentieux, il appartient à la cour à laquelle le jugement d'une affaire est renvoyé de se prononcer de nouveau sur le litige dans les limites résultant de la décision du juge de cassation. Sont, par suite, irrecevables devant la cour les conclusions des parties qui tendent à faire trancher des questions étrangères aux seuls points restant à juger en vertu de la décision du Conseil d'État, soit parce qu'elles relèvent de litiges distincts, soit parce qu'elles tendent à remettre en cause l'autorité de la chose jugée par la cour telle qu'elle a été confirmée par le juge de cassation. Les conclusions présentées par la SAS Financière des Eparses tendant à ce que soit confirmée une créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de la somme de 58 486 euros, point sur lequel la cour a définitivement statué par son arrêt du 30 janvier 2020 et qui est devenu irrévocable, sont étrangères aux questions restant à juger après la décision de renvoi du Conseil d'État. Dès lors, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts : " Lorsqu'une société a acheté, après le 1er janvier 1988, les titres d'une société qui devient membre du même groupe aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, les charges financières déduites pour la détermination du résultat d'ensemble sont rapportées à ce résultat pour une fraction égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe. Le prix d'acquisition à retenir est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire lors d'une augmentation du capital réalisée simultanément à l'acquisition des titres à condition que ces fonds soient apportés à la société cessionnaire par une personne autre qu'une société membre du groupe ou, s'ils sont apportés par une société du groupe, qu'ils ne proviennent pas de crédits consentis par une personne non membre de ce groupe. La réintégration s'applique pendant l'exercice d'acquisition des titres et les huit exercices suivants ".

4. Aux termes de l'article L. 233-3 du code de commerce : " I. - Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : / 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; / 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; / 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; / 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. / II. - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. / III. - Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ". Aux termes du I de l'article L. 233-10 du même code, dans sa version applicable avant le 24 octobre 2010 : " Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de la société ". Enfin, aux termes du même article, dans sa version applicable à compter du 24 octobre 2010 : " I.- Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société. / (...) ".

5. Il résulte des dispositions du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts que l'administration est fondée à réintégrer dans les résultats de la société mère d'un groupe fiscalement intégré une fraction des charges financières du groupe, lorsqu'une société est acquise en vue d'être intégrée par une société du groupe auprès d'une ou de plusieurs personnes qui contrôlent la société cessionnaire. Ces dispositions sont applicables, compte tenu de ce que l'existence d'un tel contrôle s'apprécie par référence aux critères définies par l'article L. 233-3 du code de commerce, non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédée et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d'autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire. Il appartient à l'administration d'établir l'existence d'une action de concert puis de vérifier si tout ou partie des personnes agissant de concert déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.

6. La société Financière des Eparses, société holding mère du groupe fiscal intégré qu'elle compose avec les sociétés SAS SICO et SAS Magasins Bleus, a été créée le 6 février 2017, à l'initiative de l'Institut de Participation de l'Ouest (IPO), par acquisition des titres de la SAS SICO auprès de la SAS HDM B... et des titres de la SAS Magasins Bleus auprès de la SAS Jasper. A cette date, son capital était notamment détenu par la société Jasper, la société HDM B... et IPO.

