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28/03/2023 | FRANCE | N°21NT01808

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 mars 2023, 21NT01808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de Maine-et-Loire l'a informé de sa décision de ne pas reconnaître comme fondé l'exercice de son droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 et d'enjoindre à l'administration de rétablir son salaire pour cette période, en assortissant la somme versée des intérêts au taux légal.

Par un juge

ment n° 1800052 du 11 mai 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de Maine-et-Loire l'a informé de sa décision de ne pas reconnaître comme fondé l'exercice de son droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 et d'enjoindre à l'administration de rétablir son salaire pour cette période, en assortissant la somme versée des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1800052 du 11 mai 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2021 et 10 février 2023, M. C..., représenté par Me Salquain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de Maine-et-Loire l'a informé de sa décision de ne pas reconnaître comme fondé l'exercice de son droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre à l'administration, à titre principal, de lui accorder le bénéfice du droit de retrait pour cette période et de rétablir son salaire, en assortissant la somme versée des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros pour résistance abusive ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée n'a pas réellement fait l'objet d'une nouvelle instruction, sa situation personnelle n'ayant pas été examinée ;

- l'administration, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs aux faits en cause pour justifier sa décision, a commis une erreur de droit ;

- l'administration aurait dû saisir l'inspection du travail en application de l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982 ;

- le refus d'accorder le bénéfice du droit de retrait est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, le recteur de l'académie de Nantes conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen dirigé contre la décision contestée n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur ..., était affecté jusqu'en septembre 2015 au collège ... à .... Le 30 mars 2015, avec d'autres collègues, il a informé la principale de ce collège qu'il allait exercer son droit de retrait, à partir du 31 mars 2015. Par un courrier du 31 mars 2015, le directeur académique des services de l'Education nationale (DASEN) de Maine-et-Loire l'a informé qu'il n'estimait pas fondé l'exercice de son droit de retrait et qu'il en tirerait les conséquences de droit. Une retenue sur le traitement du requérant pour absence de service fait a été opérée par l'administration pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 correspondant à la période pendant laquelle M. C... n'a pas exercé ses fonctions d'enseignant au collège. Le 29 mai 2015, M. C... a formé contre la décision du 31 mars 2015 un recours gracieux auprès du directeur des services académiques et des recours hiérarchiques auprès du ministre de l'éducation nationale et du recteur de l'académie de Nantes qui sont restés sans réponse et ont donc été implicitement rejetés, puis un recours contentieux par une requête enregistrée le 31 mars 2015. Par un jugement du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 31 mars 2015 du directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire et a enjoint au recteur de l'académie de Nantes et au directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, chacun pour ce qui le concerne, de statuer, après une nouvelle instruction, sur l'exercice par M. C... du droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015. Par une décision du 6 novembre 2017, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a maintenu son refus de reconnaître comme fondé l'exercice du droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015. M. C... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée du 6 novembre 2017, que, pour refuser de reconnaître comme fondé l'exercice du droit de retrait par M. C... du 31 mars au 9 avril 2015, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a estimé, d'une part, qu'après audition des personnels par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la gravité d'un danger et l'imminence de celui-ci n'étaient pas cumulativement réunis, et, d'autre part, que si M. C... avait déposé plainte au mois d'avril 2009 puis de janvier 2015 et que son état de santé justifiait qu'il soit arrêté pour raison de santé, il n'y avait pour autant pas de raison de penser, lorsqu'il a cessé ses fonctions le 31 mars 2015, que la situation au travail du requérant présentait un danger grave et imminent. Le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a également précisé que " c'était sa capacité personnelle à supporter ses conditions de travail qui s'était dégradée au fil du temps ". Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une insuffisance de motivation. Le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, M. C... soutient que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire s'est abstenu de procéder à une nouvelle instruction du dossier, en exécution de l'injonction juridictionnelle, avant de prendre la décision contestée du 6 novembre 2017. Toutefois, l'injonction adressée à l'administration d'instruire de nouveau la demande du requérant, procédure qui a été effectivement conduite, n'impliquait pas nécessairement qu'il fût procédé à de nouvelles investigations dès lors que l'administration disposait des éléments pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En troisième lieu, M. C... fait grief à la décision contestée du 6 novembre 2017 de viser des éléments postérieurs à l'exercice du droit de retrait litigieux, à savoir la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et la circonstance qu'il a été accédé à sa demande de mutation. Toutefois, ces éléments sont antérieurs à la décision contestée du 6 novembre 2017 et étaient de nature à éclairer l'administration sur l'état de santé du requérant à la date à laquelle il a exercé son droit de retrait. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un agent, en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article 5-5 et consigne cet avis dans le registre établi dans les conditions fixées à l'article 5-8. /Le chef de service procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Il informe le comité des décisions prises. /En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l'installation, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent est réuni d'urgence, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. L'inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. / Après avoir pris connaissance de l'avis émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent, l'autorité administrative arrête les mesures à prendre. / A défaut d'accord entre l'autorité administrative et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est obligatoirement saisi. ".

