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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT02175

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT02175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.



Par un jugement nos 2205496, 2205497 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, Mme C... épouse B..., représentée par Me Berthet-Le Floch, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement nos 2205496, 2205497 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, Mme C... épouse B..., représentée par Me Berthet-Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne justifie pas de l'existence et de la régularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prévu sur lequel fonde sa décision ; elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., épouse B..., ressortissante serbe, relève appel du jugement du 27 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 28 octobre 2022, Mme C... épouse B... avait invoqué le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le tribunal, bien qu'ayant visé le moyen ainsi invoqué, n'y a pas répondu. Le jugement attaqué a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... épouse B... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui révèlent que le préfet a examiné la demande de Mme C... épouse B... au vu des éléments pertinents relatifs à la demande de titre qui lui était faite, fondée sur l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a fait application. En particulier, la décision en litige énonce les motifs de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur lequel le préfet s'est fondé. L'erreur de date figurant au troisième considérant de l'arrêté contesté, évoquant la date du 18 juin 2021 comme date de l'avis du collège des médecins de l'OFII alors que cet avis a en réalité été pris le 27 septembre 2021, et dont le contenu est en revanche cité exactement, ne révèle ni un vice de procédure ni un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante par le préfet, mais une simple erreur de plume. Ainsi les moyens tirés du vice de procédure et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée dont serait entachée la décision portant refus de titre de séjour doivent être écartés.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort de l'avis du collège médical de l'OFII rendu le 27 septembre 2021 que l'état de santé de Mme C... épouse B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B... produit plusieurs certificats médicaux, l'un du 16 octobre 2020 émanant du centre hospitalier universitaire de Nantes faisant état de ce que l'intéressée souffre d'une maladie épileptique pour laquelle elle bénéficie d'un traitement qui n'empêche toutefois pas la survenue de crises épileptiques, l'autre du centre médico-psychologique du centre hospitalier intercommunal de Redon-Carentoir du 13 mai 2022 faisant état de l'état dépressif caractérisé que présente Mme C... épouse B.... Celle-ci produit également plusieurs ordonnances de prescriptions médicamenteuses. L'ensemble de ces éléments, s'ils précisent la nature des problèmes de santé dont souffre l'intéressée et si, en particulier, une des ordonnances, datée de novembre 2021, mentionne que l'un des médicaments prescrits n'est pas substituable, ne permet toutefois pas d'établir que Mme C... épouse B... ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, au besoin par l'administrant un traitement de substitution comportant des molécules équivalentes. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'elle est fondée, comme en l'espèce, sur les dispositions alors mentionnées au 3° de l'article L. 611-1 du même code, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C... épouse B... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B..., qui est entrée en France le 14 septembre 2015, se prévaut d'une durée de séjour de sept années sur le territoire. Toutefois, la durée de sa présence en France s'explique par le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 décembre 2016, puis par son maintien sur le territoire en situation irrégulière en dépit d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, prise à son encontre le 5 avril 2017 par le préfet d'Ille-et-Vilaine. Si l'intéressée se prévaut également de la présence en France de ses sept enfants et de son époux ce dernier, également en situation irrégulière, fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le même jour. Mme C... épouse B... n'établit par ailleurs pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. La production, par la requérante, d'attestations mentionnant sa participation à des activités associatives ou la production de bulletins scolaires de certains de ses enfants ne sont pas de nature à établir une intégration particulière en France. Enfin, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer dans son pays d'origine avec son époux et ses quatre enfants mineurs, qui pourront y poursuivre leur scolarité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté au droit de Mme C... épouse B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle été prise, et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Elle ne méconnaît donc, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. La requérante soutient dans ses écritures qu'elle risque d'être exposée à de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine, sans apporter davantage de précisions. Elle n'invoque aucun élément de nature à démontrer la réalité des menaces alléguées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties ne sauraient être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

13. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées pour Mme C... épouse B... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... épouse B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT021752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02175
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BERTHET-LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt02175 ?
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