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16/02/2024 | FRANCE | N°23NT03167

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 16 février 2024, 23NT03167


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités slovènes.



Par un jugement n° 2314231 du 12 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. B....



Procé

dures devant la cour :



I. Par une requête n° 23NT03167, enregistrée le 2 novembre 2023, le préfet de Mai...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités slovènes.

Par un jugement n° 2314231 du 12 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. B....

Procédures devant la cour :

I. Par une requête n° 23NT03167, enregistrée le 2 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour d'annuler le jugement du 12 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes.

Il soutient qu'il justifie que M. B... disposait d'un visa délivré par les autorités lettonnes pour le compte des autorités slovènes et s'en rapporte à ses écritures de première instance pour le surplus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Renaud, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête du préfet de Maine-et-Loire et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de Maine-et-Loire a décidé d'enregistrer sa demande d'asile le 15 décembre 2023 ;

- il n'est pas établi qu'il se soit vu délivrer les informations prévues à l'article 4 du règlement " Dublin III ", dès le début de la procédure, dans une langue qu'il comprend ;

- il n'est pas établi que l'entretien prévu à l'article 5 du règlement " Dublin III " a été mené conformément à ces dispositions ;

- sa prise d'empreintes et la consultation du fichier Visabio n'ont pas été réalisées par un agent individuellement désigné et spécialement habilité pour ce faire ;

- la décision contestée méconnait l'article 12 du règlement " Dublin III " ;

- elle méconnait l'article 17-2 du règlement " Dublin III " et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement " Dublin III " et d'un risque de violation des articles 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023, maintenue le 22 novembre 2023.

II. Par une requête n° 23NT03782, enregistrée le 19 décembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 12 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes.

Il soutient qu'il justifie que M. B... disposait d'un visa délivré par les autorités lettonnes pour le compte des autorités slovènes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2024, non communiqué, M. B... conclut au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête du préfet de Maine-et-Loire.

Il soutient que le préfet a accepté de prendre en charge sa demande d'asile et ses moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 19 mars 1977, a sollicité l'asile le 4 juillet 2023. Par un arrêté du 29 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. B... aux autorités slovènes. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Par une requête distincte, il demande également le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 23NT03167 et 23NT03782, présentées par le préfet de Maine-et-Loire, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un seul arrêt.

3. Si M. B... produit une convocation pour l'enregistrement de sa demande d'asile et la fin de la procédure Dublin pour le 29 février 2024, cela ne permet pas d'établir la réalité de l'enregistrement de sa demande d'asile à la date du présent arrêt. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y aurait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet à fin d'annulation du jugement du 12 octobre 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'Etat membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre Etat membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'Etat membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) / 4. Lorsque le demandeur est titulaire (...) d'un ou plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des Etats membres. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, en particulier de la lettre du 21 juillet 2023 par laquelle les autorités slovènes ont explicitement accepté la prise en charge de M. B... sur le fondement du 2 de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et du courrier du 29 août 2023 par lequel les autorités lettones l'ont refusée au motif que le visa délivré à l'intéressé par leur ambassade en Azerbaïdjan l'a été pour le compte des autorités compétentes de Slovénie, qu'en se fondant sur l'existence d'un tel visa et l'accord de prise en charge du 21 juillet 2023, le préfet de Maine-et-Loire n'a ni commis d'erreur de fait, ni méconnu les dispositions précitées de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 29 août 2023 portant transfert de M. B... aux autorités slovènes, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes s'est fondée sur ce motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison de l'absence d'un visa, en cours de validité, à destination de la Slovénie.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

7. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et se trouve, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait, contrairement à ce que soutient M. B.... Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. B... doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ministère chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de l'immigration sont autorisés à mettre en œuvre, sur le fondement du 1° de l'article

L. 142-1, un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "VISABIO" (...) ". Aux termes de l'article R. 142-4 de ce code : " Ont accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le traitement automatisé mentionné à l'article

R. 142-1, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître : (...) / 2° Les agents des préfectures (...) et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en œuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet. (...) ".

10. Ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives notamment à l'habilitation de certains agents de préfecture chargés du traitement des demandes d'asile à accéder au traitement automatisé de données à caractère personnel "Visabio" ont seulement pour objet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles contenues dans le fichier et restent sans influence sur la régularité des décisions de transfert prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, M. B... ne peut utilement s'en prévaloir. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent qui a consulté le fichier Visabio n'y était pas habilité.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre le 4 juillet 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, en langue russe, qu'il a déclaré comprendre. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du 4 juillet 2023, conduit avec l'aide d'un interprète en langue russe, qu'il a indiqué et ne conteste pas comprendre et parler, qu'il a déclaré que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis dans une langue que je déclare comprendre. " et " Je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 4 juillet 2023 que M. B... a été mis à même de s'exprimer sur sa situation. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. B... qu'il a bénéficié le 4 juillet 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

17. M. B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités slovènes, mais les documents qu'il a produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi qu'il serait lui-même exposé à un risque sérieux de ne pas être traité par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Slovénie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés ne permettent pas d'établir qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France, en particulier du seul fait qu'il est demandeur d'asile. Si M. B... fait valoir qu'il est hébergé chez son frère depuis son arrivée en France, le g) de l'article 2 du règlement du 26 juin 2013 indique que les " membres de la famille " au sens des dispositions précitées comprennent le conjoint du demandeur ou ses enfants mineurs et au surplus l'intéressé n'établit pas la réalité de ses allégations. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 326 juin 2013 doivent être écartés.

18. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

19. M. B... n'établit pas, en se bornant à produire la copie d'une carte de résident d'un ressortissant azerbaïdjanais portant un patronyme proche du sien, que, comme il le prétend il est hébergé chez son frère depuis son arrivée en France. Il ressort du résumé de son entretien du 4 juillet 2023 qu'il a déclaré n'avoir aucun membre de sa famille en France et que sa conjointe et son enfant résident en Azerbaïdjan. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en décidant son transfert aux autorités slovènes. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance de M. B..., y compris celles à fin d'injonction et présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

21. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Maine-et-Loire contre le jugement du 12 octobre 2023. Par suite, les conclusions de la requête n° 23NT03782 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23NT03782 à fin de sursis à exécution du jugement.

Article 2 : Le jugement n° 2314231 du 12 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B..., à Me Renaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 23NT03167,23NT03782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03167
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-16;23nt03167 ?
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