6. M. C..., qui invoque le bénéfice de ces dispositions, soutient que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, constatant, à l'issue de la séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire tenue le 31 mars 2015, l'absence d'accord entre l'autorité administrative et les membres de ce comité sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, aurait dû saisir l'inspection du travail. Il ne ressort effectivement d'aucune pièce du dossier que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a saisi l'inspection du travail avant de prendre la décision initiale du 31 mars 2015 puis la décision contestée du 6 novembre 2017, intervenue à l'issue d'un nouvel examen de la situation sur injonction juridictionnelle et refusant le droit de retrait. Si cette circonstance constitue une irrégularité susceptible de priver le requérant d'une garantie, il ressort toutefois des termes de son rapport du 8 avril 2015 que l'inspection du travail, directement alertée par des enseignants du collège le 2 avril 2015, a procédé à une analyse détaillée de la situation après avoir entendu les différentes parties dès le 3 avril 2015 et a livré au directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire des constats et préconisations précis. Compte tenu de ces éléments, M. C... n'a pas été privé, en l'espèce, de la garantie que représente, pour les personnels faisant état de leur intention d'exercer un droit de retrait à compter du 31 mars 2015, la saisine de l'inspection du travail. Le moyen doit, par suite être écarté.

7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 : " I. - L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. / Il peut se retirer d'une telle situation. / L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. /II. - Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes du procès-verbal du comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail qui s'est tenu le 31 mars 2015, qu'il a été constaté " qu'un climat de violence règne au sein du collège Lurçat classé en REP + et qu'un certain nombre d'enseignants ont fait l'objet de menaces, de violences physiques et verbales ". Par ailleurs, le rapport de l'inspection du travail cité au point 6 indique que " la pression est plus importante depuis environ six mois ". C'est dans ce contexte que plusieurs enseignants de ce collège, dont le requérant, ont décidé d'exercer leur droit de retrait à partir du 31 mars 2015. Il est également constant que M. C..., qui indique avoir été victime d'incidents, notamment de menaces de mort de la part d'élèves de l'établissement au mois d'avril 2009 puis en novembre 2014 et janvier 2015, événements à l'origine de deux dépôts de plainte, a consulté son médecin traitant le 30 mars 2015, soit la veille de l'exercice de son droit de retrait. Ce dernier lui a proposé à raison d'un risque de décompensation anxio-dépressive au regard des événements rappelés ci-dessus un arrêt de travail qu'il a cependant refusé. Ainsi, si la situation de travail des personnels au sein du collège ... au mois de mars 2015, qui était particulièrement difficile et s'était dégradée, pouvait présenter un caractère de gravité, notamment pour M. C..., il n'est cependant pas davantage en appel qu'en première instance fait état d'éléments relatifs aux conditions de travail de cet agent, de nature à caractériser un risque imminent pour lui au moment où il a exercé son droit de retrait. Dès lors, en refusant de reconnaître comme fondé l'exercice par M. C... de son droit de retrait, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce que ses droits à rémunération soient rétablis pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné pour résistance abusive :

11. Les conclusions indemnitaires de M. C... n'ont, comme cela a été opposé en première instance par le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, été précédées d'aucune réclamation préalable, et n'ont pas fait l'objet d'une régularisation postérieure. Par suite, elles sont irrecevables et doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la rectrice de l'académie de Nantes.

Une copie sera transmise au directeur académique des services de l'éducation nationale de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le rapporteur,

O. B...

Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. BONNIEU

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01808
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : SELARL ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-28;21nt01808 ?
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