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24/03/2023 | FRANCE | N°22NT00158

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 mars 2023, 22NT00158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public industriel et commercial Néotoa, office public d'habitat, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner solidairement l'entreprise DFC ainsi que les sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic, Construction générale rennaise (CGR), Bureau Véritas Construction et Ouest Structures, à lui verser une somme de 453 640 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjud

ices matériels résultant des dommages affectant l'ensemble immobilier réalisé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public industriel et commercial Néotoa, office public d'habitat, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner solidairement l'entreprise DFC ainsi que les sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic, Construction générale rennaise (CGR), Bureau Véritas Construction et Ouest Structures, à lui verser une somme de 453 640 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices matériels résultant des dommages affectant l'ensemble immobilier réalisé à Noyal-sur-Vilaine, d'autre part, de condamner solidairement les mêmes sociétés à lui verser une somme provisionnelle de 6 720 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice de jouissance résultant des conséquences des travaux de reprise pour les occupants des logements.

Par un jugement n° 1704383 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné solidairement la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'établissement public Néotoa une somme de 193 408,15 euros TTC au titre des désordres affectant l'ensemble immobilier situé à Noyal-sur-Vilaine (article 1er), assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017 et de la capitalisation des intérêts (article 2), a condamné solidairement la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'entreprise DFC, d'une part, et à l'établissement Néotoa, d'autre part, la somme de 11 970 euros chacun au titre des frais d'expertise judiciaire (article 3), a condamné la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'entreprise DFC, respectivement, une somme de 7 200 euros et une somme de 2 400 euros en remboursement des frais d'étude technique exposés (article 4), a condamné solidairement la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'établissement public Néotoa une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et à l'entreprise DFC une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions (article 6), a rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'établissement public Néotoa (article 7), a condamné la société CGR à garantir la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre aux articles 1er, 2, 3 et 5 (article 8), a condamné la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à garantir la société CGR à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à son encontre aux articles 1er, 2, 3 et 5 (article 9), a rejeté le surplus des conclusions à fin d'appel en garantie présentées par les sociétés défenderesses (article 10), a condamné l'établissement public Néotoa à verser à l'entreprise DFC une somme de 13 905,38 euros TTC en règlement du solde du marché, sous déduction de la provision accordée par le juge des référés (article 11), assortie des intérêts moratoires au taux de 7,75 % à compter du 18 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts (article 12), enfin, a rejeté les conclusions présentées par les sociétés Bureau Véritas et Ouest Structures au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 13).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier 2022, 27 juin 2022, 29 juin 2022 et 13 septembre 2022, la société Construction générale rennaise (CGR), représentée par Me Rieffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de l'établissement Néotoa à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés atelier d'architecture Le Garzic, Ouest Structures, Bureau Véritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Véritas, et l'entreprise DFC, à la garantir intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, et de rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public Néotoa une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'établissement public Néotoa ne pouvait rechercher sa responsabilité contractuelle dès lors que les réserves notifiées à la société CGR à réception des travaux ne concernaient pas les fissures structurelles des bâtiments en litige et les désordres invoqués n'étaient ainsi pas apparents ; les réserves relatives aux fissures ne concernaient que le lot n° 12 " Ravalement, Enduits " attribué à l'entreprise DFC qui a été mise en demeure, d'une part par le maitre d'œuvre par courrier du 6 décembre 2012, d'autre part par le maitre d'ouvrage par courrier du 25 mars 2013, de traiter les fissures dans l'enduit extérieur ; la société CGR était dès lors dégagée de ses obligations contractuelles à compter du 2 juillet 2013 pour les bâtiments D, E et F et du 6 novembre 2013 pour les bâtiments A, B et C ; elle a d'ailleurs été réglée de l'ensemble de ses travaux après établissement du décompte général et définitif le 11 mai 2016, lequel décompte ne comportait pas de réserves sur les fissures en cause ;