7. D'une part, s'agissant de l'action de concert, il résulte de l'instruction que les associés de la SAS Financière des Eparses ont, le 2 mars 2007, conclu un accord, dit pacte d'actionnaires, relatif notamment à l'acquisition et la cession des droits de vote attachés aux titres de la société détenus par les actionnaires et prévoyant un droit de préemption réciproque, des modalités de droit de sortie et une obligation de sortie conjointe ainsi qu'une clause d'anti-dilution. Ce pacte, selon son exposé préalable, est destiné à arrêter les termes et conditions de la participation des actionnaires au capital de la SAS Financière des Eparses et à définir leurs relations. Il présente cette opération, d'une part, comme résultant de la volonté de l'actionnaire majoritaire des sociétés Jasper et Magasins Bleus, de l'actionnaire majoritaire des sociétés HDM et du groupe SICO, de M. A..., manager opérationnel du groupe SICO, des sociétés 4 M B... et L'avenir et d'IPO de rapprocher les Magasins Bleus et le groupe SICO afin de mettre en œuvre des synergies dans le domaine des achats, de la logistique, de l'animation et de la formation des équipes commerciales tout en préservant l'identité des deux sociétés et, d'autre part, comme, ayant pour objectif commun aux associés de favoriser le développement du groupe Financière des Eparses, par opérations de croissance tant interne qu'externe, à l'effet d'optimiser la valorisation des participations de chacun et d'obtenir à terme une liquidité de leur investissement. Ce pacte mentionne également qu'IPO a apporté son concours en considération des compétences des managers opérationnels et en considération du projet de développement du groupe Financière des Eparses. Ainsi, cet accord contraignant, dont le point 1.2 souligne la primauté, comporte des clauses relatives à l'acquisition et à la cession des droits de vote attachés aux titres de la société et a pour finalité d'exercer une politique commune vis-à-vis de la société, notamment par la volonté d'assurer la stabilité de l'actionnariat. Par suite, quand bien même il ne comporte pas de clauses relatives à l'exercice des droits de vote, ce pacte révèle que les actionnaires agissent de concert au sens et pour l'application des dispositions du I de l'article L. 233-10 du code de commerce.

8. D'autre part, s'agissant du contrôle conjoint, il résulte de l'instruction, outre l'existence du pacte contraignant mentionné et détaillé au point 7, qu'aucune décision " extraordinaire " ne peut être prise sans l'accord des sociétés Jasper, HDM B... et IPO, alors que ces décisions " extraordinaires " comprennent la nomination des membres du conseil de surveillance, du personnel dirigeant et l'approbation des principales décisions d'investissement, et que ces trois principaux actionnaires n'ont pas été en désaccord au cours de la période en litige sur les décisions qu'il leur appartenait de prendre, à l'exception de deux décisions relatives à une augmentation de capital et à la suppression du droit préférentiel de souscription reconnu aux associés, présentées au cours d'une assemblée générale tenue le 15 novembre 2013. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les trois principaux actionnaires doivent être regardés comme contrôlant conjointement la SAS Financière des Eparses au sens du III de l'article L. 233-3 du code de commerce.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a accordé à la SAS Financière des Eparses la décharge des impositions contestées au motif que les conditions posées au septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts n'étaient pas remplies.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SAS Financière des Eparses devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour.

Sur l'autre moyen soulevé par la SAS Financière des Eparses devant le tribunal administratif et devant la cour :

11. Les dispositions de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce prévoient que : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel (...) ". Selon l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de

l' " ampliation " prévue à l'article R. 256-3 (...) ".

12. La SAS Financière des Eparses soutient que la procédure est viciée dès lors que l'avis de de mise en recouvrement du 30 septembre 2014 a été émis au nom de la société Magasins Bleus. Il résulte toutefois des mentions de cet avis que la SAS Financière des Eparses, société mère de la société Magasins Bleus, est bien désignée comme redevable des impôts en litige et la mention de la société Magasins Bleus sur l'avis correspond au destinataire du pli à une adresse au demeurant commune. Si elle fait valoir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause, elle ne l'établit pas par les pièces versées au dossier alors que par ailleurs les deux sociétés ont le même gérant. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de ces impositions et ordonné à l'Etat de restituer à la SAS Financière des Eparses les sommes versées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SAS Financière des Eparses au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1502735,1700024,1700025 du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SAS Financière des Eparses au titre des exercices 2009 à 2013, dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Rennes, sont remises à la charge de cette société.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS Financière des Eparses au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière des Eparses et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.

Le rapporteur

A. C...

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT034842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03484
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-27;21nt03484 ?
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