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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT00650

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT00650


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2005521 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistré le 7 mar

s 2023, M. et Mme A..., représentés par

Me Michallon, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2005521 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 7 mars 2023, M. et Mme A..., représentés par

Me Michallon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée.

Ils soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé, il est entaché d'erreurs matérielles et d'erreurs de droit ;

- c'est à tort que l'administration a refusé de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- il soutient que la méthode de reconstitution est sommaire et radicalement viciée ; une reconstitution doit impérativement être opérée selon plusieurs méthodes, à partir de conditions concrètes, et fondée sur des renseignements soigneusement retenus et complétement exposés dans la proposition de rectification ;

- il y a eu une révision approfondie de l'ensemble de leur dossier par un cabinet d'expertise comptable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de souveraineté numérique et industrielle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... qui exerce la profession de médecin généraliste à titre libéral, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses bénéfices non commerciaux pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 à l'issue de laquelle le vérificateur, par une proposition de rectification du 25 juillet 2019, les a rectifiés. M. et Mme A... ont été assujettis, en droits et pénalités, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017. La demande de M. et Mme A... tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2023 dont ils relèvent appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué, contrairement à ce que soutient M. A... qui n'assortit d'ailleurs son moyen d'aucune précision, que les premiers juges ont répondu de manière complète et précise à l'ensemble des moyens qu'il avait invoqués et que leur jugement satisfait, à cet égard, à l'obligation de motivation posée par l'article L. 9 du code de justice administrative.

4. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, d'erreurs matérielles ou d'erreurs de droit que les premiers juges auraient commises.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable en 2020 : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration. ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. / L'administration notifie l'avis de la commission ou du comité consultatif au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ou comme montant du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts. ".

6. Les requérants font valoir qu'ils ont saisi la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans le délai de trente jours prévu à l'article 59-1 du livre des procédures fiscales et que ce délai ne leur avait pas été précisé dans la réponse aux observations du contribuable. D'une part, le 18 septembre 2019, le service a reçu la copie d'un document indiquant un état des lieux de sortie d'une maison située à Rennes. Il a donc interprété ce document comme une observation en réponse à la proposition de rectification du 25 juillet 2019 faisant suite à la vérification de comptabilité et comportant des rectifications en matière de bénéfices non commerciaux. Il a donc pu, dans la réponse aux observations à cette proposition de rectification, mentionner la possibilité de saisine de la commission et le délai. En revanche, pour les deux autres propositions de rectification tirant les conséquences de cette première rectification sur les années 2016 et 2017 et en ajoutant la rectification relative à la pension alimentaire, il a estimé que les contribuables n'avaient pas formulé d'observations, et pour cette raison il n'a pas mentionné la possibilité de saisir la commission, celle-ci n'étant pas compétente dans ce cas de figure. D'autre part, la possibilité de saisir la commission et le délai de trente jours étaient mentionnés dans la réponse aux observations du contribuable du 14 octobre 2019 adressée à M. A.... Le délai de saisine de trente jours expirait donc le 17 novembre 2019. Or, si le courrier de saisine est daté du 22 octobre 2019, son envoi a eu lieu le 14 février 2020 compte tenu du tampon de la poste. Dès lors, la demande de saisine de cette commission du 14 février 2019 présentée par M. A..., qui a été reçue par l'administration le 18 février 2020, est postérieure au 17 novembre 2019, date d'expiration du délai. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a refusé à tort la saisine de la commission au motif de la tardiveté de la demande de saisine doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Aux terme de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

8. Les requérants n'ayant pas formellement contesté la proposition de rectification dès lors qu'ils se sont contentés de produire un état des lieux de sortie d'une maison, il leur incombe d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition mise à leur charge.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

