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29/03/2024 | FRANCE | N°23NT01182

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 23NT01182


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2206716 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de Mme A...



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Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 avril, 12 juin, 10 décembre 2023, et le 8 mars 2024, ce dernier mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2206716 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de Mme A...

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 avril, 12 juin, 10 décembre 2023, et le 8 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme B... A..., représentée par Me Christophel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir, durant cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en droit et d'un défaut d'examen de sa demande de titre et de sa situation personnelle ; elle n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur les fondements des articles L. 421-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle ne remplissait manifestement pas les conditions, mais a demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code et, subsidiairement, la délivrance d'une carte de résident par application de l'article L. 426-17 de ce code ; sa situation de santé n'a pas été examinée alors qu'elle en avait fait état dans sa demande ; l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration a été violé ;

- la décision litigieuse a été prise en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obligeant l'autorité administrative à saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'elle était présente en France depuis plus de dix ans ;

- elle méconnaît l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obligeant l'autorité administrative à inviter tout demandeur à compléter sa demande si celle-ci est incomplète ;

- la décision attaquée a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que c'est en France que se situent l'essentiel de ses intérêts, tant au plan professionnel qu'au plan personnel et familial.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de titre de séjour implique l'illégalité de la décision attaquée ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du même code ;

- elle a été prise en violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle ne peut retourner en Côte-d'Ivoire, où elle craint pour sa vie au regard de sa situation médicale, en raison de l'impossibilité d'accès à un traitement effectif.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1982, est entrée en France le 24 octobre 2010, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable du 29 juin 2011 au 28 décembre 2011, renouvelée jusqu'au

15 mai 2012, puis elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 13 juillet 2012 au 12 juillet 2013 en raison de son état de santé, renouvelée deux fois par la suite, jusqu'au

11 novembre 2016 après que la cour administrative de Versailles, par un arrêt n° 14VE00715 du 30 juin 2014, a annulé l'arrêté du 16 octobre 2013 lui refusant ce renouvellement et l'obligeant à quitter le territoire français. Elle a sollicité, le 16 novembre 2016, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " visiteur ", sur le fondement de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un récépissé lui a été délivré et a été renouvelé pour la période allant du 21 décembre 2016 au 23 mars 2020, puis elle s'est vue délivrer par le préfet des Hauts-de-Seine une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " valable du 21 avril 2020 au 20 avril 2021. Ayant déménagé de Courbevoie (Hauts-de-Seine) à Angers

(Maine-et-Loire), elle a sollicité, le 28 avril 2021, auprès de la préfecture de ce dernier département, le renouvellement de ce titre à son échéance. En dernier lieu, elle a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour lors d'un rendez-vous dans cette préfecture le 22 novembre 2021, demande qu'elle a complétée le 23 novembre 2021 par l'envoi d'un courrier explicitant sa situation. Par un jugement du 1er mars 2023 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Mme A... produit à l'instance le formulaire type de demande de délivrance d'un titre de séjour qu'elle a présenté en préfecture, complété d'un courrier manuscrit, dont il ressort qu'elle a déposé une demande datée du 22 novembre 2021, par laquelle elle sollicitait le renouvellement, par " changement de statut ", du titre qui lui avait été précédemment délivré en qualité de " visiteur ". Cette demande, qui ne précise pas son fondement juridique, mentionne que l'intéressée " demande ce titre de séjour vie privée et familiale parce que cela fait 11 ans que je vis sur le territoire français et aussi pouvoir travailler pour vivre en toute sérénité ", comporte les informations relatives aux membres de la famille de Mme A..., composée de ses parents, d'un frère et d'une sœur, tous déclarés comme résidant hors de France, ainsi qu'aux emplois que l'intéressée a occupés en France et à la promesse d'embauche dont elle dispose. Elle comporte une dernière page, signée et datée par la requérante sous la rubrique " Demande de carte de résident (fondement L. 426-17 du CESEDA) ". Le courrier manuscrit qui la complète, après un rappel de la date d'arrivée en France de Mme A... et du fait qu'elle y est toujours soignée pour une drépanocytose qui a justifié que lui soient délivrés plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade, insiste sur l'impossibilité de travailler dans laquelle elle s'est trouvée eu égard au titre " visiteur " qui lui a été délivré en dernier lieu, sur le fait qu'elle a perdu pour cette raison l'emploi qu'elle occupait mais qu'elle a toujours travaillé depuis son entrée en France où elle est propriétaire d'un bien immobilier, et, enfin, sur la circonstance que, si elle n'y a aucun lien familial, elle est cependant attachée à la France où elle a " ses habitudes depuis onze ans ". Ce courrier, dont il est établi par l'instruction qu'il figurait dans le dossier administratif de

Mme A... à la préfecture, dont l'avocat de la requérante a pu recevoir une copie intégrale en réponse à sa demande de communication du 1er juin 2023, versée au dossier, et dont le préfet avait donc connaissance à la date à laquelle il a pris sa décision, s'achève par une phrase demandant à cette autorité de lui accorder " un titre de séjour résident [lui] permettant ainsi de travailler pour pouvoir vivre tout simplement ". Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que le préfet de Maine-et-Loire, qui s'est seulement estimé saisi d'une demande de titre " vie privée et familiale " ou " salarié ", sur les fondements des articles L. 423-23 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas statué sur la demande de carte de résident formée par Mme A.... Celle-ci est, par suite, fondée à demander l'annulation, pour ce motif, invoqué pour la première fois en appel, de la décision qu'elle conteste, qui ne fait au surplus aucune mention des problèmes de santé que la requérante évoquait dans sa demande de titre.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, et, par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination prises sur le fondement de ce refus.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

4. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de Mme A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, d'une part, de procéder à ce réexamen dans un délai qu'il y a lieu de fixer, dans les circonstances de l'espèce, à un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prévoir une astreinte en cas d'inexécution ou de retard d'exécution, et, d'autre part, de munir l'intéressée, durant cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 1er mars 2023 et l'arrêté du 21 avril 2022 du préfet de Maine-et-Loire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire, de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressée, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros en application des dispositions

Article 4 : le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01182
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CHRISTOPHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23nt01182 ?
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