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12/03/2024 | FRANCE | N°22NT01344

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 12 mars 2024, 22NT01344


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Fougères a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le maire de Beaucé (Ille-et-Vilaine) a accordé à la SARL Maba Beauséjour un permis d'aménager une zone commerciale et de services sur le terrain cadastré section AB n°s 57p, 73a, 74b, 75c, 76d, 77e et 78f situé lieudit " Beauséjour ", ainsi que la décision du 3 avril 2020 par laquelle son recours gracieux a été rejeté.



Par un juge

ment n° 2002344 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fougères a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le maire de Beaucé (Ille-et-Vilaine) a accordé à la SARL Maba Beauséjour un permis d'aménager une zone commerciale et de services sur le terrain cadastré section AB n°s 57p, 73a, 74b, 75c, 76d, 77e et 78f situé lieudit " Beauséjour ", ainsi que la décision du 3 avril 2020 par laquelle son recours gracieux a été rejeté.

Par un jugement n° 2002344 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mai 2022 et 4 septembre 2023, la commune de Fougères, représentée par la SELARL cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 du maire de Beaucé accordant un permis d'aménager à la SARL Maba Beauséjour ainsi que la décision du 3 avril 2020 de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beaucé le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Fougères soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'elle a intérêt à agir contre la décision en litige ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-13 du code de l'urbanisme dès lors que le chemin communal dit A... " est inclus, sans avoir été préalablement déclassé, dans l'emprise foncière de l'aménagement projeté ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article R. 441-5 du code de l'urbanisme et de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, en l'absence d'étude d'impact ou de décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale dès lors que les travaux et constructions créées une surface de plancher ou une emprise au sol supérieure aux seuils fixés au titre de la catégorie n° 38 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement ;

- l'arrêté contesté est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation applicable au secteur ;

- le classement du terrain d'implantation de l'opération projetée en zone 1AUAc du règlement du plan local d'urbanisme modifié le 29 mars 2012 est illégal, dès lors que ce classement a été décidé en l'absence de réalisation d'une évaluation environnementale ou de saisine de l'autorité environnementale ; la procédure de modification du plan local d'urbanisme est entachée de détournement de pouvoir et d'erreur de droit dès lors que la SARL Maba Beauséjour s'est engagée à verser à la commune de Beaucé des sommes en échange de la mise en œuvre par la commune de ses compétences en matière d'urbanisme ; l'application des dispositions du plan local d'urbanisme immédiatement antérieur ne permet pas la réalisation de l'opération projetée ;

- le plan local d'urbanisme, issu de la révision simplifiée n°1 approuvée le 28 juin 2012, est entaché de détournement de pouvoir et d'erreur de droit et l'application des dispositions du plan local d'urbanisme immédiatement antérieur ne permet pas la réalisation de l'opération projetée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, la commune de Beaucé représentée par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Fougères une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Fougères n'a pas intérêt à agir ;

- la commune de Fougères n'est pas fondée à invoquer les vices de forme et de procédure des délibérations des 29 mars et 28 juin 2012 à l'appui de l'exception, l'illégalité du plan local d'urbanisme ;

- les moyens soulevés par la commune de Fougères ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2022, la société Maba Beauséjour, représentée par Me Agostini, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Fougères une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Fougères n'a pas d'intérêt à agir ;

- l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme fait obstacle à ce que la commune de Fougères invoque les vices de forme et de procédure des délibérations des 29 mars et 28 juin 2012 à l'appui de l'exception, de l'illégalité du plan local d'urbanisme

- les moyens soulevés par la commune de Fougères ne sont pas fondés.

Les parties ont été invitées par un courrier du 8 février 2024, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, à présenter leurs observations dès lors que la cour était susceptible de surseoir à statuer, pendant un délai de 6 mois, pour permettre la régularisation du vice tiré, en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, de l'absence d'examen par l'autorité environnementale du projet d'ensemble commercial de la société Maba Beauséjour.

