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10/03/2023 | FRANCE | N°22NT00628

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 mars 2023, 22NT00628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier ... à lui verser des sommes de 14 026,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, de 3 431,72 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non versement de son traitement pour le mois d'avril 2020 et de 526,34 euros pour l'indemniser des jours de congé annuels non pris.

Par un jugement n°

2002496 du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier ... à lui verser des sommes de 14 026,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, de 3 431,72 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non versement de son traitement pour le mois d'avril 2020 et de 526,34 euros pour l'indemniser des jours de congé annuels non pris.

Par un jugement n° 2002496 du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 19 janvier 2022 ;

2°) de condamner le centre hospitalier ... à lui verser des sommes de 14 026,88 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, de 3 431,72 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du non versement de son traitement pour le mois d'avril

2020 et de 526,34 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des congés annuels non pris, sommes qui devront être assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier ... la somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de non renouvellement de son contrat de travail au motif qu'elle n'aurait pas proposé ses services en télétravail est entachée d'erreur de droit, d'inexactitude matérielle des faits et d'erreur manifeste d'appréciation et constitue une discrimination en raison de son état de santé contraire à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- l'illégalité fautive de cette décision lui a causé directement un préjudice financier qui devra être indemnisé à hauteur de 10 526,88 euros, ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui devront être indemnisés à hauteur de 3 500 euros ;

- le refus du centre hospitalier de lui verser son traitement du mois d'avril

2020 méconnaît les dispositions de l'article 20 de la loi du 11 juillet 1983 et de l'article 6 du décret du 11 février 2016, dès lors qu'elle a rempli ses fonctions en télétravail ;

- l'illégalité fautive de cette décision lui ouvre droit à la réparation du préjudice financier s'élevant à 2 631,72 euros ainsi que des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être évalués à la somme de 800 euros, qui en ont directement résulté ;

- elle avait droit, au titre de sa période d'emploi du 3 février au 30 avril 2020 à 6 jours de congés payés, qu'elle n'a pas pris, et est, dès lors, fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser à ce titre la somme de 526,34 euros.

La requête a été communiquée au centre hospitalier ... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Launay, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a assuré des remplacements en qualité de psychologue contractuelle à temps partiel (50 %) au centre hospitalier ..., du 3 février 2020 au 22 mars 2020. Par un nouveau contrat à durée déterminée, signé le 13 mars 2020, le centre hospitalier a recruté Mme A... pour la période allant du 23 mars 2020 au 30 avril 2020 pour exercer ses fonctions à temps plein. Le 17 mars 2020, l'intéressée a adressé au centre hospitalier un courriel accompagné d'un certificat médical en date du même jour pour l'informer qu'elle était suivie pour une maladie inflammatoire traitée par immunosuppresseur. Par un courriel du 20 avril 2020, elle a été informée de ce que son contrat ne serait pas renouvelé. Elle a alors formé auprès du centre hospitalier une réclamation indemnitaire préalable, reçue le 20 août 2020 par cet établissement, tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité du non renouvellement de son contrat et du non versement de son traitement pour le mois d'avril 2020. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, Mme A... a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier ... à lui verser les sommes de 14 026,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, de 3 431,72 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non versement de son traitement pour le mois d'avril 2020 et de 526,34 euros pour l'indemniser des jours de congé annuels non pris. Par un jugement du 19 janvier 2022, le tribunal a rejeté ces demandes. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation du refus du centre hospitalier de verser à Mme A... son traitement du mois d'avril 2020 :

2. Il résulte de l'instruction que, dans le contexte de la crise sanitaire liée à la première vague de l'épidémie de Covid-19, et alors même qu'elle n'avait pas présenté d'arrêt de travail à son employeur, Mme A... ne pouvait exercer ses fonctions en " présentiel " au 23 mars 2020, date de début de son contrat de travail, dès lors qu'elle était suivie pour une maladie inflammatoire traitée par immunosuppresseur. Par un courriel adressé le 17 mars 2020, elle avait transmis au cadre de santé de l'établissement, responsable des soins, un certificat médical justifiant de cette affection et de ce traitement et l'avait informé de la situation de patients qu'elle n'avait pu joindre par téléphone " pour les informer de son absence " et avait mentionné qu'" il faut demander aux services administratifs une mesure de curatelle " pour l'un des patients, et a précisé que " si le personnel soignant a besoin d'échanger ou si des résidents le souhaitent, je serai évidemment disponible par téléphone ". L'intéressée avait, de plus, repris, le 7 avril 2020, un contact téléphonique avec une autre responsable de l'établissement hospitalier et lui avait transféré la copie du courriel du 17 mars 2020, et indiquait dans ce message de transfert qu'elle avait " appelé certains résidents " et savait que " certains sont malades ". Elle avait encore échangé à plusieurs reprises, par messagerie ou par téléphone, pour les soutenir, avec deux autres agents de l'établissement public, dont l'une estimait qu'elle lui avait été d'un grand secours.

3. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la direction de l'établissement public auraient pris contact avec l'intéressée pour lui donner des instructions, lui confier des missions ou organiser les modalités d'exercice de ses fonctions à distance. Dans ces conditions, le refus du centre hospitalier de verser à Mme A... son traitement au titre du mois d'avril 2020, qui s'était déclarée disponible, ne peut être regardé comme justifié par une absence de service fait. Il méconnaît donc les stipulations du contrat conclu le 13 mars 2020, qui prévoyait en particulier à son article 3 une rémunération mensuelle et engage, dès lors, la responsabilité pour faute de l'établissement public.

4. Il résulte de l'instruction que Mme A... avait droit au titre du mois d'avril 2020 à une rémunération d'un montant de 2 115 euros, comportant le traitement indiciaire afférent à l'indice nouveau majoré de 519 et l'indemnité de sujétion spéciale au taux de 13. Alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait perçu un revenu de remplacement, son préjudice financier doit donc être fixé à cette somme et non, comme le soutient l'intéressée, au montant brut de sa rémunération. En revanche, si Mme A... fait aussi valoir qu'elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence du fait de ce non versement, elle ne justifie pas de la réalité de ces troubles par le seul fait qu'elle a dû modifier pour cette raison les échéances de son prêt immobilier à compter du mois de mai 2020, dès lors que le contrat en cause s'achevait au

30 avril 2020.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation du refus de renouvellement du contrat :

5. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

6. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier ... a décidé de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de Mme A... en raison de l'attitude de l'intéressée durant la première vague de la covid-19 de la crise sanitaire et en particulier de l'absence de proposition de l'intéressée tendant à l'accomplissement des missions prévues par son contrat par la voie du télétravail. L'établissement public faisait valoir en première instance notamment que l'EHPAD traversait alors une période très difficile pour les soignants et les résidents et que le personnel connaissait une surcharge de travail. La requérante soutient que ce motif est entaché d'une erreur de fait, dès lors que dans le courriel adressé le 17 mars 2020 au cadre de santé de l'établissement, responsable des soins, elle avait fait connaître à cette dernière qu'elle était disponible. Cette dernière précision ne permet toutefois pas d'établir que l'intéressée aurait proposé l'exercice de ses missions en télétravail au cours de son contrat débutant le 23 mars 2020. Il ne résulte pas, de plus, de l'instruction que Mme A... aurait pris des initiatives pour définir, dès la prise d'effet de son contrat, avec les responsables de l'établissement public une organisation lui permettant d'accomplir les missions prévues par ce contrat à distance, telle qu'une permanence téléphonique régulière, dans un contexte où l'aide d'une psychologue aurait été très utile, tant pour les personnels que les patients. Enfin, il n'est pas établi que la décision de non-renouvellement du contrat de Mme A... aurait été prise en raison d'un état de santé l'empêchant d'être présente dans le service, et présenterait pour cette raison un caractère discriminatoire. En effet, ainsi qu'il a été dit, cette décision se fonde sur un motif, tenant à un manque d'investissement de Mme A... dans les fonctions pour lesquelles elle avait été engagées. Un tel motif n'est pas étranger à l'intérêt du service, et n'est pas entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, et alors même que dans le contexte du plan de continuité des activités des administrations, mis en œuvre à compter du 16 mars 2020, une demande formelle de télétravail n'était pas requise de la part de l'intéressée et que celle-ci avait fait preuve par ailleurs de qualités professionnelles dans d'autres fonctions, la décision de non renouvellement de contrat en litige n'est pas entachée d'illégalité, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en la matière.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation des jours de congés non pris :

7. Aux termes du II de l'article 8 du décret du 6 février 1991 : " (...) à la fin d'un contrat à durée déterminée, l'agent qui, du fait de l'administration, en raison notamment de la définition par l'autorité investie du pouvoir de nomination du calendrier des congés annuels, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels. / L'indemnité compensatrice de congés annuels est égale au 1/10 de la rémunération totale brute perçue par l'agent au cours de sa période d'emploi, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année en cours. (...) ".

8. Les articles 7 des contrats de travail conclus les 3 février et 13 mars 2020 entre Mme A... et l'établissement public prévoyaient que l'intéressé " bénéficie d'un congé annuel d'une durée égale à 2 jours par mois à compter d'une période de travail supérieure à 15 jours consécutifs. Ces congés sont à prendre avant la fin du contrat ". Si la requérante soutient qu'elle avait droit au titre de ces deux contrats à six jours de congé annuel qu'elle n'a pas pris, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été empêchée de prendre les jours acquis dans ce cadre du fait de l'administration. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Il en résulte que le centre hospitalier ... doit être condamné à lui verser la somme de

2 115 euros en réparation du préjudice financier découlant du non versement de son salaire au titre du mois d'avril 2020.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

10. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 115 euros à compter du 18 août 2020, date de réception de sa réclamation préalable.

11. Elle a demandé la capitalisation de ces intérêts le 14 décembre 2020, date d'enregistrement de sa demande par le tribunal et a donc droit aussi à cette capitalisation à compter du 18 août 2021, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier ... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 19 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier ... est condamné à verser à Mme A... la somme de 2 115 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2020 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 août 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Le centre hospitalier ... versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier ....

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023.

Le rapporteur

X. B...Le président

D. Salvi

La greffière

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00628
Date de la décision : 10/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-10;22nt00628 ?
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