- elle ne peut être tenue pour responsable des désordres relatifs aux fissures des bâtiments ; l'expert impute les fissures de pleine surface à des défauts de réalisation des enduits par l'entreprise DFC compte-tenu du non-respect du DTU en ses normes 20.1 et 26.1 ; la responsabilité de cette entreprise doit dès lors être recherchée, outre celle de la société atelier d'architecture Le Garzic au titre de sa mission de suivi des travaux ; l'expert impute également les désordres liés aux décollements d'enduit au maitre d'œuvre et à l'entreprise DFC et la solution pour y remédier préconisée consiste à reprendre les enduits de ravalement et de peinture pour les parties loggias et coursives ; les désordres liés aux fissures en attiques n'ont fait l'objet d'aucune réserve à réception des travaux et les excès d'enrobage, qui ne sont que ponctuels sur certaines treillis, sont sans lien avec les déformations des bâtiments ;

- en tout état de cause, elle doit être garantie sur les désordres liés aux fissures en attiques et les fissures longitudinales en R+1 par les sociétés Bureau Véritas Construction et Ouest Structures ; comme l'a relevé l'expert, les poutres ont été fabriquées et posées conformément aux plans établis par la société Ouest Structures sous le contrôle de la société atelier d'architecture Le Garzic, validés par la société Bureau Véritas Construction.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 mars et 12 septembre 2022, la société Bureau Véritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Véritas, représentée par Me Draghi-Alonso, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et de toutes demandes formulées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué et de l'appel incident, à la condamnation solidaire des sociétés Ouest Structures, atelier d'architecture Le Garzic, CGR et de l'entreprise DFC à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres liés aux fissures, qui avaient un caractère apparent et dont le caractère structurel avait été mis en exergue, ont fait l'objet de réserves portées dans les procès-verbaux des 6 août 2012 et 18 février 2013 concernant les travaux réalisés par l'entreprise DFC et la société CGR et n'ont pas été levées ; la responsabilité contractuelle de ces deux sociétés peut donc être recherchée ;

- le contrôleur technique devait contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages dans les strictes limites des missions confiées par l'établissement public Néotoa ; la solidité de l'ouvrage et sa sécurité pour les occupants n'ont jamais été remises en cause par l'expert et seule l'impropriété à destination a été relevée ; ainsi, la survenance d'un aléa à la prévention duquel le bureau devait contribuer au sens des articles L. 111-23 et suivants du code de la construction et de l'habitation et de la Norme NF P 03-100 n'est pas caractérisée ; seule l'entreprise procède au choix des matériaux mis en œuvre et définit les hypothèses mécaniques à prendre en compte dans ses calculs et ces éléments ne sont pas vérifiés par le contrôleur technique conformément à la norme NF P 03-100 ; c'est une erreur de prise en compte des bonnes données au sein du bureau d'études Ouest Structures, intervenue en sous-traitance de la société CGR, qui est à l'origine des désordres ; il convient de confirmer le jugement attaqué sur ce point ;

- elle est recevable à rechercher en garantie la société Ouest Structures du fait de sa qualité de sous-traitant, et l'entreprise DFC compte-tenu du rapport d'expertise ;

- elle ne peut être condamnée solidairement avec les constructeurs au montant des travaux de reprise d'un ouvrage défaillant compte-tenu de ses missions.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 juin et 13 septembre 2022, l'établissement public industriel et commercial Néotoa, représenté par Me Souet, demande à la cour :

A titre principal,

1°) de rejeter la requête de la société CGR ainsi que les conclusions d'appel provoqué de la société atelier d'architecture Georges Le Garzic dirigées contre Néotoa ;

2°) de mettre à la charge solidairement des sociétés CGR et atelier d'architecture Georges Le Garzic une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

A titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité décennale,

1°) de condamner in solidum la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à lui verser la somme de 193 408,15 euros au titre des désordres affectant l'ensemble immobilier situé à Noyal-sur-Vilaine, assortie des intérêts à compter du 28 septembre 2017 et de leur capitalisation à compter du 28 septembre 2018 et à chaque échéance annuelle, ainsi que la somme de 11 970 euros au titre des frais d'expertise judiciaire ;

2°) de condamner solidairement la société CGR et la société Atelier d'architecture Georges Le Garzic à lui verser la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

A titre encore plus subsidiaire,

1°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler l'article 7 du jugement du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant que sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'entreprise DFC et de la société Bureau Véritas Construction a été rejetée ;

