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26/03/2024 | FRANCE | N°23NT00017

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 26 mars 2024, 23NT00017


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à la jeune C... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.



Par un jug

ement n° 2205186 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à la jeune C... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2205186 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2023, Mme C... A... et M. B... A..., représentés par Me Chaumette, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 24 mars 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans un délai de 15 jours dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 3 mai 1965 résidant régulièrement en France, a déposé une demande de regroupement familial en faveur de sa fille alléguée, Mme C... A... née le 22 juin 2000. Cette demande a été acceptée par une décision du préfet de police de Paris du 21 novembre 2019. La demande de visa de long séjour en qualité de bénéficiaire de la procédure de regroupement familial déposée pour l'intéressée a toutefois été rejetée par une décision de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) du 16 décembre 2019. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 24 mars 2021. Mme A... et M. A... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2022 rejetant leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Dakar, sur la circonstance que l'identité de la demanderesse de visa et partant, son lien familial avec M. A... n'étaient pas établis.

3. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision contestée : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".

4. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

5. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aujourd'hui repris à l'article L. 811-2 du même code, prévoit en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. Pour justifier de son identité, Mme A... a produit une copie intégrale d'acte de naissance n°809/2004 établie le 12 juillet 2019 sur transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu sous le n° 2809 le 30 juin 2004, qui n'est pas versé aux débats. Il ressort toutefois de l'attestation du greffier en chef du tribunal d'instance de Kedougou que ce jugement a été détruit, ainsi que d'autres archives, lors d'évènements survenus le 23 décembre 2008. Par ailleurs, si cet acte de naissance ne comporte pas certaines mentions relatives à la filiation de Mme A..., la copie littérale d'acte de naissance établie le 30 décembre 2022, comporte les dates de naissance ainsi que les professions des parents de la demanderesse de visa en exécution du jugement rectificatif n° 6004 rendu le 28 décembre 2022 par le tribunal de Kedougou. Cet acte d'état civil fait état de la naissance, le 22 juin 2000, de l'enfant C... A..., de M. B... A... et de Mme D.... Les mentions de l'ensemble de ces documents sont concordantes avec l'extrait du registre des actes de naissance ainsi qu'avec le livret de famille dûment coté et paraphé par l'officier de l'état civil dont l'authenticité n'est pas contestée par le ministre et qui qui fait foi de sa conformité avec les registres d'état civil en application de l'article 81 du code de la famille sénégalais, dont se prévaut la requérante. Alors que les parents de Mme A... résident tous deux en France, les circonstances invoquées par le ministre selon lesquelles un jugement de délégation de l'autorité parentale confiant Mme A... à un tuteur n'est pas produit et que la demande de regroupement familial a été présentée quelques mois avant la majorité de Mme A... ne sont pas de nature à établir le caractère non probant, irrégulier ou falsifié des actes d'états civils produits. Dans ces conditions, en estimant que l'identité de la demanderesse de visa et partant son lien familial avec M. A... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme C... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205186 du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 24 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme C... A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00017
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23nt00017 ?
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