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29/03/2024 | FRANCE | N°22NT02214

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 22NT02214


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa demande du 25 juin 2019 tendant à reconnaître sa maladie comme étant imputable au service, puis, par des conclusions complémentaires présentées dans le cadre de la même instance, d'annuler l'arrêté du

24 novembre 2020 en tant que le préfet C... n'a reconnu sa maladie comme étant imputable au service qu'à compter du 2

5 juin 2019.



Par un jugement n° 1905231 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Renn...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa demande du 25 juin 2019 tendant à reconnaître sa maladie comme étant imputable au service, puis, par des conclusions complémentaires présentées dans le cadre de la même instance, d'annuler l'arrêté du

24 novembre 2020 en tant que le préfet C... n'a reconnu sa maladie comme étant imputable au service qu'à compter du 25 juin 2019.

Par un jugement n° 1905231 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de Mme B....

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel le préfet C... l'a placée en congé de longue durée du 19 mars au 25 juin 2019.

Par un jugement n° 2100371 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de Mme B....

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NT02214 le 11 juillet 2022, Mme A... B..., représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905231 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de reconnaissance de sa maladie comme imputable au service et la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le préfet C... l'a placée en congé de longue durée du 19 mars au 25 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer son dossier sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre depuis le

1er novembre 2017 est imputable au service ; il s'ensuit que c'est par une inexacte qualification juridique des faits que la reconnaissance de sa maladie professionnelle lui a été refusée et que l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2020 s'est borné à reconnaitre sa maladie comme étant imputable au service à compter du 25 juin 2019 et non antérieurement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 7 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... dirigées contre la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois sur la demande de reconnaissance comme maladie professionnelle de sa maladie, alors qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette décision, à laquelle s'était substituée une décision expresse de portée équivalente, en date du 24 novembre 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NT03051 le 17 octobre 2023, Mme A... B..., représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100371 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le préfet C... l'a placée en congé de longue durée du 19 mars au 24 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la placer en congé de maladie imputable au service du 19 mars au 25 juin 2019 ou de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 22NT02214.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024 le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le

n° 22NT02214.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les conclusions de M. Berthon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1958, nommée à compter du 1er septembre 1982 dans la fonction publique de l'Etat en qualité d'adjoint administratif au ministère de l'intérieur, a été affectée à la préfecture C... à partir du 1er mai 1992. Elle y a exercé à compter du 17 février 2003 des fonctions de rédactrice juridique, d'abord au sein du bureau des étrangers et de la nationalité, puis, à compter du 1er janvier 2006, au bureau de la réglementation et de la vie citoyenne, avant de devenir, à partir du 1er juillet 2013, assistante administrative de direction auprès du chef du service interministériel départemental des systèmes d'information et de communication (SIDSIC). Lors de ces différentes affectations, elle s'est plainte de conditions de travail dégradées, notamment au sein du bureau des étrangers et de la nationalité à la suite de l'arrivée d'un nouveau directeur en 2005, ce qui a justifié son changement d'affectation, et elle a exprimé des insatisfactions et doléances sur la charge de travail qui lui était imposée, la reconnaissance de son travail et le classement indemnitaire de son poste d'assistante administrative de direction au SIDSIC eu égard au grade dont elle était titulaire et des fonctions qui lui étaient confiées, présentant également à son administration une demande d'expertise de sa situation professionnelle qui a été implicitement rejetée. Elle a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail, notamment à la fin de l'année 2010 et au printemps 2011, puis, de manière continue à partir du 19 septembre 2017, et placée en congé de longue maladie puis de longue durée jusqu'au 18 mars 2020. Ayant demandé le 25 juin 2019 la reconnaissance de sa maladie comme étant imputable au service, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une première demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande née du silence gardé par l'autorité administrative pendant plusieurs mois, puis, par des conclusions complémentaires présentées dans le cadre de la même instance, elle a demandé l'annulation de la décision expresse finalement prise par le préfet C... dans un arrêté n° U13167970193128 du 24 novembre 2020 portant reconnaissance d'imputabilité au service, en tant que cet arrêté n'a reconnu comme étant imputable au service la pathologie dont elle est atteinte qu'à compter du 25 juin 2019 et non pour la période antérieure. Elle a ensuite ressaisi le même tribunal d'une nouvelle demande lui demandant d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté distinct n° U13167970193334 du 24 novembre 2020 par lequel le même préfet l'a placée en congé de longue durée du 19 mars au 24 juin 2019. Elle n'a toutefois pas obtenu satisfaction et, par deux requêtes enregistrées sous le n° 22NT02214 et le n°23NT03051, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, elle relève appel des jugements des 12 mai 2022 et 14 septembre 2023 par lesquels le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article [...] IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : [...] 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée ".

