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20/02/2024 | FRANCE | N°22NT03624

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 février 2024, 22NT03624


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'abord, d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle le général de brigade, commandant de la région des E... lui a infligé un blâme, ensuite, d'enjoindre au ministre de la défense d'effacer la sanction attaquée de son dossier administratif, ainsi que de tout autre fichier, et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000

euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'abord, d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle le général de brigade, commandant de la région des E... lui a infligé un blâme, ensuite, d'enjoindre au ministre de la défense d'effacer la sanction attaquée de son dossier administratif, ainsi que de tout autre fichier, et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1906276 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision 16 avril 2019 lui infligeant un blâme ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense d'effacer la sanction attaquée de son dossier administratif, ainsi que de tout autre fichier, et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas reçu copie de l'avis n°10116 du 18 mars 2019, visé par la décision contestée, établi par l'autorité de premier niveau, c'est-à-dire l'autorité hiérarchique, ce qui a entravé l'exercice de ses droits de la défense dans la mesure où il n'a pas eu la totalité des pièces disciplinaires lorsqu'il a produit ses observations écrites à l'autorité supérieure ;

- la décision est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation car le blâme qui lui a été infligé est disproportionné au regard des faits reprochés ; il n'a pas manqué de discernement dans l'exécution de son service ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le ministre des armées, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., gendarme affecté à la brigade de gendarmerie de F... a, par une décision du colonel commandant en second de la région de gendarmerie des G... de H... du 2 novembre 2018, été placé sous observation renforcée pour une période six mois à compter du 1er novembre 2018. Par une décision du 16 avril 2019, le général de brigade de la région des G... de H... a prononcé à l'encontre de M. B... un blâme, sanction du premier groupe, au motif qu'il n'a pas interpelé une personne mise en cause dans le cadre de faits de violences conjugales.

2. M. B... a, le 12 juin 2019, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2019. Il relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, M. B... soutient qu'il n'a pas reçu copie de l'avis n°10116 du 18 mars 2019, établi par l'autorité hiérarchique de premier niveau et visé par la décision contestée du 16 avril 2019, ce qui a entravé l'exercice de ses droits de la défense dans la mesure où il a été privé d'une partie des pièces disciplinaires lorsqu'il a produit ses observations écrites à l'autorité supérieure.

4. Aux termes de l'article R. 4137-15 du code de la défense : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d'un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. / Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l'autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s'expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L'explication écrite de l'intéressé ou la renonciation écrite à l'exercice du droit de s'expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l'autorité militaire supérieure. / Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner ".

5. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B... a, le 14 janvier 2019, pris connaissance de son dossier administratif constitué notamment du rapport circonstancié de la capitaine commandant la compagnie de gendarmerie de A... et du compte-rendu post-intervention de la gendarme-adjointe volontaire qui était son équipière lors des faits en cause. Il ne ressort d'aucun autre élément versé aux débats, pas plus que des termes de la décision contestée, que l'avis du 18 mars 2019, établi par son supérieur hiérarchique - autorité de premier niveau - qui ne lui a pas été communiqué, aurait comporté des éléments nouveaux par rapport au dossier administratif consulté par l'intéressé. Ainsi, alors qu'aucune disposition du code de la défense n'impose la communication au militaire d'un tel avis, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter utilement sa défense, notamment lorsqu'il a produit ses observations à l'autorité supérieure comme le permettent les dispositions citées au point précédent de l'article R. 4137-15 du code de la défense. Le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ". Aux termes de l'article L. 4137-1 du même code : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; / 2° A des sanctions professionnelles prévues par décret en Conseil d'Etat, qui peuvent comporter le retrait partiel ou total, temporaire ou définitif, d'une qualification professionnelle. (...) ". Et aux termes du 1° de l'article L.4137-2 de ce code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : a) L'avertissement ; b) La consigne ; c) La réprimande ; d) Le blâme ; e) Les arrêts ; f) Le blâme du ministre ; (...) ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. M. B... soutient, tout d'abord, que les faits qui lui sont reprochés ne sauraient être regardés comme fautifs, dès lors qu'une mesure d'interpellation ne s'imposait pas. Il ressort des pièces du dossier que la sanction de blâme contestée est fondée sur le fait que " le 27 novembre 2018, M. B..., alors qu'il était primo-intervenant pour des faits de violences conjugales à C..., a procédé au contrôle du mis en cause alcoolisé, blessé et agressif et qu'il s'est abstenu de l'interpeler, que la victime présumée apeurée a rappelé la brigade pour signaler que le mis en cause la suivait, que les militaires sont intervenus une nouvelle fois et ont procédé à l'interpellation ", la décision précisant " qu'un rappel collectif sur le traitement des violences intrafamiliales avait été fait le 11 avril 2018 ". Les affirmations de M. B..., selon lesquelles les violences se fondaient alors sur les seules déclarations de la compagne de l'intéressé, sans constat de traces de violences et qu'il a constaté que " Mme ... se trouvait en sécurité chez elle ", résultent de la seule appréciation de M. B... et ne sont pas, contrairement à ce qu'il avance, corroborées par la gendarme-adjointe volontaire présente à ses côtés lors de l'intervention du 27 novembre 2018. Celle-ci dans son rapport produit au dossier, rappelle que la victime a décrit les violences subies, semblait choquée et nerveuse et que l'auteur présumé des violences était alcoolisé. Elle indique également dans son rapport que M. B..., en substance, a mis en avant la situation précaire de l'auteur présumé. Il n'est établi par aucun élément du dossier que ce rapport aurait, contrairement à ce qu'allègue M. B..., été rédigé par la gendarme-adjointe volontaire sous la contrainte de ses supérieurs. Il s'ensuit que les faits reprochés au requérant doivent regardés comme matériellement établis et qu'en s'abstenant d'interpeler la personne mise en cause, M. B..., officier de police judiciaire, qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger la victime présumée, a commis une faute professionnelle de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.

9. Au regard des faits reprochés à M. B..., et alors qu'il était placé en observation renforcée pour une période de 6 mois depuis le 1er novembre 2018 pour un manque flagrant de discernement dans l'exécution du service, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée en infligeant à M. B... un blâme, sanction du premier groupe.

10. Il résulte l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la sanction du blâme qui lui a été infligée par la décision.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT03624 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03624
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22nt03624 ?
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