2°) de condamner solidairement la société Bureau Véritas Construction et l'entreprise DFC avec les sociétés CGR et atelier d'architecture Georges Le Garzic à lui verser une somme de 193 408,15 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017 avec capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner solidairement la société Bureau Véritas Construction et l'entreprise DFC avec les sociétés CGR et atelier d'architecture Georges Le Garzic à lui verser une somme de 11 970 euros au titre des frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge solidairement des sociétés CGR, atelier d'architecture Georges Le Garzic, Bureau Véritas Construction, Ouest Structures et de l'entreprise DFC, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société CGR demeure seule tenue à l'égard du maitre de l'ouvrage de l'exécution du contrat tant pour les travaux qu'elle a réalisés elle-même que pour ceux qu'elle a confiés à la société Ouest Structures ; la responsabilité des désordres incombe également à la société atelier d'architecture Georges Le Garzic dans le cadre de ses missions de direction de l'exécution des travaux et de visa des études d'exécution ; elle ne recherche plus la responsabilité de la société Ouest Structures en appel ;

- l'appel provoqué de la société atelier d'architecture Georges Le Garzic doit être rejeté dès lors qu'elle a eu connaissance des fissures en cours de chantier et en a attribué à tort l'origine aux travaux d'enduisage des façades confiés à l'entreprise DFC ;

- à titre principal, il sollicite la mise en jeu de la responsabilité décennale des sociétés CGR et atelier d'architecture Georges Le Garzic dès lors que si des fissures apparentes ont été mentionnées au procès-verbal de réception, celles-ci ne permettaient pas d'appréhender les insuffisances structurelles mises en évidence par l'expert, étant précisé que ce phénomène de fissures est évolutif selon ce dernier ; la société CGR est responsable des fautes commises par son sous-traitant, la société Ouest Structures ;

- il sollicite également la mise en jeu de la responsabilité décennale de la société Bureau Véritas Construction et de l'entreprise DFC dès lors que les désordres ont une origine structurelle ;

- à titre plus subsidiaire, des désordres liés aux enduits sont imputables à l'entreprise DFC sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; de même, la responsabilité contractuelle de la société Bureau Véritas Construction doit être engagée dès lors qu'elle a émis des avis favorables sur les plans qui lui ont été soumis ;

- il n'entend pas remettre en cause le montant du préjudice défini par les premiers juges, chiffré à hauteur de 193 408,15 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juin et 9 septembre 2022, l'entreprise DFC, représentée par Me Guillois, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société CGR ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité sur les désordres à 1,66 % et à la somme de 7 600 euros, et de condamner solidairement les autres constructeurs à la garantir à hauteur de 98,34 % des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

3°) de condamner les parties succombantes à lui verser les sommes de 7 200 euros et de 2 400 euros en remboursement des frais d'étude technique exposés dans le cadre des opérations d'expertise ;

4°) de mettre à la charge des parties succombantes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les fissures en attiques et des fissures longitudinales au niveau du plancher N+1 ont fait l'objet de réserves portées sur les procès-verbaux des 6 août 2012 et 18 février 2013 concernant les travaux du lot n°12 qu'elle a effectués ; ces réserves concernent l'ensemble des constructeurs puisque la réception vaut pour tous les participants à l'opération de travaux et la société CGR ne peut soutenir qu'elles ne lui sont pas opposables ; les travaux de renforcement de structures sont sans lien avec les travaux de ravalement qui lui ont été confiés ;

- aucune fissure de pleine surface ou décollement d'enduit n'a fait l'objet de réserves lors de la réception ; ces fissures sont apparues après l'expiration de la garantie de parfait achèvement et sont purement esthétiques ; ni la responsabilité décennale ni la responsabilité contractuelle ne peut être recherchée pour ces désordres, qui ne sont pas imputables à l'entreprise DFC ; selon l'expert, et contrairement à ce que soutient la société CGR, les épaisseurs d'enduits sont conformes aux règles de l'art et au DTU 26.1 ; l'expert n'a pas davantage relevé l'absence ou l'insuffisance de renfort des enduits et le DTU 20.1, auquel le CCTP ne fait pas référence, n'est applicable que dans le cas où un habillage des abouts de planchers est prévu ;

