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10/02/2023 | FRANCE | N°22NT03431

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 février 2023, 22NT03431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Dost a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2016.

Par un jugement n° 2109425 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 novembre 2022 et 19 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Dost a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2016.

Par un jugement n° 2109425 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 novembre 2022 et 19 janvier 2023 la SARL Dost, représentée par Me Granger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le débat oral et contradictoire n'a pas été respecté par le vérificateur ; celui-ci aurait dû organiser une réunion préalable à la réunion de synthèse et lui transmettre les éléments de calcul sur lesquels il entendait fonder les rectifications en litige avant la tenue de cette réunion ;

- l'administration aurait dû saisir à sa demande la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; la procédure d'imposition est donc irrégulière ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée en ce qui concerne les prix de vente retenus par l'administration, qui sont insuffisamment minorés, la ventilation entre les ventes au verre et celles à la bouteille, la contenance en alcool par verre, les ventes de " softs " ou sodas et sur l'autoconsommation et les offerts ; le vérificateur ne pouvait pas reprendre la bande de caisse remise le 25 novembre 2016 dans la reconstitution dès lors que cet élément faisait partie de sa comptabilité qui a été déclarée irrégulière.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 décembre 2022 et 20 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Dost ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Granger, représentant la SARL Dost.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dost, exploitant un bar-discothèque situé à Angers, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, a été assujettie, en droits et pénalités, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2016 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 août 2014, 2015 et 2016. Elle en a demandé la décharge au tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du

30 septembre 2022, celui-ci a rejeté sa demande. La SARL Dost relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. En l'espèce, la première intervention du vérificateur s'est déroulée dans les locaux de la SARL Dost le 20 octobre 2016, puis, à la demande de son gérant, la vérification de comptabilité a eu lieu dans les locaux de son cabinet comptable. Des interventions et relevés d'observations ont ainsi eu lieu les 10 novembre 2016 et 24 janvier 2017. Une réunion de synthèse s'est tenue le 8 mars 2017. Le vérificateur a essuyé des refus ou défauts de communication de documents de la part du gérant, comme le refus de tenir une main courante pour constater l'ensemble des ventes, des consommations des bouteilles ou verres au cours de la période allant du 10 novembre au 29 novembre 2016, l'absence de communication de la carte des prix ou le refus de recevoir en mains propres un imprimé mentionnant les prix de vente des bouteilles ou verres après l'exposé de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires par le vérificateur et des rappels des éléments corrigés de vente. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au vérificateur d'organiser une réunion préalable à la réunion de synthèse, ni de transmettre à la société intéressée les éléments de calcul sur lesquels il entendait fonder les rectifications en litige avant la tenue de cette réunion. La société ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations selon lesquelles, au cours de ces réunions, le vérificateur n'aurait pas voulu engager un débat contradictoire et aurait dissimulé l'objet principal de la rectification. Dès lors, le moyen selon lequel la procédure d'imposition serait entachée d'un vice tenant à l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 (...) ".

5. L'administration ayant fait connaître sa réponse aux observations de la société contribuable par des plis qui ont été présentés le 21 juillet 2017 et retirés le lendemain au bureau de poste, c'est tardivement que la société, qui disposait d'un délai de trente jours à compter du 22 juillet 2017, a présenté le 11 septembre 2017 à l'administration sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dès lors, le moyen tiré par la société Dost de ce que l'administration était tenue de saisir à sa demande cette commission doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

6. La méthode de reconstitution du chiffre d'affaires a eu pour base de calcul les achats des boissons revendues au verre ou à la bouteille auxquels ont été ajoutés les plats préparés par des sous-traitants et revendus. En revanche, le vérificateur a écarté de la reconstitution les ventes de cafés, souvent offerts, les sirops utilisés comme adjuvants aux cocktails et les bouteilles d'eaux minérales de 50 centilitres. Le vérificateur s'est fondé également sur la bande de caisse transmise au vérificateur le 25 novembre 2016. Le chiffre d'affaires déterminé par le vérificateur, au verre et à la bouteille, a été ventilé pour chaque nature de boisson.

