La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2024 | FRANCE | N°23NT00976

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 22 mars 2024, 23NT00976


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de la Ferté-Macé a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé son retrait de la communauté d'agglomération Flers agglomération.



Par un jugement n° 2002424 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 avril 2023 et le 6

novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de la Ferté-Macé, représentée par Me Morice, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de la Ferté-Macé a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé son retrait de la communauté d'agglomération Flers agglomération.

Par un jugement n° 2002424 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 avril 2023 et le 6 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de la Ferté-Macé, représentée par Me Morice, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 février 2023 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé son retrait de la communauté d'agglomération Flers agglomération ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement attaqué n'a pas été signée ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'une omission à statuer s'agissant du moyen tiré de l'imprécision des données de l'Insee ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ; elle ne vise pas les voies et délais de recours ; la préfète aurait dû saisir préalablement à sa décision la commission départementale de coopération intercommunale et a méconnu les articles L. 5216-11 et L. 5211-45 du code général des collectivités territoriales en la privant d'une garantie substantielle ;

- le seuil de 50 000 habitants posé par l'alinéa 1er de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas opposable aux communautés d'agglomération qui ne sont pas issues de ce texte mais d'un régime dérogatoire, notamment issue de l'article 56 de la loi Chevènement ;

- le seuil démographique de l'alinéa 1er de l'article L. 5216-1 du code général des impôts est de 50 000 habitants et non pas 50 001 habitants ; l'imprécision des données de l'Insee ne permet pas de justifier le nombre d'habitants de la communauté d'agglomération de Flers lors du dernier recensement dès lors qu'elles comportent une marge d'erreur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il reprend les écritures de première instance de la préfète de l'Orne et que les moyens soulevés par la commune de la Ferté-Macé ne sont pas fondés.

Vu l'ordonnance n° 23NT00976 QPC du 17 avril 2023 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel a rejeté la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à la commune de La Ferté-Macé par l'ordonnance du 21 décembre 2022 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée à effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

La communauté d'agglomération Flers Agglomération, représentée par Me Vève, a présenté un mémoire le 26 février 2024, après clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Morice, avocat représentant la commune de La Ferté-Macé et de M. A..., maire de la commune de La Ferté-Macé.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de villes du Pays de Flers a été créée le 1er janvier 1994. Devenue " communauté d'agglomération de Flers " le 1er janvier 2000, en application de la loi du 1er juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, elle a intégré, au 1er janvier 2017, les communes de la communauté de communes du Bocage d'Athis, une partie des communes de la communauté de communes du Pays de Briouze ainsi que les communes de La Ferté-Macé, de Lonlay le Tesson et des Monts d'Andaine, sous la nouvelle dénomination " Flers Agglo ". Par une délibération du 21 septembre 2020, le conseil municipal de la commune de La Ferté-Macé a décidé de solliciter son retrait de " Flers Agglo " au 31 décembre 2020 sur le fondement de l'article L. 5216-11 du code général des collectivités territoriales et son intégration à la communauté de communes Andaine-Passais au 1er janvier 2021. Par une décision du 7 octobre 2020, la préfète de l'Orne a refusé de faire droit à sa demande de retrait au motif que ce retrait conduirait la communauté d'agglomération de Flers à passer sous un seuil inférieur à celui exigé par l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales. La commune de La Ferté-Macé relève appel du jugement du 3 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute de comporter ces signatures doit être écarté.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, ont répondu de manière suffisamment motivée aux points 3 à 5 de leur jugement au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales et au point 2 au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit dès lors être écarté.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) /. Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) ". Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

5. Il ressort des pièces de la procédure que, par une note en délibéré enregistrée le 30 janvier 2023, après l'audience tenue par le tribunal administratif de Caen le 19 janvier 2023, la commune de la Ferté-Macé a développé le moyen tiré de ce que les statistiques de recensement de l'INSEE admettent une marge d'erreur et que le préfet ne démontre pas qu'au jour de la décision contestée, son chiffrage du nombre d'habitants de la commune était bon. Ces écritures ne font état d'aucune circonstance de fait ou d'élément de droit dont la commune ne pouvait faire état avant la clôture d'instruction. Il suit de là que le moyen invoqué par la commune de la Ferté-Macé, tiré de l'irrégularité tenant au défaut de réponse des premiers juges à un moyen invoqué dans la note en délibéré du 30 janvier 2023, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, l'absence de mention des voies et délais de recours contre une décision administrative n'est pas de nature à entacher celle-ci d'illégalité.

