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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT02039

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT02039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2200582 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2200582 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, Mme B..., représentée par

Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de sept jours à compter de la même notification et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire et celui de l'égalité des armes dès lors que le mémoire en défense du préfet de Maine-et-Loire lui a été communiqué seulement trois jours avant la clôture de l'instruction ; le jugement est donc irrégulier ;

- la décision refusant la délivrance du titre est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; il n'est pas établi que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait été régulièrement signé par les médecins du collège ; l'administration n'apporte pas d'éléments sur la date à laquelle le collège de médecins de l'Office s'est réuni pour signer l'avis ; la cour peut, en usant de son pouvoir d'instruction, demander la désignation d'un expert graphologue ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en compétence liée,

- cette même décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une irrégularité de procédure ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les dispositions du

9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour de celle portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante angolaise, née le 4 juillet 1969, qui a déclaré être entrée en France le 28 novembre 2017 et dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 avril 2018, puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 décembre 2018, a sollicité le 11 mars 2019 auprès du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, devenu L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit. Par un arrêté du 10 mai 2021, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 2 mai 2023, le tribunal a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris d'ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ".

3. Il ressort des pièces du dossier, alors que la clôture de l'instruction avait été arrêtée par une ordonnance du 6 février 2023 au 3 mars 2023 et la date de l'audience publique, indiquée dans l'avis adressé aux parties, fixée au 24 mars 2023 puis au 7 avril 2023, le mémoire unique en défense du préfet de la Loire-Atlantique a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 28 février 2023, soit trois jours avant la clôture de l'instruction. Alors même qu'elle a présenté un mémoire, enregistré le 17 mars 2023 au greffe du tribunal, lequel n'a pas rouvert l'instruction et ne l'a pas communiqué au préfet, Mme B... n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense du préfet. Par suite, le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure et doit être annulé pour irrégularité.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

5. La décision vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont il fait application, rappelle le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et fait état de la situation personnelle et familiale de la requérante. Dès lors, elle est suffisamment motivée en fait et en droit et Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre sa décision.

6. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 425-12 du même code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus dispose : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur une demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par ces textes.

7. Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".

8. Aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. / Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ". Selon l'article 26 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 : " Exigences relatives à une signature électronique avancée Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : / a) être liée au signataire de manière univoque ; / b) permettre d'identifier le signataire ; c) avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 30 décembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est revêtu de la signature des trois médecins composant ce collège, régulièrement désignés à cette fin par décision du directeur général de l'Office et dont les noms sont lisiblement indiqués. Le bordereau de transmission de l'avis indique que le rapport médical a été établi par un autre médecin, qui n'a dès lors pas siégé au sein du collège ayant rendu l'avis. En outre, il ressort des termes de l'avis en cause que le collège des médecins de l'Office a émis cet avis " après en avoir délibéré ". Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. Mme B... ne se prévaut ainsi d'aucune circonstance particulière susceptible de renverser cette présomption de caractère collégial de l'avis médical ainsi rendu sur sa demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'une délibération collégiale du collège de médecins doit être écarté.

10. L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 décembre 2020 mentionne que cet avis a été collégialement délibéré et comporte la signature de chacun des trois médecins composant le collège, ainsi que leur nom. Si la requérante se prévaut du caractère illisible de la signature des médecins du collège, cette circonstance est insuffisante pour mettre en cause l'existence d'une délibération collégiale sur le dossier de l'intéressé. Les signatures figurant sur cet avis sont des fac-similés qui ne constituent pas des signatures électroniques et ne relèvent, de ce fait, ni du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil, ni du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique pris pour son application. En tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet de douter de ce que les signatures apposées au bas de l'avis du 30 décembre 2020 seraient celles des trois médecins composant le collège de médecins de l'Office, dont l'identité est précisée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté, dans toutes ses branches.

11. Il ressort des termes de sa décision que le préfet de la Loire-Atlantique ne l'a pas seulement motivée en reprenant la teneur de l'avis émis par le collège de médecins, mais également en portant sa propre appréciation sur l'existence et l'accès effectif à la prise en charge médicale de Mme B... dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant à tort placé en situation de compétence liée.

12. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié et effectif dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect du secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et d'établir l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité pour l'intéressé d'y accéder effectivement.

13. Par un avis du 30 décembre 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

14. Mme B..., qui a révélé l'existence de ses troubles psychiatriques et d'un diabète de type 2, se contente de produire des certificats médicaux qui ne précisent aucunement l'indisponibilité de traitements en Angola ainsi que des ordonnances médicales, dont la plupart datent de 2018, soit trois ans avant la date de l'arrêté contesté, et qui mentionnent seulement les noms des médicaments qui lui sont administrés en France. Si elle a versé une liste de médicaments pour démontrer que ceux qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles dans son pays d'origine dès lors qu'ils n'y figurent pas, cette liste ne précise pas l'Angola comme pays de référence et n'est pas au demeurant traduite en langue française. Ainsi, elle ne démontre pas l'impossibilité de bénéficier de soins et traitements et d'un accès effectif à une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine. Si l'intéressée présente également un état de stress post traumatique la production d'une attestation établie par un psychiatre qui indique que " l'état de stress post-traumatique (de l'intéressée) est lié à des évènements qui se sont produits en 2016 en Angola " ne suffit pas à établir qu'un retour en Angola serait susceptible d'entrainer un phénomène de résurgence ou d'aggravation de sa pathologie. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait, en estimant que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Si Mme B... est présente sur le territoire français depuis près de quatre ans à la date de l'arrêté contesté, la durée de son séjour est récente. Elle ne justifie d'aucune attache personnelle, notamment familiale, en France alors que sa mère et ses deux enfants vivent en Angola. Ses engagements bénévoles auprès de la Libre Association depuis janvier 2020 ne suffisent pas à établir que l'intéressée aurait tissé des liens intenses et stables en France. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. La décision portant obligation de quitter le territoire français vise les textes dont il est fait application et en particulier le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ce qu'aucun titre de séjour ne peut lui être délivré. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre sa décision.

19. En vertu du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 14, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions dans la mesure où l'autorité administrative aurait dû, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 16, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

21. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

22. La décision fixant le pays de la nationalité de Mme B... comme pays de son renvoi mentionne sa nationalité angolaise et précise qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.

23. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique, qui au demeurant a entendu implicitement mais nécessairement porter une appréciation au regard des dispositions de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il n'y a pas de méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre sa décision et ne s'est pas cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile.

24. Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, des risques pour sa vie ou sa liberté ou qu'elle y serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants, découlant de l'impossibilité pour elle de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Angola. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

25. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence.

26. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 10 mai 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200582 du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

Guy QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0203902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02039
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt02039 ?
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