Par un mémoire, enregistré le 9 février 2024, la SARL Maba Beauséjour, a produit des observations en réponse à la lettre du 8 février 2024 de la cour adressée aux parties sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 12 février 2024, la commune de Beaucé, a produit des observations en réponse à la lettre du 8 février 2024 de la cour adressée aux parties sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 13 février 2024, la commune de Fougères, a produit des observations en réponse à la lettre du 8 février 2024 de la cour adressée aux parties sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Chatel, représentant la commune de Fougères, celles de Me Colas, substituant Me Lahalle, représentant la commune de Beaucé et celles de Me Delaunay, substituant Me Agostini, représentant la société Maba Beauséjour.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Maba Beauséjour a déposé le 19 novembre 2019 une demande de permis d'aménager une zone commerciale et de services sur le terrain cadastré section AB n°s 57p, 73a, 74b, 75c, 76d, 77e et 78f situé lieudit " Beauséjour " à Beaucé (Ille-et-Vilaine). Par un arrêté du 24 janvier 2020, le maire de la commune de Beaucé lui a délivré le permis d'aménager sollicité. Le 3 avril 2020, il a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté par la commune voisine de Fougères. Cette dernière a alors saisi le tribunal administratif de Rennes. La commune de Fougères relève appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel ce tribunal a rejeté, comme irrecevable, se demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2020 et de la décision du 3 avril 2020 précédemment mentionnés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

3. Le législateur n'a pas entendu régir par les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme l'intérêt pour agir des collectivités territoriales à l'encontre des décisions relatives à l'utilisation des sols. Ainsi il appartient à la commune qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir, tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'elle invoque en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les intérêts dont elle a la charge.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : (...) b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; (...) "

5. Il ressort des pièces du dossier que le permis d'aménager contesté a pour objet l'implantation d'une zone commerciale et de services d'un nombre maximal de cinq lots pour une surface de plancher de 5 800 m² sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Beaucé, à une distance d'environ 350 mètres de la commune de Fougères. Il ressort des pièces du dossier que le centre-ville de Fougères est concurrencé par les grandes et moyennes surfaces installées en périphérie de ville et que la vacance de locaux commerciaux sur son territoire s'élève, selon les quartiers, de 6 à 23 %. La commune de Fougères s'est ainsi fixée pour objectif, aux termes de son projet d'aménagement et de développement durable (PADD), de conforter son centre-ville et de préserver les pôles de proximité principalement situés dans les quartiers anciens, en permettant le développement des activités commerciales et de service dans les quartiers. Le maintien du maillage des commerces de proximité constitue à ce titre un axe majeur de son PADD dans un " objectif d'équité, de mixité sociale et d'attractivité des quartiers ". La commune de Fougères a également signé le 4 octobre 2018 une convention pluriannuelle " Action cœur de ville " permettant de mobiliser des moyens en faveur de la mise en œuvre de projets de renforcement des " cœurs de ville ". Cette convention a été homologuée en convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT) par la préfète d'Ille-et-Vilaine le 25 octobre 2019. Dans ce contexte, la commune requérante démontre que l'opération projetée, consistant en la création d'une surface commerciale de trois à cinq lots à proximité immédiate de son territoire, est de nature à porter atteinte à la politique de revitalisation de son centre-ville qu'elle entend mener et, par suite, à ses intérêts propres, quand bien même le schéma de cohérence territoriale du Pays de Fougères prévoit la création d'une zone commerciale à cet emplacement dans le but de consolider l'attractivité fougeraise grâce à une clientèle venant du nord de la Mayenne. Par ailleurs, l'intérêt de la commune de Fougères tenant à la revitalisation de son centre-ville constitue un objectif en matière d'urbanisme prévu par les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme précité. Dans ces conditions, la commune de Fougères justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis d'aménager contesté.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Fougères est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. Il y a lieu, en l'espèce, de statuer, par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2020.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2020 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ". Aux termes de l'article R. 441-1 du code de l'urbanisme : " La demande de permis d'aménager (...) comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R*423-1 pour déposer une demande de permis ". Aux termes de l'article R. 441-6 du même code : " Lorsque la demande prévoit l'édification, par l'aménageur, de constructions à l'intérieur du périmètre, la notice prévue par l'article R*441-3 comprend les éléments prévus par les b, c et d du 2° de l'article R*431-8. La demande est complétée par les pièces prévues par l'article R*431-9 et, le cas échéant, les pièces prévues par les a et b de l'article R*431-10 et, s'il y a lieu, les pièces prévues par les articles R. 431-11 et R*431-13 à R*431-33. Ces pièces sont fournies sous l'entière responsabilité des demandeurs. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

8. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le demandeur qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 441-1 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l'article R. 423-1 du même code pour déposer une demande de permis d'aménager doit être regardé comme ayant qualité pour présenter cette demande. A cet égard, la circonstance que le terrain appartienne au domaine privé d'une personne publique est sans incidence sur les justificatifs que le demandeur doit fournir et sur les vérifications auxquelles doit procéder l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire.