- les travaux effectués par l'entreprise DFC ne sont pas à l'origine des désordres selon l'expert car ceux-ci résultent de défauts dans la mise en œuvre des travaux de gros œuvre ;

- à titre subsidiaire, le montant de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre doit être limité à 7 600 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 août et 14 septembre 2022, les sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic et Ouest Structures, représentées par Me Groleau, demandent à la cour :

A titre principal,

1°) de rejeter la requête de la société CGR ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer les articles 1er, 2, 3, 4, 5 et 9 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 novembre 2021 s'agissant des condamnations prononcées à l'encontre de la société atelier d'architecture Georges Le Garzic ;

A titre subsidiaire,

1°) de rejeter la requête de la société CGR en tant qu'elle conteste sa condamnation à garantir l'atelier d'architecture Le Garzic ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de rejeter la requête de l'établissement public Néotoa et de fixer la part de responsabilité de la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à 1% et celle de la société Ouest Structures à 9 % ;

3°) de condamner solidairement ou chacune pour la part de responsabilité qui lui incombe, les sociétés CGR, Bureau Véritas Construction et DFC, à garantir les sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic et Ouest Structures de toutes condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 90 % ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public Néotoa ou de toutes autres parties défaillantes la somme de 3 500 euros à verser à chacune des sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic et Ouest Structures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la société Ouest Structures, intervenue en qualité de sous-traitant de la société CGR à laquelle elle est liée par un contrat de droit privé ;

- l'expert n'a pas jugé utile de faire réaliser un sondage destructif pour vérifier si, sous la couche d'enduit, les murs de l'ouvrage étaient fissurés ; aucun élément de l'expertise ne permet de déterminer avec certitude si la structure même de l'ouvrage est atteinte alors que l'expert a relevé que les fissures ne sont pas infiltrantes et que la structure béton n'est affectée d'aucune fissuration ; le caractère évolutif des fissures n'est que potentiel ; aucune action en responsabilité décennale ne peut aboutir ;

- les travaux de gros-œuvre de ravalement sont entachés de malfaçons et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic a, à plusieurs reprises, sollicité l'entreprise DFC afin qu'elle reprenne les fissures constatées sur les façades lors de la réception des travaux ; la société CGR a accepté de mettre en œuvre des poutres sous-dimensionnées sans en alerter le maitre d'œuvre et ne peut se retrancher derrière une erreur de calcul commise par la société Ouest Structures ;

- la société Bureau Véritas Construction, qui a émis des avis favorables, a méconnu sa mission en ne signalant pas les manquements figurant sur les plans de la société Ouest Structures et sa responsabilité doit être engagée sur le fondement de la garantie décennale ;

- la société atelier d'architecture Georges Le Garzic a rempli sa mission en signalant les désordres au maitre d'ouvrage et en mettant en demeure l'entreprise DFC d'y remédier ; elle ne peut voir engager sa responsabilité contractuelle sur des désordres apparents et qui font l'objet de réserves ;

- seule la responsabilité délictuelle de la société Ouest Structures peut être engagée dès lors qu'elle est responsable en partie de l'apparition des fissures ; à titre subsidiaire, la société Ouest Structures appelle en garantie les sociétés Bureau Véritas Construction et CGR et l'entreprise DFC ; le montant des travaux réparatoires doit être fixé à la somme de 193 408,15 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rieffel, représentant la société CGR, et de Me Guillois, représentant la société DFC.

Considérant ce qui suit :

