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20/02/2024 | FRANCE | N°23NT00746

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 février 2024, 23NT00746


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2301980 du 2 mars 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mém

oire, enregistrés les 17 mars et 7 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2301980 du 2 mars 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 7 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 et à titre subsidiaire de l'abroger ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que le jugement attaqué aurait été signé par le magistrat délégué et le greffier d'audience ;

- il n'est pas établi que le magistrat délégué disposait d'une délégation de signature ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ; il n'a pas attendu que l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne procède à une évaluation de sa vulnérabilité ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 7 et 13 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;

- si l'arrêté est devenu caduc en application de l'article 29 du règlement du 26 juin 2023, son illégalité est susceptible de lui avoir causer un préjudice de sorte que le litige n'a perdu ni son objet, ni son intérêt.

Vu les pièces communiquées par le préfet de Maine-et-Loire le 8 septembre 2023, mentionnant que M. A... est en fuite et que la validité de son arrêté de transfert est prorogée jusqu'au 2 septembre 2024, et le mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2024.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités autrichiennes :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. M. A..., qui est né en 1997, produit de nombreuses convocations à des rendez-vous médicaux, ainsi que des ordonnances et un compte rendu d'hospitalisation indiquant qu'il a contracté le 15 décembre 2022 la grippe A H1N1 et présente un état de grande asthénie. Ces documents mentionnent la nécessité de procéder à des examens médicaux complémentaires, en raison notamment de la suspicion d'hépatite B. Par ailleurs, l'intéressé produit, pour la première fois en appel, une fiche d'évaluation psychiatrique d'urgence indiquant qu'au cours d'un week-end il a tenté de mettre fin à ses jours. Ce document précise que M. A... présente un état de stress post-traumatique avec " cauchemars et reviviscences ", et souligne la grande relation de confiance instaurée avec son référent. Si ce document est postérieur à la décision contestée, il révèle néanmoins la très grande vulnérabilité de ce jeune majeur isolé et la nécessité pour lui de poursuivre l'accompagnement mis en place tant par les services sociaux que par les équipes médicales depuis son entrée en France. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités autrichiennes, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite cette décision doit être annulée.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il ait besoin d'examiner les autres moyens et notamment ceux concernant la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard au motif de l'annulation de la décision de transfert de M. A... vers l'Autriche, le présent arrêt implique nécessairement que sa demande d'asile soit instruite en France. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressé en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Philippon avocat du requérant, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301980 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes ainsi que l'arrêté du 24 janvier 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de M. A... auprès des autorités autrichiennes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile prévue par l'article R. 521-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me Philippon, conseil de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00746
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23nt00746 ?
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