9. D'une part, il ne ressort pas de la demande que le permis d'aménager prévoirait l'édification, par l'aménageur, de constructions à l'intérieur du périmètre de l'opération et les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ne peuvent donc pas trouver à s'appliquer au cas présent. D'autre part, il résulte du formulaire de demande de permis d'aménager que le représentant de la SARL Maba Beauséjour a fourni l'attestation prévue à l'article R. 441-1 précité du code de l'urbanisme. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le chemin dit A... ", appartenant au domaine privé de la commune de Beaucé, et dont une partie est incluse dans l'emprise de l'opération projetée, est un chemin rural et que le conseil municipal de Beaucé a, par une délibération du 2 juillet 2019, antérieure à l'arrêté contesté, procédé à la désaffectation d'une portion de ce chemin afin de la céder à la SARL Maba Beauséjour. Dans ces conditions, la commune de Fougères n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaitrait les dispositions précitées au point 7 du présent arrêt au motif, d'une part, que le chemin dit A... " appartiendrait au domaine public de la commune et, d'autre part, que le conseil municipal n'aurait pas procédé à sa désaffectation.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. (...) Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité. (...). Aux termes de l'article R. 441-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis d'aménager comprend en outre, selon les cas : 1° L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; (...) ". En vertu du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement applicable à la date de l'arrêté contesté, les travaux et constructions qui créent une surface de plancher ou une emprise au sol comprise entre 10 000 et 40 000 m² et les opérations d'aménagement dont le terrain d'assiette est compris entre 5 et 10 ha ou dont la surface de plancher ou l'emprise au sol est comprise entre 10 000 et 40 000 m² sont soumis à un examen au cas par cas. En revanche, les travaux et constructions qui créent une surface de plancher ou une emprise au sol supérieure ou égale à 40 000 m² et les opérations d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 ha ou dont la surface de plancher ou l'emprise au sol est supérieure ou égale à 40 000 m² sont soumis à évaluation environnementale.

11. En l'espèce, l'opération projetée consiste en l'aménagement d'une zone à vocation commerciale et de service de trois lots, d'une surface de plancher maximale prévue de 5 800 m² sur un ensemble de parcelles d'une surface totale de 23776 m², qui n'est à ce titre, pas soumis à évaluation environnementale. Si l'opération autorisée, qui s'inscrit dans le cadre de l'aménagement plus vaste de la zone d'activité de Beauséjour dont les objectifs sont définis au sein d'une orientation particulière d'aménagement, prévoit des liaisons permettant éventuellement la prolongation de la zone jusqu'au quartier de la Veslière situé à proximité, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération projetée prendrait effectivement place au sein d'un projet structuré et concret d'aménagement d'une zone commerciale plus large. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que la société Maba Beauséjour a pu envisager de réaliser un centre commercial, incluant notamment une grande surface " Super U " sur la parcelle voisine, il s'agit là d'une opération distincte et autonome qui ne présente en outre pas de caractère certain. Ainsi, si le projet contesté s'inscrit, au titre de la planification, dans un projet d'urbanisation de la zone, les pièces du dossier ne permettent toutefois pas de caractériser que le permis d'aménager sollicité permettrait le fractionnement d'un projet unique. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 10 doit être écarté.

12. En troisième lieu, le terrain d'assiette du projet contesté est couvert par l'orientation particulière d'aménagement " Beauséjour " prévue au plan local d'urbanisme de Beaucé et destinée à l'aménagement d'une zone commerciale et de services. Elle précise que les constructions s'implanteront à 35 mètres par rapport à l'axe de la route nationale 12, que les aires de stationnement seront mutualisées et que s'agissant des espaces verts, la bande verte en haut du talus sera plantée d'arbres en bosquets laissant de larges fenêtres enherbées permettant d'apercevoir les bâtiments.

13. D'une part, si les aires de stationnement projetées sont séparées par une voie d'accès desservant les différents stationnements et lots de la zone, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ferait obstacle à leur mutualisation. Par ailleurs, il ressort du plan annexé à l'orientation particulière d'aménagement que les auteurs du plan local d'urbanisme ont envisagé une voie d'accès séparant les différentes zones de parkings.

14. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'hypothèse d'implantation des constructions retenue par la société pétitionnaire méconnaitrait la bande inconstructible de 35 mètres, réservée aux espaces verts, mesurée par rapport à l'axe de la route nationale 12. Par ailleurs, il résulte de l'orientation particulière d'aménagement que celle-ci prévoit seulement une " hypothèse d'implantation " des bâtiments sur le site. Si l'implantation projetée par le permis d'aménager n'est pas identique à celle qui est envisagée par l'orientation précitée, elle la recouvre en partie et il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'elle serait incompatible avec elle.

15. Enfin, il ressort du dossier de demande de permis d'aménager que le talus situé dans la bande des 35 mètres par rapport à l'axe de la route nationale 12 sera planté d'arbres dont l'implantation ménage une large fenêtre enherbée, au milieu du lot n°1, permettant d'apercevoir les bâtiments, lesquels seront également visibles depuis l'est du projet, de sorte que l'opération apparaît sur ce point compatible avec l'orientation particulière d'aménagement décrite au point 12.

16. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait incompatible avec l'orientation particulière d'aménagement doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. (...) Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : -soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; -soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques. ".

18. La requérante se prévaut par voie d'exception de l'illégalité de la délibération du 29 mars 2012 approuvant la modification n°2 du plan local d'urbanisme, au motif de l'absence d'évaluation environnementale. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 600-1 précité, la requérante n'est pas recevable à se prévaloir par voie d'exception de l'absence d'évaluation environnementale préalablement à l'adoption de la modification du plan local d'urbanisme, dès lors que le moyen, qui relève d'un vice de forme et de procédure, est soulevé plus de six mois après la prise d'effet de la délibération approuvant cette modification, en date du 29 mars 2012, transmise au contrôle de légalité le 30 avril 2012 et ayant fait l'objet d'une publication au sein de journaux d'annonces légales en avril et mai 2012.

19. En cinquième lieu, si la convention par laquelle une autorité investie d'un pouvoir réglementaire prend l'engagement de faire usage de ce pouvoir dans un sens déterminé a un objet illicite, un acte réglementaire adopté après la signature d'une telle convention n'est pas illégal de ce seul fait, si, ayant été pris dans le but d'intérêt général pour lequel le pouvoir réglementaire a été conféré à cette autorité et non pour la mise en œuvre de la convention, il ne procède d'aucun détournement de pouvoir.

20. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Maba Beauséjour s'est engagée à verser une somme de 28 500 euros à la commune de Beaucé dans le cas où la signature de l'acte de vente des parcelles support de l'opération projetée interviendrait avant l'aboutissement de la procédure de modification du plan local d'urbanisme. Bien que la commune fasse valoir que cette somme est destinée à compenser la perte de taxe forfaitaire sur les terrains devenus constructibles, il ressort de la délibération de la commune de Beaucé du 9 février 2012 que cette somme a contribué aux frais induits par la modification n°2 et par la révision n°1 du plan local d'urbanisme approuvées respectivement par les délibérations des 29 mars et 28 juin 2012. Toutefois, il ressort de la délibération du 17 décembre 2009 que la commune de Beaucé a souhaité acquérir les parcelles nécessaires à l'aménagement du secteur de Beauséjour afin de mettre en œuvre un projet global d'aménagement du secteur et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commune aurait mis en œuvre la procédure de modification du plan local d'urbanisme nécessaire dans un but autre que celui de son développement économique. Dans ces conditions, les délibérations des 29 mars et 28 juin 2012 approuvant la modification n°2 et la révision n°1 du plan local d'urbanisme, qui ont été prises dans un but d'intérêt général, ne sont entachées ni d'une erreur de droit ni d'un détournement de pouvoir et les moyens tirés de leur illégalité par la voie de l'exception doivent être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fougères n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2020 du maire de Beaucé ainsi que de la décision du 3 avril 2020 de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fougères les sommes que la commune de Beaucé et la SARL Maba Beauséjour demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Fougères soit mise à la charge de la commune de Beaucé et de la SARL Maba Beauséjour, qui ne sont pas les parties perdantes.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002344 du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Fougères est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Beaucé et par la société Maba Beauséjour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fougères, à la commune de Beaucé et à la SARL Maba Beauséjour.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01344


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01344
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22nt01344 ?
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