1. L'Office public de l'habitat d'Ille-et-Vilaine, devenu l'établissement public industriel et commercial Néotoa, a décidé en 2009 de réaliser un ensemble immobilier à Noyal-sur-Vilaine, composé de six bâtiments. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été confiée à un groupement d'entreprises, composé notamment de l'atelier d'architecture Le Garzic, ayant la qualité de mandataire. Les travaux, divisés en plusieurs lots, ont débuté en décembre 2010, en distinguant deux îlots, le premier correspondant aux bâtiments A, B et C et le second, aux bâtiments D, E et F. Le lot n°11 " Gros œuvre " a été attribué à la société Construction générale rennaise (CGR) et le lot n°12 " Ravalement/Enduits ", à l'entreprise DFC. La société Bureau Véritas, devenue Bureau Véritas Construction, est intervenue en qualité de contrôleur technique. Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves le 6 août 2012, avec effet au 2 juillet 2012, pour les bâtiments D, E et F et le 18 février 2013, avec effet au 6 novembre 2012, pour les bâtiments A, B et C. L'entreprise DFC a été mise en demeure tant par l'architecte que par le maître d'ouvrage de procéder aux reprises de fissures dans l'enduit extérieur, signalées pendant le chantier et identifiées parmi les réserves, mais a contesté l'imputabilité des désordres en faisant savoir qu'elle n'avait pas les capacités pour formuler une proposition de reprise de ces désordres, qui relevaient des travaux de gros œuvre. A défaut de solution amiable, l'entreprise DFC a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'expertise. Désigné le 7 mai 2013, l'expert a remis son rapport le 30 mars 2016. L'établissement public Néotoa a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation des participants aux opérations de travaux à l'indemniser du coût des travaux de reprise des désordres affectant les façades extérieures des bâtiments de l'ensemble immobilier ainsi que des préjudices de jouissance qui en résultent.

2. Par un jugement du 18 novembre 2021, le tribunal administratif a condamné solidairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'établissement public Néotoa une somme de 193 408,15 euros TTC au titre des désordres affectant l'ensemble immobilier (article 1er), assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017 et de la capitalisation des intérêts (article 2), a condamné solidairement la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'entreprise DFC, d'une part, et à l'établissement Néotoa, d'autre part, la somme de 11 970 euros chacun au titre des frais d'expertise judiciaire (article 3), a condamné la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'entreprise DFC respectivement une somme de 7 200 euros et une somme de 2 400 euros en remboursement des frais d'étude technique exposés (article 4), a condamné solidairement la société CGR et la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'établissement public Néotoa une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et à l'entreprise DFC une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions (article 6), a rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'établissement public Néotoa (article 7), a condamné la société CGR à garantir la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre aux articles 1er, 2, 3 et 5 (article 8), a condamné la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à garantir la société CGR à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à son encontre aux articles 1er, 2, 3 et 5 (article 9), a rejeté le surplus des conclusions à fin d'appel en garantie présentées par les sociétés défenderesses (article 10), a condamné l'établissement public Néotoa à verser à l'entreprise DFC une somme de 13 905,38 euros TTC en règlement du solde du marché, sous déduction de la provision accordée par le juge des référés (article 11), assortie des intérêts moratoires au taux de 7,75 % à compter du 18 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts (article 12), enfin, a rejeté les conclusions présentées par les sociétés Bureau Véritas Cosntruction et Ouest Structures au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 13). La société CGR relève appel de ce jugement et demande, à titre principal, le rejet des conclusions à fin de condamnation la visant, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire des sociétés atelier d'architecture Le Garzic, Ouest Structures, Bureau Véritas Construction et DFC, à la garantir intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre. La société Bureau Véritas Construction, l'établissement public Néotoa, la société DFC, ainsi que les sociétés atelier d'architecture Georges Le Garzic et Ouest Structures demandent à la cour de rejeter la requête de la société CGR et présentent des conclusions d'appel incident ou provoqué.

Sur les conclusions d'appel principal de la société Construction Générale Rennaise (CGR) :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité contractuelle de la société CGR :

3. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves

4. Il résulte de l'instruction que l'établissement public Néotoa a notifié à la société CGR le décompte général et définitif du marché le 11 mai 2016 sans y inclure aucune réserve et somme relatives au préjudice résultant pour lui de fissures des façades de l'ensemble immobilier construit, puis procédé au paiement de son solde alors qu'il avait connaissance d'un litige relatif à ces fissures dans la mesure où, notamment, une expertise à ce sujet avait été transmise au tribunal administratif de Rennes le 30 mars 2016. Il a également accordé le 21 juin 2017 à la société CGR la mainlevée de la garantie bancaire destinée à couvrir d'éventuelles malfaçons. Dans ces conditions, et à supposer même que la société CGR n'ait pas signé ce décompte général et définitif, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce que l'établissement public Néotoa réclame à la société CGR, au titre de sa responsabilité contractuelle, des sommes dont il n'est pas fait état dans ce décompte. Il résulte de ce qui précède que la société CGR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle à verser à l'établissement public Néotoa une somme de 193 408,15 euros TTC en raison des désordres affectant les façades de l'ensemble immobilier construit. Il y a lieu de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des moyens et conclusions de l'établissement public Néotoa présentés devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour et dirigés contre la société CGR.