7. En deuxième lieu, la commune de la Ferté-Macé ne peut utilement soutenir que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'il ne s'agit pas d'une décision individuelle défavorable, qu'ainsi elle n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qui sont invoquées et que la commune n'invoque aucune autre disposition dont résulterait l'obligation de motiver une telle décision.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5216-11 du code général des collectivités territoriales : " Par dérogation à l'article L. 5211-19, une commune peut être autorisée, par le représentant de l'Etat dans le département après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale réunie dans la formation prévue au second alinéa de l'article L. 5211-45, à se retirer d'une communauté d'agglomération pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l'organe délibérant a accepté la demande d'adhésion. L'avis de la commission départementale de la coopération intercommunale est réputé négatif s'il n'a pas été rendu à l'issue d'un délai de deux mois. / Ce retrait s'effectue dans les conditions fixées à l'article L. 5211-25-1 et ne peut avoir pour conséquence de faire passer la population de la communauté d'agglomération en-dessous des seuils mentionnés à l'article L. 5216-1. Il vaut réduction du périmètre des syndicats mixtes dont la communauté d'agglomération est membre dans les conditions fixées au troisième alinéa de l'article L. 5211-19 ". Aux termes de l'article L. 5211-45 du même code : " (...) / La commission départementale de la coopération intercommunale, consultée par le représentant de l'Etat dans le département sur toute demande de retrait (...) d'une communauté d'agglomération en application de l'article L. 5216-11 est composée de la moitié des membres élus par le collège visé au 1° de l'article L. 5211-43, dont deux membres représentant les communes de moins de 2 000 habitants, du quart des membres élus par le collège visé au 2° du même article L. 5211-43, et de la moitié du collège visé au 3° dudit article L. 5211-43. ". Enfin, aux termes de l'article L. 5216-1 du même code : " La communauté d'agglomération est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. (...) / (...) ". Ces dispositions subordonnent la possibilité de retrait qu'elles ouvrent au respect d'un certain nombre de conditions, et notamment de celle relative en particulier au seuil démographique qui s'impose aux communautés d'agglomération en vertu de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, seuil qui s'établit à plus de 50 000 habitants. Lorsque ces conditions sont satisfaites, elles laissent au préfet un large pouvoir d'appréciation pour autoriser ou non un projet de retrait.

9. D'une part, la seule circonstance que Flers Agglomération soit issue de la transformation d'une communauté de villes en communauté d'agglomération, par application de l'article 56 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, alors surtout que cet article prévoyait à cet effet une décision du conseil de communauté, respectant ainsi la liberté de celle-ci de s'administrer, ne saurait justifier que la condition du retrait de cette communauté tenant au respect du seuil démographique de plus de 50 000 habitants, en vertu des dispositions combinées des articles L. 5216-11 et L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, ne soit pas applicable à la commune de La Ferté-Macé.

10. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le moyen tiré de ce que la préfète a commis une erreur de droit en estimant que le seuil démographique applicable était de 50 001 habitants doit être écarté.

11. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'aux termes du recensement réalisé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) la commune de La Ferté-Macé comptabilisait, au 1er janvier 2020, 5 640 habitants et il ressort de la base nationale sur l'intercommunalité (BANATIC) de la direction générale des collectivités territoriales que la communauté d'agglomération de Flers comptabilisait 55 640 habitants. La commune de la Ferté-Macé ne produit aucune pièce tendant à établir que sa population serait inférieure à 5 640 habitants en mettant en cause de manière générale la précision des résultats statistiques issus des sondages alors au demeurant que l'INSEE explique dans un document de mars 2017 produit au dossier que l'imprécision sur la variable population diffère selon la commune considérée. Dans ces conditions, elle n'établit pas que la préfète de l'Orne aurait commis une erreur de fait en estimant que le retrait de la commune de La Ferté-Macé conduirait la communauté d'agglomération de Flers à passer sous un seuil inférieur à celui exigé par l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales.

12. Enfin, il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Orne se trouvait en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée compte tenu des seuils figurant à l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tiré de l'absence de consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de la Ferté-Macé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de la Ferté-Macé une somme au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de la Ferté-Macé est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Ferté-Macé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de l'Orne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00976
Date de la décision : 22/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL SYMCHOWICZ WEISSBERG ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-22;23nt00976 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award