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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT01422

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT01422


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté n° 2023-1139 du 4 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté n° 2023-1135 du 4 avril 2023 du même préfet portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



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n jugement n° 2305150 du 21 avril 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté n° 2023-1139 du 4 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté n° 2023-1135 du 4 avril 2023 du même préfet portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2305150 du 21 avril 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté en tant qu'il refuse l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et l'assigne à résidence, a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, M. A..., représenté par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

2°) d'annuler cet arrêté en tant seulement qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quinze jours à compter de la cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu tel qu'il résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de Me Prelaud, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant burkinabé, né en 1986, est arrivé sur le territoire national en 2019 sous couvert d'un visa de court séjour. Par deux arrêtés du 4 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence. Le requérant relève appel du jugement du 21 avril 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Pour écarter les moyens tirés du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant, le magistrat délégué du tribunal a relevé que l'arrêté en litige comportait les considérations de droit et de fait qui le fondent et que cette motivation, qui n'était pas stéréotypée, permettait d'établir que le préfet avait procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

4. Il ressort des mentions de la décision attaquée que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. A..., a suffisamment motivé sa décision en énonçant les considérations de droit et de fait qui la fondent. Dès lors,

M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, les moyens tirés de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai serait entachée d'une insuffisance de motivation et n'aurait pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Les dispositions de l'article L. 121-2 du même code ajoutent que : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ".

7. Il ressort des dispositions des livres VI et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En troisième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté une demande de titre de séjour. A cette occasion, il a eu la possibilité de faire valoir tous éléments justifiant qu'il soit autorisé à séjourner en France et ne soit pas contraint de quitter ce pays. Il n'établit ni même n'allègue avoir vainement demandé un entretien pour faire valoir des observations orales. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à prétendre que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu.

10. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il entretient des liens forts avec sa sœur, de nationalité française, et se prévaut des liens particuliers avec ses deux nièces, ayant pris en charge, entre 2011 et 2017, la fille aînée de sa soeur après son départ pour la France et disposant d'une délégation de l'autorité parentale vis-à-vis de son autre nièce, C..., de nationalité française, qui lui a été accordée par un jugement du tribunal judiciaire de Rennes le 11 février 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'intéressé déclare être hébergé dans la commune de Montjean-sur-Loire, département de Maine-et-Loire, tandis que sa sœur réside dans le département d'Ille-et-Vilaine et que, d'autre part, cette délégation partielle n'a été motivée que par le besoin pour la sœur de l'intéressé de se rendre temporairement au Burkina-Faso pour assister sa mère malade. En outre, la production de photographies présentant le requérant aux côtés de sa sœur et de ses nièces ne permet pas davantage d'établir la réalité de l'intensité des liens allégués. Le requérant, qui est célibataire, sans emploi ni logement autonome, et dont la présence en France est récente, ne justifie pas d'une particulière intégration, en dépit de la production d'une promesse d'embauche en qualité de maçon, de ses actions de bénévolat auprès de la Croix-Rouge, des formations suivies auprès de cet organisme et de ce que, étant détenteur d'un diplôme d'infirmier délivré dans son pays d'origine, il lui serait possible de travailler en France en qualité d'aide-soignant. Il n'est, par ailleurs, pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère, deux de ses sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté au droit de

M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle été prise. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne méconnaît pas davantage les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT014222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01422
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt01422 ?
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