Sur les conclusions d'appel incident et provoqué de l'établissement public Néotoa :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité décennale :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

6. Il résulte de l'instruction que des fissures affectant l'ouvrage avaient été signalées en cours de chantier les 6 août 2012 et 18 février 2013, dates respectives de la réception de chacun des deux îlots. Toutefois, si l'établissement public Néotoa avait découvert l'existence de ces désordres et a alors émis diverses réserves portant tant sur les travaux exécutés par la société CGR que ceux de l'entreprise DFC en relevant notamment l'existence de fissures et des problèmes concernant les joints de dilation des plafonds, l'enduit, le calfeutrement " eaux pluviales " et la finition des murs, il n'a eu connaissance de l'ampleur de ces désordres que lors de la remise du rapport d'expertise, le 30 mars 2016. Ainsi, il résulte des constatations opérées par l'expert qu'il n'est pas " exact de déclarer que ces désordres sont seulement esthétiques ", que " les désordres ne pouvaient être qu'évolutifs ", que " l'évolution de certains avaient été constatée depuis le début de l'expertise ", que de nouvelles fissures sont apparues depuis juillet 2013, que certaines fissures rendent déjà impropre à sa destination l'immeuble et que les fissures structurelles constatées sont en évolution défavorable. Dans ces conditions, les désordres constatés, dont les conséquences ne se sont révélées qu'après la réception de l'ouvrage, ne peuvent être considérés comme ayant été apparents à la date des opérations de réception et rendent l'ensemble immobilier impropre à sa destination eu égard en particulier à l'évolution dégradante en cours. Les désordres sont, dès lors, par leurs caractéristiques, de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres et leur réparation :

7. Il résulte du rapport d'expertise du 30 mars 2016 que l'ouvrage, dont la structure se trouve dans une situation dite de comportement élastoplastique, présente des fissures de pleine surface, des décollements d'enduits au niveau des linteaux et des loggias, enfin des fissures en attique et longitudinales (R+1).

8. S'agissant des fissures en pleine surface, l'expert a relevé qu'" elles ne sont pas infiltrantes " en dépit " des conditions de réalisation non conforme au DTU sans pour cela entraîner des dommages ". Il s'est borné en outre à préciser que " les épaisseurs des enduits sont globalement respectées malgré quelques incorrections ". Par suite, à supposer même que l'entreprise DFC n'ait pas respecté les exigences prescrites par les normes figurant au Document Technique Unifié (DTU) en ses points 20.1 et 26.1, et à défaut de désordres consécutifs à cette non-conformité, aucune responsabilité ne peut être engagée. L'établissement public Néotoa n'est ainsi pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que la responsabilité décennale des sociétés CGR et atelier d'architecture Le Garzic doit être engagée pour ce désordre.

9. S'agissant en revanche des décollements d'enduits au niveau des linteaux et des loggias, l'expert a relevé que ces désordres, qui sont apparents de part et d'autres des façades, sont consécutifs à des infiltrations et qu'" il est apparu un manquement de la société CGR dans la mise en place d'une bavette d'étanchéité réclamée par la maîtrise d'œuvre ". L'expert ajoute qu'" ils ont d'ailleurs nécessité la mise en place de gouttières ou dessus de portes d'entrée avec évacuation dans le réseau d'eau pluviale. Il a été acté qu'en cours de travaux, la maîtrise d'œuvre a sollicité I'entreprise de gros œuvre pour la mise en place d'un dispositif d'étanchéité entre les différents éléments de structures. Il est également noté que I'entreprise de ravalement a signalé ce fait sans qu'aucune réponse ne soit apportée ". Dès lors, l'établissement public Néotoa est fondé à soutenir que la responsabilité décennale de la société CGR, responsable du lot " Gros œuvre ", doit être engagée au titre de ce désordre.