3. Mme B..., qui expose souffrir d'un syndrome d'épuisement professionnel imputable au service depuis le 1er novembre 2017, soutient que, dès lors, la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie ne pouvait lui être refusée ni l'arrêté litigieux du 24 novembre 2020 la placer en congé de longue durée du 19 mars 2019 au 24 juin 2019 sans que ces décisions ne soient entachées d'une erreur dans la qualification juridique des faits. Elle demande donc l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle l'administration a rejeté sa demande du 25 juin 2019 tendant à la reconnaissance de sa maladie comme maladie professionnelle, d'autre part, de l'arrêté du 24 novembre 2020 en tant que le préfet C... n'a reconnu sa maladie comme étant imputable au service qu'à compter du 25 juin 2019, et, enfin, de l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a placée en congé de longue durée du 19 mars au 24 juin 2019.

En qui concerne la décision implicite de rejet de la demande du 25 juin 2019 de

Mme B... :

4. Aux termes de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986 : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'administration dispose d'un délai : (...) 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. / Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas (...), d'examen par le médecin agréé ou de saisine du conseil médical compétent. (...) / Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'administration n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 47-2 et au dernier alinéa de l'article 47-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 47-9. ".

5. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque que le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a adressé au secrétaire général de la préfecture C..., le 25 juin 2019, un courrier dont il se déduit du contenu qu'il demandait la reconnaissance comme maladie professionnelle de l'affection justifiant l'arrêt de travail de l'intéressée et qui était accompagné du certificat médical délivré à celle-ci, à cette fin, par son médecin traitant. Cette demande n'ayant pas été présentée au moyen du formulaire de déclaration de maladie professionnelle prévu par l'article 47-2 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecin agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, Mme B... a été invitée à régulariser sa demande en ce sens, ce qu'elle a fait le 16 juillet 2019. Cette demande régularisée a ensuite été instruite et a exigé la réalisation de deux expertises et la consultation de la commission de réforme. Dans ces conditions, en application des dispositions citées au point 4, l'administration disposait non pas d'un délai de deux mois, mais d'un délai de cinq mois pour prendre sa décision. Si, en vertu des mêmes dispositions, l'agent devait être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'issue de ce délai puisque l'instruction de son dossier par l'administration n'était pas terminée, tel n'a pas été le cas en l'espèce, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née au plus tard le 17 décembre 2019. Toutefois, après une contre-expertise réalisée le 11 août 2020 à la demande de la commission de réforme, l'administration a pris une décision expresse, le 24 novembre 2020, qui s'est substituée à la décision implicite contestée par la requérante, sur laquelle, le 12 mai 2022, date du jugement attaqué, il n'y avait plus lieu de statuer. Ainsi, le tribunal administratif de Rennes, en rejetant les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision implicite, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il lui appartenait de statuer. Son jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il a statué sur ces conclusions.

7. Il y a lieu d'évoquer et de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de reconnaissance de sa maladie professionnelle, dès lors qu'elle est devenue sans objet au cours de la procédure de première instance n° 1905231 dans le cadre de laquelle elle était présentée, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requérante.

En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 24 novembre 2020 :

8. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Dès lors que sa maladie est reconnue comme imputable au service, l'agent a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service.

