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19/03/2024 | FRANCE | N°23NT00421

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT00421


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Electro Brest a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2102031 du 14 décembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 févrie

r et 28 novembre 2023 la SARL Electro Brest, représentée par Me Fonlupt, demande à la cour :



1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Electro Brest a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2102031 du 14 décembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 février et 28 novembre 2023 la SARL Electro Brest, représentée par Me Fonlupt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance abandonnée constitue une aide à caractère commercial au sens du point 13 de l'article 39 du code général des impôts ; elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative n° 4 A-2162 du 9 mars 2001 n° 15 et 17, reprise au BOI-BIC-BASE-50-10 du 29 janvier 2013 n° 110 et n° 140, relatives au régime fiscal des abandons de créances ;

- elle a pu valablement tenir compte de la convention d'abandon de créances signée le 31 mars 2017 pour déterminer le résultat de l'exercice clos en 2016, dès lors que cette convention procède d'une décision d'abandon de créances qu'elle a prise unilatéralement antérieurement à la clôture de cet exercice ; elle ne pouvait pas formaliser cette décision avant le 31 décembre de l'année 2016 dès lors qu'elle devait avoir connaissance du résultat de sa filiale avant de la prendre ;

- l'abandon de créance ne constitue pas un acte anormal de gestion ; elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative n° 4 A-2162 du 9 mars 2001 n° 11 et 12, reprise au BOI-BIC-BASE-50-10 du 29 janvier 2013 n° 80 ;

- les conditions d'application de l'article 57 du code général des impôts ne sont pas remplies ; elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative n° 4 A-1211 du 9 mars 2001 n° 14 et 16, reprise au BOI-BIC-BASE-50-10 du 18 février 2014 n° 130 et n° 150, relatives au transfert indirect de bénéfices à l'étranger.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 juillet 2023 et le 13 décembre 2023 (ce dernier non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Fonlupt, représentant la SARL Electro Brest.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Electro Brest, qui exerce l'activité de distributeur de composants électroniques, électriques et de vente de produits d'automatisation auprès d'entreprises industrielles et qui est soumise à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet, du 29 mars 2018 au 18 avril 2019, d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. À l'issue de ce contrôle, l'administration lui a adressé une proposition de rectification en date du 25 avril 2019 l'informant, selon la procédure contradictoire, de la remise en cause, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016, du caractère déductible d'un abandon de créances, d'un montant de 187 082 euros, consenti à sa filiale allemande, la société Eletechnik GmbH, créée en mai 2014. Après mise en recouvrement des impositions et rejet de sa réclamation, la SARL Electro Brest a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour ce motif au titre de l'année 2016. La SARL Electro Brest relève appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

2. Il résulte de l'instruction que la SARL Electro Brest a créé, en mai 2014, la société Eletechnik GmbH, afin d'exercer en Allemagne, où sont situés certains de ses fournisseurs, dont la société Siemens AG, une activité comparable à la sienne. Le capital social de la société Eletechnik GmbH n'étant que de 25 000 euros, son démarrage a été financé par des apports en compte courant consentis par la société requérante. Ainsi, le compte courant de la société allemande présentait un solde débiteur de 745 735 euros au 1er janvier 2015, accru au cours de l'exercice clos en 2015, par un nouveau prêt de 80 000 euros, puis au cours de l'exercice clos en 2016, par neuf nouveaux prêts d'un montant total de 480 000 euros. C'est au titre de ce dernier exercice que la SARL Electro Brest a déduit de son résultat un abandon de créances consenti à sa filiale, pour un montant de 187 082,54 euros, sans clause de retour à meilleure fortune.

3. Pour remettre en cause le caractère déductible de cet abandon de créances, l'administration a estimé, en premier lieu, qu'étant constaté par une convention du 31 mars 2017, il a été déduit de façon prématurée au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2016. En deuxième lieu, l'administration a également considéré que cet abandon de créances était constitutif d'une aide financière dont la déduction est exclue par les dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts. En troisième lieu, elle a considéré que la SARL Electro Brest n'avait pas d'intérêt à consentir cet abandon de créances qui doit dès lors être qualifié d'acte anormal de gestion. En dernier lieu, elle a fondé la rectification litigieuse sur les dispositions de l'article 57 du code général des impôts en considérant que l'abandon de créances en cause a pour effet de transférer une partie du bénéfice de la SARL Electro Brest vers sa filiale allemande déficitaire.

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code et dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation / (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code et dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " (...) / 13. Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial / (...) ".

5. D'une part, il résulte de l'instruction que la SARL Electro Brest détient la totalité du capital de sa filiale, mais n'entretient pas de relations commerciales avec celle-ci. Si les deux sociétés ont recours pour partie à des fournisseurs identiques, elles n'ont pas de clients communs. Toutefois, la société requérante fait valoir que l'abandon de créances consenti présente un caractère commercial au motif qu'un défaut de paiements de sa filiale allemande, voire un redressement judiciaire de celle-ci, l'exposerait à un risque de rupture de ses relations commerciales avec ses fournisseurs et notamment la société Siemens AG. Toutefois, ni le défaut allégué de cette filiale en l'absence d'aide, ni l'existence d'un risque de dégradation des relations commerciales avec les fournisseurs de la SARL Electro Brest ne sont établis par les pièces versées au dossier, alors qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de la cession de créance, le principal fournisseur commun de la requérante et de sa filiale ne représentait respectivement que 11,5% et 9,8% de leurs chiffres d'affaires respectifs. Il ressort également des termes de la convention du 31 mars 2017, que l'abandon de créances a été motivé par des considérations financières tenant à la volonté de la SARL Electro Brest d'équilibrer le bilan de sa filiale vis-à-vis de ses clients et fournisseurs. Enfin, si la société allègue que l'aide en litige a été consentie au regard des perspectives de développement de sa filiale, elle ne produit aucun élément de nature à établir que, à la date à laquelle l'abandon de créance a été comptabilisé, celui-ci visait à sauvegarder les perspectives d'une augmentation de son propre chiffre d'affaires. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que l'abandon de créances litigieux ne constituait pas une aide commerciale déductible au sens et pour l'application des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts. Par conséquent, c'est à bon droit que le service a réintégré l'abandon de créances litigieux aux résultats de la société requérante pour la détermination de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016.

6. D'autre part, la SARL Electro Brest n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-BASE-50-10 relative notamment au régime fiscal des abandons de créances, qui ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Electro Brest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Electro Brest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Electro Brest et au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

O. COUVERT-CASTÉRA

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23NT004212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00421
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : OCTIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt00421 ?
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