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27/03/2024 | FRANCE | N°24NT00647

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, Juge des référés, 27 mars 2024, 24NT00647


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

16 octobre 2023 par lequel le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2306080 du 6 février 2024 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par u

ne requête et des mémoires enregistrée les 1er, 2 et 23 mars 2024, M. G... D..., représenté par Me Vervenne, demande au juge des réf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

16 octobre 2023 par lequel le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2306080 du 6 février 2024 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrée les 1er, 2 et 23 mars 2024, M. G... D..., représenté par Me Vervenne, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du 16 octobre 2023 par lesquelles le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours suivant l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- des doutes sérieux existent quant à la légalité des décisions du 16 octobre 2023 :

. l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu en l'absence de respect du délai prévu pour la réception des pièces et informations complémentaires ;

- l'article R. 5221-20 du code du travail a été méconnu, une autorisation ne pouvant être refusée en raison d'une erreur dans le numéro " étranger " ;

- l'article L. 114-8 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu faute de transmission des informations utiles entre administrations ;

- l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été violé ; la décision ne pouvait être prise avant que le délai d'instruction ne soit expiré ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme a été méconnu

- l'urgence est constituée dès lors que la décision en litige le place en situation irrégulière et fait obstacle à ce qu'il puisse travailler.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2024 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) le 25 mars 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n° 24NT00549 par laquelle M. D... a demandé l'annulation du jugement

n° 2306080 du 22 février 2024 par laquelle le tribunal a administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les observations de Me Pavy, substituant Me Vervenne, représentant M. D... qui a conclu aux mêmes fins que dans les écritures par les mêmes moyens et les observations de ce dernier.

La clôture de l'instruction a été reportée au 26 mars 2024 à 17 h.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant guinéen, né en 2002, est entrée irrégulièrement en France en 2018 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Finistère. Il s'est vu délivrer le 9 février 2022 une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable jusqu'au

8 février 2023. Le 11 janvier 2023, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et un changement de statut sur le fondement de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de pouvoir exercer une activité professionnelle. A cet effet, une demande d'autorisation de travail a été déposée par la société C... le 31 janvier 2023 en vue de la conclusion avec l'intéressé d'un contrat à durée déterminée. Le 9 mai 2023, cette même société a sollicité, afin de conclure avec l'intéressé un contrat à durée indéterminée, une autorisation de travail qui a été clôturée par les services en charge de la main d'œuvre étrangère. Le 28 juillet 2023, la société C... a présenté une nouvelle demande d'autorisation de travail portant le

n° 290002280720230167941. Les services en charge de la main d'œuvre étrangère lui ont demandé, le 8 août suivant, de fournir divers documents dans un délai de 14 jours. Par un courriel qui lui a été adressé le 11 août 2023, la société C... a été informée de la clôture de sa demande. Cette dernière a ensuite déposé, le 11 octobre 2023, une nouvelle demande d'autorisation de travail, portant le n°290002111020230231972. Les services chargés de la main-d'œuvre étrangère lui ont demandé de fournir divers documents dans un délai de 14 jours. Par ailleurs, M. D... s'est vu délivrer, le 31 août 2023, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 30 novembre 2023.

2. Par un arrêté du 16 octobre 2023, le préfet du Finistère a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour dont il était saisi par M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Le requérant demande que l'exécution de cet arrêté dont le tribunal administratif de Rennes, dans son jugement du 22 février 2024, n'a pas prononcé l'annulation, soit suspendue.

Sur les conclusions tendant à la suspension du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant de délivrer le récépissé d'une demande de titre de séjour d'apprécier et de motiver l'urgence, compte tenu de l'incidence immédiate du refus ainsi opposé sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour.

4. M. D... était titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " l'autorisant à travailler à titre accessoire, valable jusqu'au 8 février 2023. A l'occasion du renouvellement de ce titre, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " et doit ainsi être regardé comme ayant sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 16 octobre 2023 place le requérant dans une situation de précarité en faisant obstacle à ce qu'il puisse exercer régulièrement une activité professionnelle et subvenir à ses besoins. Par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " et aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes (...) Elle fixe un délai pour la réception de ces pèces et informations ".

6. En l'espèce, consécutivement au dépôt des demandes d'autorisation de travail présentées par la société C... les 28 juillet et 11 octobre 2023, un délai de 14 jours avait été imparti à la demanderesse pour qu'elle complète son dossier par la production de divers documents ou informations nécessaires à l'examen de ses demandes. Toutefois, l'instruction de ces demandes a été clôturée le 11 août 2023 s'agissant de la 1ère demande et le refus de titre de séjour en litige a été pris le 16 octobre 2023 avant même l'expiration du délai donné à la société pour fournir les éléments manquants.

7. Dans ces conditions, et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2023 de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet du Finistère du 16 octobre 2023 jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet du Finistère ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail valide jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir au fond, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Sur les frais liés au litige :

10. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe qui sera versée à Me Vervenne dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel le préfet du Finistère a refusé de délivrer à M D... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour autorisant son titulaire à travailler dans un délai de 15 jours suivant la notification de la présente ordonnance jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir au fond de la requête enregistrée sous le n° 24NT00549.

Article 3 : L'Etat versera à Me Vervenne la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions prévues aux articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Fait à Nantes le 27 mars 2024

La juge des référés Le greffier

Mme C. Brisson M. R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24NT00647
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Avocat(s) : VERVENNE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;24nt00647 ?
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