9. Aux termes de l'article 99 du code général des impôts : " Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. Le livre-journal tenu par les contribuables non adhérents d'une association de gestion agréée comporte, quelle que soit la profession exercée, l'identité déclarée par le client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. Ils doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments. Ils doivent conserver ces registres ainsi que toutes les pièces justificatives selon les modalités prévues aux deux premiers alinéas du I de l'article L102 B du livre des procédures fiscales. Par exception au premier alinéa, les exploitants individuels dont le montant annuel de recettes n'excède pas le deuxième seuil mentionné au I de l'article 302 septies A, au cours de l'année civile ou de l'année civile précédente, peuvent procéder, au cours de l'année, à l'enregistrement de leurs recettes et dépenses professionnelles sur le livre-journal en retenant la date de l'opération figurant sur le relevé qui leur est adressé par un établissement de crédit, sous réserve d'enregistrer toutes leurs recettes et dépenses de l'année au plus tard le dernier jour de celle-ci. ".

10. Il n'est pas contesté que M. A..., qui relevait du régime de la déclaration contrôlée en matière de bénéfices non commerciaux, ne tenait aucune comptabilité sous forme dématérialisée. S'il allègue avoir détaillé les différents postes de son bénéfice non commercial pour les années en litige sur une feuille volante, il n'a pas produit ce document en dépit de plusieurs demandes de la vérificatrice. M. A... n'a pas davantage produit le livre journal et le registre des immobilisations pour les années 2016 et 2017. Par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, constater par un procès-verbal, le défaut de présentation de comptabilité en raison notamment de l'absence de présentation du livre-journal prévu par l'article 99 du code général des impôts, écarter la comptabilité de M. A... et procéder à une reconstitution de son bénéfice non commercial pour les années en litige.

En ce qui concerne le montant du chiffre d'affaires des années 2016 et 2017 :

11. Aux termes des dispositions de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle [...] ".

12. Le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération d'une reconstitution de ses recettes peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, a une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration. A l'appui de sa démonstration, il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extracomptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, a reconnaître l'exactitude.

13. Le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de

M. A.... S'agissant des recettes, il s'est fondé sur la base de données SNIR transmis par la CPAM de Saint-Brieuc, auprès de laquelle le service a exercé son droit de communication, soit un montant déclaré de 180 112 euros pour 2016 et 212 883 euros pour 2017 et sur le versement d'honoraires et de vacations d'un montant de 104 euros par l'établissement " La Miséricorde ". S'agissant des charges, il a pris en compte un montant de 45 292 euros pour 2016 et de 58 852 euros pour 2017 en se fondant sur les loyers, les cotisations de l'URSSAF et de la caisse autonome de retraite des médecins de France, les frais de téléphone, les frais kilométriques, les frais d'acquisition du petit outillage, de télétransmission, de prise de rendez-vous, de papeterie et postaux, les primes d'assurance de responsabilité professionnelle et les frais financiers comme les prélèvements automatiques effectués sur un compte bancaire mixte.

14. Les requérants, qui ne proposent aucune méthode alternative et qui se bornent à soutenir qu'une reconstitution doit impérativement être opérée selon plusieurs méthodes, à partir de conditions concrètes, fondée sur des renseignements soigneusement retenus et complétement exposés dans la proposition de rectification, n'établissent pas le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue, qui tient compte des données propres à l'activité de M. A... dans toute la mesure où elles ont pu être connues et reconstituées par l'administration.

15. Par ailleurs, les requérants invoquent la révision approfondie de l'ensemble de leur dossier par un cabinet d'expertise comptable qu'ils ont missionnés aux fins d'établir des déclarations modèle n° 2035 rectificative de nature à démontrer le caractère excessif des bénéfices non commerciaux reconstitués. Toutefois, la reconstitution de la comptabilité par un cabinet spécialisé postérieurement aux opérations de contrôle est sans effet à cet égard et ne suffit pas, au surplus, à démontrer l'exagération des évaluations effectuées par l'administration.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

Guy QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0065002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00650
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : MICHALLON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt00650 ?
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