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13/07/2023 | FRANCE | N°22NT02529

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 juillet 2023, 22NT02529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 du préfet du Morbihan portant interdiction administrative de stade.

Par un jugement n° 2000668 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2022 et 23 mars 2023, M. B..., représenté par Me Barthélemy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administra

tif de Rennes du 2 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 du préfet du Morbihan portant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 du préfet du Morbihan portant interdiction administrative de stade.

Par un jugement n° 2000668 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2022 et 23 mars 2023, M. B..., représenté par Me Barthélemy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 du préfet du Morbihan portant interdiction administrative de stade ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement au titre de la première instance et de l'appel.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de la procédure contradictoire ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il n'est pas établi qu'il était en état d'ébriété manifeste ;

- le rapport administratif qui lui est opposé n'est pas conforme à l'article 429 du code de procédure pénale ;

- il appartenait au tribunal de faire usage de ses pouvoirs d'instruction alors que le rapport administratif sur lequel s'est basé le préfet ne permet pas d'établir son état d'ébriété ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'erreur de droit, en tout état de cause, en raison du défaut de gravité des faits allégués alors que la dangerosité des fumigènes n'est pas attestée ;

- il est entaché d'erreur de droit en l'absence d'établissement d'une menace pour l'ordre public ;

- il est entaché d'un détournement de procédure ;

- l'interdiction d'une durée de six mois est disproportionné au regard des faits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est supporter du Football Club de Lorient (FCL). Par un arrêté du 9 décembre 2019, le préfet du Morbihan lui a interdit, sur le fondement de l'article L. 332-16 du code du sport, de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte sportive où se déroule une rencontre de football impliquant le FCL ou l'équipe de France, pendant une durée de six mois, mesure assortie d'une obligation de pointage, au motif qu'il avait été formellement reconnu et identifié pour avoir, en état d'ivresse manifeste, allumé un fumigène au cours du match du 31 août 2019 opposant le FCL à l'équipe de Guingamp. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 12 novembre 2019, le préfet du Morbihan a informé M. B... qu'il envisageait de prendre une mesure administrative d'interdiction de stade pendant une durée de douze mois, assortie d'une obligation de pointage, au motif qu'il avait été formellement reconnu et identifié pour avoir, en état d'ivresse manifeste, allumé un fumigène au cours du match du 31 août 2019 opposant le FCL à l'équipe de Guingamp et lui a indiqué qu'il lui donnait un délai de dix jours pour faire d'éventuelles observations écrites ou orales, en lui faisant savoir qu'il pouvait se faire assister d'un conseil ou d'un mandataire. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a répondu à ce courrier, par une lettre du 27 novembre 2019 dans laquelle il a pu faire état d'éléments précis et circonstanciés pour se défendre, en sollicitant la transmission de son dossier mais sans demander un entretien. Les dispositions de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration réservent aux seules décisions qui ont la nature de sanction, ce qui n'est pas le cas de la décision de police administrative contestée, l'obligation préalable de communication du dossier à la personne concernée. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que le préfet aurait dû lui transmettre son dossier. Pour le reste, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... a été mis à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales avant que le préfet du Morbihan prenne l'arrêté contesté du 9 décembre 2019. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la procédure suivie n'aurait pas été contradictoire.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 332-16 du code du sport : " Lorsque, par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, par la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations, (...) une personne constitue une menace pour l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-3 du code du sport : " Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les fonctionnaires relevant du ministre chargé des sports habilités à cet effet par le même ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat peuvent rechercher et constater par procès-verbal les infractions prévues par les dispositions du présent code à l'exception de celles mentionnées aux articles L. 232-11, L. 241-5 et L. 322-8. (...) Les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire et sont transmis au procureur de la République dans les cinq jours suivant leur établissement. Une copie en est également remise à l'intéressé. ". Aux termes de l'article L. 332-8 du même code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le fait d'introduire, de détenir ou de faire usage des fusées ou artifices de toute nature (...) dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive est puni de trois ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. / La tentative du délit prévu au premier alinéa est punie des mêmes peines. ".

5. Il ressort du rapport établi le 10 septembre 2019 par le commissaire divisionnaire de police de Lorient, directeur départemental adjoint de la sécurité publique du Morbihan, que M. B... a été identifié par le PC de sécurité du stade pour avoir allumé un fumigène dans les tribunes lors du match du 31 août 2019, ce qui a conduit à son interpellation en fin de rencontre et à son placement en garde à vue au commissariat de Lorient, où il a été constaté qu'il présentait un taux de 0,70 milligrammes d'alcool pur par litre d'air expiré. M. B..., en se bornant à soutenir que " c'est simplement en matière contraventionnelle qu'un rapport de police fait foi jusqu'à preuve du contraire " et que " le rapport de police évoqué n'a pas de valeur probante ", alors qu'eu égard aux précisions qu'il comporte ledit rapport fait foi jusqu'à preuve du contraire, n'établit pas que les faits qui lui sont imputés seraient erronés. Il ne conteste au surplus les faits constatés par ce rapport que s'agissant de son état d'ébriété sans toutefois apporter le moindre élément probant, la seule circonstance que le procès-verbal de proposition de composition pénale du 2 décembre 2019 dont il a fait l'objet ne mentionne pas cet état d'ébriété étant sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral contesté. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, le moyen tiré de ce que les faits reprochés à M. B... ne sont pas matériellement établis doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. B... soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'un détournement de procédure, le préfet du Morbihan ayant voulu le sanctionner pour son comportement et non protéger l'ordre public. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté en litige, que la mesure d'interdiction administrative de stade prise à l'encontre du requérant ne vise pas à sanctionner son comportement passé mais à prévenir des troubles à l'ordre public à l'occasion des prochains matchs de l'équipe du club de football de Lorient ou de l'équipe de France de football. Ainsi, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.

7. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport que, pour caractériser une menace à l'ordre public, hormis les cas où une personne appartient à une association de supporters ou participe aux activités de cette dernière, le préfet peut se fonder soit sur le comportement d'ensemble de cette personne à l'occasion de plusieurs manifestations sportives soit sur la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations. Lorsque l'autorité administrative fonde sa décision sur le comportement de la personne à l'occasion d'une seule manifestation sportive, les agissements reprochés doivent nécessairement présenter un caractère de gravité particulier.

8. Contrairement à ce que soutient M. B..., l'usage d'un fumigène, constituant d'ailleurs le délit défini à l'article L. 332-8 du code du sport, au regard des possibles risques sanitaires et de sécurité liés à l'utilisation au sein d'un stade densément occupé de dispositifs pyrotechniques dégageant d'épaisses fumées, à supposer même qu'ils ne comportent pas de composants explosifs, est un acte grave, surtout en étant en état d'ébriété, et révèle un comportement de l'intéressé constituant une menace pour l'ordre public.

9. En cinquième et dernier lieu, en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction administrative de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où se déroulent des manifestations sportives de l'équipe du Football club de Lorient ou de l'équipe de France de football, pour une durée de six mois, alors que cette interdiction peut aller jusqu'à vingt-quatre mois par application des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport, et en assortissant cette interdiction d'une obligation de pointage, le préfet du Morbihan n'a pas entaché son arrêté d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation eu égard en particulier au fait que l'intéressé était en état d'ébriété et qu'il ne fait état d'aucun élément précis et probant démontrant le caractère excessif de ces mesures sur sa vie personnelle et professionnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02529
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-13;22nt02529 ?
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