7. En premier lieu, l'administration a, dans le cadre du recours hiérarchique de la SARL Dost, admis l'évolution des prix de vente invoquée par la société et a pratiqué à ce titre une minoration des prix de vente de 7 % pour 2014 et de 3,5 % pour 2015. Si la société soutient que ces minorations sont insuffisantes en faisant référence à la carte des prix datant de 2012 et aux tickets de cartes bancaires qu'elle a produits en cours de procédure, ces éléments doivent être écartés dans la mesure où, d'une part, en 2012 l'exploitation de l'établissement n'était pas identique dès lors qu'elle concernait un bar-restaurant et non une discothèque et, d'autre part, les tickets de cartes bancaires ne précisent ni la nature ni le nombre des consommations d'alcools.

8. En deuxième lieu, l'administration s'est fondée sur le contenu de la bande de caisse remise le 25 novembre 2016 et les déclarations du gérant au cours du contrôle pour procéder à la ventilation entre les ventes au verre et celles à la bouteille. Si, selon la SARL Dost, la ventilation ne pouvait pas être ainsi établie dès lors que l'administration, en estimant sa comptabilité irrégulière et dépourvue du caractère, a nécessairement entendu écarter la bande de caisse ainsi exploitée par elle, toutefois, d'une part, rien ne fait obstacle à ce que, pour établir sa propre méthode de reconstitution, l'administration reprenne des documents comptables qui font partie d'une comptabilité irrégulière et, d'autre part, une bande de caisse enregistreuse peut toujours être utilisée par un vérificateur pour établir une reconstitution du chiffre d'affaires. Ainsi, en l'absence de données plus précises de la part de la SARL Dost, et à défaut pour elle d'avoir établi une main courante malgré la demande qui lui avait été faite en ce sens au cours du contrôle, la bande de caisse remise par elle le 25 novembre 2016 a permis au service d'évaluer avec une approximation suffisante la répartition des ventes de boissons par catégorie et selon qu'elles ont été réalisées à la bouteille ou au verre.

9. En troisième lieu, la SARL Dost n'apporte aucun élément permettant d'estimer que la quantité de 4 centilitres d'alcool par verre retenue par le service en se fondant sur les usages de la profession et également sur les indications du gérant en cours de contrôle serait erronée et aurait dû être évaluée à 5 centilitres.

10. En quatrième lieu, si le gérant a affirmé au vérificateur que les " softs ", sirops ou sodas étaient seulement utilisés comme adjuvants aux cocktails et n'étaient pas séparément vendus, il n'a pas précisé les doses utilisées. Dans ces conditions, et alors que les éléments dont il disposait mettaient en évidence des ventes de boissons non alcoolisées indépendantes, le vérificateur a pu à bon droit reconstituer le chiffre d'affaires en prenant en compte de telles ventes. La SARL Dost n'apporte pas d'éléments permettant de contester ce volet de la reconstitution réalisée.

11. Enfin, le service, qui initialement a retenu un taux d'offerts de 0,5 % pour les alcools simples ou supérieurs et le vin servis au verre, un taux de 2 % pour les alcools simples ou supérieurs et le vin servis à la bouteille, un taux de 5% pour la bière servie à la bouteille, un taux de 15 % pour la bière servie au verre, et qui n'a pas remis en cause le taux d'offerts de 20 % pour le champagne " Louis Constant ", a finalement retenu, à l'occasion du recours hiérarchique, des taux allant de 10 à 13 % en fonction de l'alcool et des contenants alors même que la bande de caisse avait relevé un taux de 0,9%. La SARL Dost n'apporte pas d'éléments justifiant des taux d'offerts supérieurs à ceux qui ont été admis en définitive par le service.

12. Il résulte des points 6 à 11 que la SARL Dost, qui ne propose pas de méthode alternative, n'établit pas le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue, qui tient compte des données propres à son activité dans toute la mesure où elles ont pu être connues et reconstituées par l'administration.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Dost n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Dost est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dost et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.

Le président-rapporteur,

J.-E. A...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

A. PenhoatLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03431
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : AVOCONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-10;22nt03431 ?
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