9. D'une part, les tableaux de maladies professionnelles visées aux articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale ne mentionnent pas la pathologie dépressive dont souffre Mme B... qui ne peut, dès lors, être présumée imputable au service.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, si la requérante est bien en arrêt de travail depuis le 1er novembre 2017, elle n'a produit un " certificat médical accident du travail-maladie professionnelle " établi par son médecin traitant que le 25 juin 2019, valable pour l'avenir pour une durée d'un mois, comportant l'indication qu'il s'agit d'un certificat " initial ", et mentionnant dans la rubrique " constatations détaillées " de la partie consacrée aux " renseignements médicaux " les indications " mal-être au travail / épuisement professionnel ANCIEN depuis sept. 2017 conjointement avec un état général dégradé et constaté par la médecine de prévention dont les tendinites / polyalgies / diabète / thyroïde ". Malgré ces indications constatant un mal-être et un épuisement " anciens " de l'intéressée dans le cadre professionnel et malgré l'indication manuscrite, dans plusieurs des arrêts de travail simples antérieurement délivrés à Mme B..., d'un " épuisement professionnel ", à côté néanmoins d'autres notations telles que " polyalgies ", " dépression réactionnelle " ou " pancréatite aiguë ", aucun arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident de service ne lui a été délivré par un médecin avant le 25 juin 2019 et aucune attestation médicale du médecin traitant de

Mme B... ou de tout autre médecin n'établit l'expression d'une maladie professionnelle avant cette date. Les experts qui ont reçu successivement Mme B..., le 30 septembre 2019 puis le 11 août 2020 à la demande de la commission de réforme, concluent dans le même sens à une maladie professionnelle, notamment le second, qui n'a pas retrouvé d'état psychiatrique antérieur, qui décrit un état dépressif et un tableau clinique comportant " un certain nombre d'éléments en faveur d'un état de stress post-traumatique ", qui " font partie des conséquences classiques des situations de harcèlement ", et affirme l'existence d'un " lien direct et essentiel entre les troubles et le travail ", sans indiquer toutefois ni repérer la date précise ou même approximative d'apparition de la pathologie professionnelle de la requérante. Le premier expert conclut toutefois à un terrain de personnalité rigide et interprétative " à propos de Mme B..., qui souligne elle-même être " une personne d'une nature hypersensible ". Et le second expert décrit une personnalité " qui semble s'organiser autour des axes suivants : rigidité avec difficulté de remise en question. Tendance à la méfiance, à la suspicion, voire interprétativité. Tendance à la revendication autour d'idées de préjudices, réels ou supposés ", et estime qu'il est " impossible de déterminer (...) si cette personnalité est la cause ou la conséquence de troubles qu'a présentés la patiente, à savoir, s'il s'agit d'une personnalité pré-morbide ou d'un remaniement dans la cadre d'un PTSD ". Par ailleurs, en dépit des vives insatisfactions qu'elle a pu exprimer depuis de nombreuses années s'agissant de ses conditions d'emploi et de l'absence de prise en compte et de reconnaissance de son travail dans l'évolution de sa carrière et du régime indemnitaire qui lui est accordé, la requérante n'établit pas, par les documents qu'elle produit, l'existence, au sein du service où elle était affectée, d'événements l'impliquant personnellement ou de conditions de travail telles que, pour la période antérieure au 25 juin 2019, elles auraient été de nature à susciter le développement de la maladie à l'origine de ses arrêts de travail et à constituer un environnement professionnel pathogène. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait inexactement qualifié les faits en la plaçant en congé de longue durée du 19 mars au 24 juin 2019 et en ne reconnaissant le caractère professionnel de sa maladie qu'à compter du 25 juin 2019.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet C... du 24 novembre 2020.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont est assortie la requête de Mme B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à cette fin par Mme B... ne peuvent, par suite, être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 mai 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande n° 1905231 de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite refusant à celle-ci la reconnaissance de sa maladie comme maladie professionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande n° 1905231 de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite refusant à celle-ci la reconnaissance de sa maladie comme maladie professionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet C....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 22NT02214, 23NT03051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02214
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;22nt02214 ?
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