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29/03/2024 | FRANCE | N°23NT01953

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 23NT01953


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et Mme C... A... ont saisi le tribunal administratif de Nantes du différend les opposant à la commune de Montbizot à propos d'une " modification des trottoirs pour PMR supprimant ainsi [leur] accès à [leur] cour via un " bateau-pavé " ".



Par une ordonnance n° 2304268 du 28 avril 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2023, 20 février 2024 et 7 mars 2024, M. B... A... et Mme C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont saisi le tribunal administratif de Nantes du différend les opposant à la commune de Montbizot à propos d'une " modification des trottoirs pour PMR supprimant ainsi [leur] accès à [leur] cour via un " bateau-pavé " ".

Par une ordonnance n° 2304268 du 28 avril 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2023, 20 février 2024 et 7 mars 2024, M. B... A... et Mme C... A..., représentés par Me Boidin, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leurs demandes tendant à l'annulation du refus de la commune de Montbizot de rétablir les lieux comme ils existaient auparavant et d'enjoindre au maire de cette commune de procéder à cette remise en état ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montbizot la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance attaquée n'est pas suffisamment motivée ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté la requête comme manifestement irrecevable, par une application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ils entendent reprendre l'intégralité des moyens de fait et de droit qu'ils ont articulés devant le tribunal administratif.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 novembre 2023 et le 1er mars 2024, la commune de Montbizot, représentée par Me Dupuy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants in solidum, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne souscrit pas aux conditions de recevabilité prévues aux articles R. 411-1 et R. 412-1 du code de justice administrative, faute de production et de désignation de la décision attaquée, que les conclusions indemnitaires ne sont pas chiffrées et que les requérants se contentent de se référer à leurs demandes de première instance, ce qui n'est pas suffisant ;

- à titre subsidiaire, l'ordonnance attaquée doit être confirmée dans sa régularité, dès lors qu'elle comporte une motivation suffisante, et dans son bien-fondé, dès lors que, comme l'a estimé l'auteur de cette ordonnance, la lettre d'information du 18 mai 2022 constituant l'acte attaqué par les requérants n'a pas le caractère d'une décision administrative leur faisant grief et que, par ailleurs, leur requête ne comporte aucune conclusion indemnitaire ;

- à titre très subsidiaire, en se bornant à déclarer reprendre l'intégralité de leurs moyens de fait et de droit articulés devant le tribunal administratif, les requérants ne mettent pas la cour en mesure d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'en outre, aucune demande indemnitaire n'est formulée ;

- en tout état de cause, les époux A... ne justifient d'aucun droit acquis à bénéficier d'un abaissement du trottoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Berthon,

- et les observations de Me Boidin, représentant M. et Mme A..., et E..., représentant la commune de Montbizot.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... et Mme C... A... sont propriétaires au F... à Montbizot (Sarthe) d'une propriété bâtie comportant une cour donnant accès à la rue D... par une porte située entre le n° 20 et le n° 22 de cette rue. Le trottoir comportait devant cette porte un passage surbaissé permettant de rejoindre plus facilement la chaussée de circulation automobile. Des travaux ont toutefois été entrepris par la commune, consistant à élargir et à surélever le trottoir pour améliorer et sécuriser le cheminement des piétons, et notamment celui des personnes à mobilité réduite. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Nantes, au moyen de l'application Télérecours citoyen, du différend les opposant à la commune de Montbizot à propos, selon leurs propres termes, d'une " modification des trottoirs pour PMR supprimant ainsi [leur] accès à [leur] cour via un " bateau-pavé " ". Par une ordonnance du

28 avril 2023, dont les requérants relèvent appel, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette requête pour irrecevabilité.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. La requête des consorts A... comporte une critique argumentée tant de la régularité de l'ordonnance attaquée que du bien-fondé de la mise en œuvre par le président de la

1ère chambre du tribunal administratif de Nantes des dispositions du 4° de l'article R. 422-1 du code de justice administrative permettant aux présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs de rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables. Elle est donc suffisamment motivée. La fin de non-recevoir opposée en appel ne peut, par suite, qu'être écartée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. En premier lieu, l'ordonnance attaquée comporte la citation du 4° de l'article R. 422-1 du code de justice administrative, mis en œuvre au cas d'espèce, permettant aux présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs de rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables, et celle de l'article R. 421-1 du même code, qui dispose que la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision. Elle rappelle ensuite les règles applicables pour saisir le juge d'une action indemnitaire recevable, et, en complément de celle-ci, en matière de travaux publics, d'une demande d'injonction tendant à ce qu'il soit mis un terme à un dommage ou trouvé une solution permettant d'en pallier les effets. Elle explique ensuite pourquoi la lettre du maire du 18 mai 2022 du maire de Montbizot ne peut être considérée comme constituant une décision administrative faisant grief, susceptible d'un recours contentieux devant le tribunal administratif. Elle expose enfin qu'à supposer que M. et Mme A... puissent être regardés comme demandant à la juridiction qu'il soit enjoint à la collectivité d'effectuer des travaux de modification du trottoir devant leur propriété, de telles conclusions, qui ne sont pas présentées en complément de conclusions indemnitaires, ne sont pas recevables. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée ne serait pas suffisamment motivée et, par suite, serait irrégulière ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ". L'article R. 421-1 du même code dispose que " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Enfin, aux termes de l'article R. 412-1 de ce code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ".

6. M. B... A... et Mme C... A... ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une " requête envers la mairie de la commune de Montbizot ", concernant la " modification des trottoirs pour PMR supprimant ainsi [leur] accès à [leur] cour via un

" bateau-pavé " ", dans laquelle ils exposent chronologiquement les difficultés qu'ils ont rencontrées, malgré l'intervention de l'association Que Choisir et celle d'un conciliateur, pour qu'il soit mis un terme par la collectivité à la dégradation de l'accès à leur propriété par la rue D....

7. Toutefois, en dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières, inapplicables en l'espèce, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'accueillir des conclusions tendant à d'autres fins que l'annulation d'une décision administrative en raison de son illégalité ou la condamnation d'une personne publique à verser une somme d'argent. Ainsi, le juge administratif ne peut donner des conseils ou un avis juridique à un justiciable, ni faire œuvre d'administrateur et se substituer aux administrations compétentes, ni intervenir lui-même activement et directement pour prendre en charge une situation considérée comme anormale par un administré, ni adresser des injonctions à une autorité administrative hormis dans le cas où cela est impliqué par l'annulation d'un acte administratif prononcée à titre principal. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal n'était saisi, d'une part, d'aucune requête par laquelle il serait expressément demandé à la juridiction d'annuler pour excès de pouvoir une décision administrative désignée et produite ou dont l'existence serait démontrée s'il s'agit d'une décision implicite résultant du silence gardé par l'administration sur une demande qui lui a été adressée. S'il est fait état, d'autre part, de nuisances causées par la réalisation des travaux publics communaux d'aménagement des trottoirs de la rue D... et de la modification souhaitable de ces travaux, les écritures des époux A... ne comportent aucune demande indemnitaire ni aucune demande, accessoire à celle-ci, tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune d'effectuer de nouveaux travaux pour mettre un terme ou remédier à ces nuisances. Ainsi, la requête des époux A..., irrecevable en raison de son objet même, et qui ne souscrit pas aux conditions de recevabilité rappelées au point 5, ne pouvait qu'être rejetée par le tribunal par application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative citées au point 4.

8. M. et Mme A... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande sur le fondement de ces dispositions.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre M. et Mme A... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Montbizot fondées sur les mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Montbizot présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et à la commune de Montbizot.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01953
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BOIDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23nt01953 ?
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