10. S'agissant de même des fissures en attique et longitudinales (R+1), l'expert a relevé que " lors de la réunion technique, il est confirmé que les fissures apparentes en attique sont bien des fissures de structures ainsi que celles correspondant aux linteaux - chaînages des planchers R+1 " et qu'elles sont notamment dues à une " mauvaise mise en œuvre des treillis soudés par l'entreprise de gros-œuvre (non-respect des enrobages) ". Dès lors, l'établissement public Néotoa est fondé à soutenir que la responsabilité décennale de la société CGR doit être engagée au titre de ce désordre.

11. Par ailleurs, il résulte des constatations de l'expert qu'il doit être reproché à l'atelier d'architecture Le Garzic, qui était notamment chargé dans le cadre de sa mission de maîtrise d'œuvre du visa des plans des structures béton mais également, selon l'article 5.2 du CCTP, du visa de l'ensemble des plans et documents d'exécution, " un manque de vigilance dans le contrôle des plans d'armature des dalles du R+1 des immeubles y compris un enrobage de l'armature important, ainsi que sur le positionnement d'armature dans les poutres ". En particulier, l'architecte a eu connaissance des fissures en cours de chantier et en a attribué, à tort, l'origine aux travaux d'enduisage des façades confiés à la société DFC. Dès lors, l'établissement public Néotoa est fondé à soutenir que la responsabilité décennale de la société atelier d'architecture Le Garzic doit être engagée également au titre de ce désordre.

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

12. Il résulte de l'instruction qu'après les opérations d'expertise, l'établissement public Néotoa a, en lien avec l'atelier d'architecture Le Garzic, demandé au bureau d'études Forces et Appuis d'évaluer le coût des travaux de renforcement des structures de l'ensemble immobilier de Noyal-sur-Vilaine. En appel, l'établissement public Néotoa demande la condamnation solidaire des sociétés CGR et atelier d'architecture Le Garzic au paiement de la somme de 193 408,15 euros TTC, telle qu'évaluée par le bureau d'études Forces et Appuis qui prévoit la reprise de l'ensemble des désordres identifiés, tout en évitant l'indisponibilité temporaire des logements pendant le temps des travaux. Il sera ainsi fait une juste appréciation du coût des travaux requis pour la réparation des désordres de nature décennale affectant l'ouvrage en l'évaluant à cette somme de 193 408,15 euros TTC, qui sera mise à la charge des sociétés CGR et Le Garzic, responsables l'une et l'autre respectivement de 75 % et 25 % des désordres.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 12 que la société CGR n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée solidairement avec la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à verser à l'établissement public Néotoa une somme de 193 408,15 euros TTC au titre des désordres affectant l'ensemble immobilier situé à Noyal-sur-Vilaine.

En ce qui concerne les appels en garantie de la société CGR :

14. En premier lieu, la société CGR n'apporte aucun élément permettant de justifier que la société atelier d'architecture Le Garzic soit appelée à la garantir à un niveau supérieur à la part de 25% de la charge finale de la réparation des désordres.

15. En deuxième lieu, les conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre de l'entreprise DFC sont sans objet et doivent être rejetées compte-tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 11.

16. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la société Bureau Véritas Construction a émis des avis favorables les 15 mars 2011 et 6 mai 2011 s'agissant des plans d'exécution des ouvrages en bétons armés réalisés à la demande de la société CGR par un sous-traitant, la société Ouest Structures, ainsi qu'un avis favorable le 24 novembre 2011 s'agissant des plans d'exécution des travaux de gros œuvre relatifs au ferraillage du plancher haut RDC du bloc C. L'expert, qui conclut non pas à l'absence de solidité de l'ouvrage, dont la vérification incombait au contrôleur technique, mais à ce qu'il a été rendu impropre à sa destination en raison des fissures, a affirmé qu'il n'y a pas " d'erreur de calcul de l'ingénieur béton ". La société CGR n'est donc pas fondée à reprocher à la société Bureau Véritas Construction d'avoir manqué à ses obligations tenant à la prévention des aléas techniques dont le contrôle lui incombait. En particulier, si le bureau d'études techniques BEBC, sapiteur, a émis l'hypothèse, dans un rapport du 7 novembre 2014, de l'existence d'anomalies dans les plans d'armatures des poutres L 304, ce qui entrainerait leur déformation ainsi que celle des planchers hauts du niveau R+1, les investigations réalisées in situ sur la structure du béton armé par la société Ginger CEBTP ont, selon son rapport du 28 août 2015, permis de réfuter cette hypothèse et de préconiser des sondages destructifs sur les armatures de renfort afin de déterminer l'origine des désordres, ce qui n'a pas été fait. La société CGR ne saurait donc invoquer une faute de la société Bureau Véritas Construction justifiant que celle-ci soit condamnée à la garantir.

17. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que la société Ouest Structures a été missionnée par la société CGR, en qualité de sous-traitante dans le cadre d'un contrat de droit privé, afin d'élaborer des plans d'exécution des ouvrages en béton armé qui étaient, conformément aux stipulations du point 11.1.4.16 du CCTP du lot n° 11 " Gros Œuvre ", à la charge de la société CGR. Or, la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ne s'étend pas à l'action dirigée par le titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé. Dans ces conditions, comme le soutient la société Ouest Structures, les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société CGR à l'encontre de celle-ci doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

18. Il résulte de ce qui précède que la société CGR n'est pas fondée à demander la condamnation des sociétés DFC, Bureau Véritas Construction et Ouest Structures à la garantir en tout ou partie des préjudices résultant des fissures à caractère structurel.

Sur les conclusions d'appel incident et provoqué des sociétés Atelier d'Architecture Georges Le Garzic et Ouest Structures :

19. D'une part, les conclusions de la société Atelier d'architecture Le Garzic tendant à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir la société CGR à hauteur de 25 %, dirigées contre l'appelante principale, ont la nature de conclusions d'appel incident. Elles doivent être rejetées eu égard à ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt quant aux fautes commises par l'architecte dans le suivi de l'exécution des travaux et à leur réception.

20. D'autre part, les conclusions, dirigées contre d'autres intimés, tendant à la réformation du jugement en tant qu'il a assorti la condamnation solidaire au paiement de la somme de 193 408,15 euros des intérêts moratoires au taux de 7,75%, en tant qu'il a condamné la société atelier d'architecture le Garzic au paiement des frais d'étude déboursés par la société DFC, en tant " qu'il a condamné la société le Garzic au paiement de travaux réparatoires à la société Néotoa ", et en tant qu'il l'a condamnée au paiement de frais d'expertise, de dépens et de sommes au titre des frais d'instance constituent des conclusions d'appel provoqué. Elles doivent être rejetées comme irrecevables dès lors que ce qui est jugé par le présent arrêt n'aggrave pas la situation de la société atelier d'architecture Le Garzic telle qu'elle résultait du jugement attaqué. Pour les mêmes motifs, ces sociétés ne sont pas recevables à demander, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, ni de fixer la part de responsabilité de la société atelier d'architecture Georges Le Garzic à 1% et celle de la société Ouest Structures à 9 %, ni de condamner solidairement, ou chacune pour la part de responsabilité qui lui incombe, les sociétés Bureau Véritas Construction et DFC à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 90 %.

Sur les frais liés au litige :

21. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Néotoa, de la société Bureau Véritas Construction, de l'entreprise DFC et de la société Ouest Structures, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

22. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CGR une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société Bureau Véritas Construction, à l'entreprise DFC et à l'établissement public Néotoa. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'atelier d'architecture Georges Le Garzic une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Construction Générale Rennaise est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et provoqué de la société Georges Le Garzic sont rejetées.

Article 3 : La société Construction Générale Rennaise versera une somme de 1 500 euros chacune à la société Bureau Véritas Construction, à l'entreprise DFC et à l'établissement public Néotoa.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés défenderesses et par l'établissement public Néotoa est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Construction Générale Rennaise, à la société d'architecture Georges Le Garzic, à la société Ouest Structures, à l'entreprise DFC, à l'établissement public industriel et commercial Néotoa et à la société Bureau Veritas Construction.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

La rapporteure,

L. A...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT00158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00158
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-24;22nt00158 ?
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