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23/02/2024 | FRANCE | N°23NT02633

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 février 2024, 23NT02633


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.



Par une ordonnance n° 2304082 du 1er août 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Renne

s a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.

Par une ordonnance n° 2304082 du 1er août 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2023, Mme B... C..., représentée par Me Le Bihan, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Rennes du 1er août 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 25 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente de cette délivrance ou de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a considéré que la requête était tardive ;

- l'arrêté litigieux est entaché de l'incompétence de son signataire ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation au regard des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou à tout le moins d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet d'Ille-et-Vilaine a entaché sa décision d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance des dispositions des articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est établi ni que le médecin rapporteur n'a pas siégé dans le collège de médecin qui a rendu l'avis, ni que le délai de trois mois entre la transmission par elle des éléments médicaux et la date à laquelle l'avis a été rendu a bien été respecté, ni enfin que les médecins du collège ont bien délibéré ensemble ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît enfin l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante albanaise née le 22 février 1993, est entrée en France le 8 juin 2018. Après le rejet définitif de sa demande d'asile par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 juillet 2019, elle a demandé un titre de séjour pour raisons de santé. Par arrêté 25 janvier 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée d'office. Mme C... relève appel de l'ordonnance du 1er août 2023 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2023 pour irrecevabilité manifeste en raison de sa tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. L'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré " et, en vertu du premier alinéa de l'article 69 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 25 janvier 2023 du préfet

d'Ille-et-Vilaine en litige comportait la mention des voies et délais de recours. Il ressort de ces mêmes pièces que Mme C... a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 3 février 2023, soit dans le délai de recours contentieux de trente jours, et que cette demande a fait l'objet d'une décision d'admission totale le 4 mai 2023. La demande d'aide juridictionnelle a ainsi interrompu le délai de recours qui a recommencé courir à la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle. Si cette décision comporte un tampon avec la mention " notifiée le 31 mai 2023 " apposée par le secrétariat du bureau d'aide juridictionnelle, Mme C... fait valoir que cette décision a été notifiée par courrier simple et que la date figurant sur le tampon correspond à la date à laquelle la décision d'aide juridictionnelle lui a été adressée. Dès lors que la date certaine de notification de la décision du 4 mai 2023 admettant Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ne ressort pas des pièces du dossier, le délai de recours contentieux de trente jours dont disposait l'intéressée pour contester l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme étant expiré le 27 juillet 2023, date à laquelle le recours de Mme C... a été enregistré devant le tribunal administratif. Il s'ensuit que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande pour irrecevabilité manifeste. Il y a, dès lors, lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 25 janvier 2023.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2023 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par Mme D... A..., directrice des étrangers en France de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, en vertu d'une délégation qui lui a régulièrement été accordée par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 19 octobre 2022, dûment publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour vise l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel la demande de titre de séjour de Mme C... est fondée et expose les éléments relatifs à son état de santé qui ont conduit le préfet d'Ille-et-Vilaine à lui refuser un droit au séjour. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux que le préfet d'Ille-et-Vilaine a bien examiné les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées concernant deux des enfants de Mme C..., que

celle-ci lui avait adressées, et a indiqué que l'intéressée n'avait pas présenté de demande d'autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant d'enfant malade et qu'en toute hypothèse, les documents ainsi communiqués ne suffisaient pas à eux seuls à établir que leur éloignement du territoire français entraînerait pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'ils ne pourraient bénéficier d'un suivi au titre de leur handicap dans leur pays d'origine. L'appelante ne produit aucun élément pour remettre en cause les éléments ainsi avancés par le préfet dans l'arrêté litigieux et la simple transmission de ces documents au préfet, que celui-ci a pris en considération, n'imposait pas à ce dernier de considérer qu'il avait été saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Alors que le préfet n'était pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui qui avait été précisément invoqué, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté litigieux et du défaut d'examen de la situation de la requérante au regard des dispositions combinées des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

8. Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

9. D'une part, les dispositions citées aux points 7 et 8 instituent une procédure particulière au terme de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'OFII, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Le moyen tiré de ce que l'avis émis le 7 septembre 2022, par le collège des médecins de l'OFII n'aurait pas donné lieu à des échanges collégiaux des membres de cette instance ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis rendu le 7 septembre 2022 par le collège de médecins de l'OFII a été émis par les trois médecins composant ce collège, les docteurs Aranda-Grau, Triebsch et Horrash, régulièrement désignés à cette fin par décision du directeur général de l'Office. Le bordereau de transmission de l'avis indique que le rapport médical a été établi par un autre médecin, le docteur E..., qui n'a dès lors pas siégé au sein du collège ayant rendu l'avis. Par ailleurs, le respect du délai de trois mois prévu par l'article R. 425-13 précité n'est pas prescrit à peine de nullité.

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure pris en chacune de ses branches doit être écarté.

12. En quatrième lieu, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité ci-dessus, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

13. Pour refuser à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est approprié la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 7 septembre 2022 selon lequel le défaut de prise en charge médicale de Mme C... ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

14. En se bornant à soutenir, sans aucune autre précision et sans produire d'élément au soutien de ses allégations, qu'elle ne pourra bénéficier en Albanie d'un traitement médical adapté à son état de santé, Mme C... ne remet aucunement en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII selon laquelle le défaut ou l'interruption de sa prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de solliciter de l'OFII la communication de l'entier dossier médical au vu duquel il a statué.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, (...) et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

16. Il est constant que Mme C... est entrée en France le 8 juin 2018 avec son époux et leurs deux enfants mineurs nés en 2016 et 2018, soit moins de cinq ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux, afin d'y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que les membres de cette famille se sont ensuite maintenus irrégulièrement sur le territoire en dépit des mesures d'obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre le 9 mars 2020 par le préfet d'Ille-et-Vilaine, dont la légalité a été confirmé par le tribunal administratif de Rennes puis par la cour. Il ne ressort pas des pièces du dossier ni n'est d'ailleurs allégué que la situation de l'époux de l'appelante aurait été régularisée. M. et Mme C... ne justifient pas d'une insertion particulière ni de liens personnels ou familiaux qui seraient tels que le refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale. En outre, si deux de ses enfants mineurs ont été reconnus comme étant en situation de handicap par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et s'ils sont scolarisés dans des établissements adaptés à leur situation, Mme C... ne produit aucun élément susceptible de faire douter de la possibilité pour eux de bénéficier d'une scolarité adaptée dans leur pays d'origine. Ainsi, Mme C... ne se prévaut d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa cellule familiale puisse se reconstituer hors de France. Dès lors, le refus de titre de séjour opposé à Mme C... ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'arrêté litigieux ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

17. En sixième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Or, si les dispositions de l'article L. 435-1 du même code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à cette règle ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article.

18. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait présenté sa demande sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, elle ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions. En tout état de cause, pour les motifs exposés au point 16, l'appelante ne peut se prévaloir de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires justifiant sa régularisation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

20. Mme C..., dont la demande de protection a été rejetée par les instances en charge de l'asile, n'apporte pas de précision sur les risques auxquels elle serait exposée dans son pays d'origine ni ne produit le moindre élément permettant de considérer qu'elle serait exposée à des risques de traitements prohibés par les stipulations citées ci-dessus en cas de renvoi en Albanie.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux présentées par Mme C... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 1er août 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

Le président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02633
Date de la décision : 23/02/2024

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;23nt02633 ?
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