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29/03/2024 | FRANCE | N°23NT02411

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 23NT02411


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

8 avril 2022 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 j

uillet 1991.



Par un jugement n° 2301862 du 7 juillet 2023, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

8 avril 2022 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2301862 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. C... et a retiré à celui-ci le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2024, M. C..., représenté par Me Le Bourhis, demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il prononce, à son article 2, le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été précédemment accordée.

Il soutient que les premiers juges ont considéré à tort que sa demande était tardive et, par suite, irrecevable et que, dès lors, ils pouvaient juger que la procédure engagée était manifestement irrecevable et, pour ce motif, lui retirer l'aide juridictionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que, comme l'ont estimé les premiers juges, la requête de M. C... était tardive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les conclusions de M. Berthon.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2022 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il relève appel du jugement

n° 2301862 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Rennes, en tant seulement que ce jugement lui retire le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par une décision n° 2022/004142 du 29 septembre 2022 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Rennes.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.- Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".

3. D'autre part, l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes du 1er alinéa de l'article 56 du même décret : " La décision du bureau [d'aide juridictionnelle] est notifiée par le secrétaire du bureau (...) par lettre simple en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale et au moyen de tout dispositif permettant d'attester de la date de réception dans les autres cas (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré " et, en vertu du premier alinéa de l'article 69 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même, dans ce dernier cas, le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

4. Enfin, aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, en tout ou partie, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants : (...) ; / 4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée (...) manifestement irrecevable ; (...) ". Aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut intervenir en cours d'instance et jusqu'à un an après la fin de l'instance. Il peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. / Le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle, excepté dans le cas mentionné au 4° de l'article 50, où il est prononcé par la juridiction saisie ". Aux termes de l'article 65 du décret du 28 décembre 2020 : " Lorsque la procédure engagée par le bénéficiaire de l'aide a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable, le retrait est prononcé par la juridiction saisie qui en avise le bâtonnier et le bureau d'aide juridictionnelle. / Le retrait entraîne l'obligation, pour le bénéficiaire, de rembourser le montant de la contribution versée par l'Etat ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 8 avril 2022 du préfet du Morbihan en litige, régulièrement notifié à M. C... le 14 avril 2022, comportait la mention des voies et délais de recours. Il ressort de ces mêmes pièces que M. C... a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 10 mai 2022, soit dans le délai de recours contentieux de trente jours, et que cette demande a fait l'objet d'une décision d'admission totale le 29 septembre 2022. La demande d'aide juridictionnelle a ainsi interrompu le délai de recours contentieux, qui a recommencé à courir à la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle. Si cette décision comporte un tampon avec la mention " copie certifiée conforme notifiée le 3 octobre 2022 ",

M. C... fait valoir qu'elle lui a été notifiée par courrier simple et que la date figurant sur le tampon correspond seulement à la date à laquelle elle lui a été adressée. Dès lors que la date certaine de notification de la décision du 29 septembre 2022 admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale n'est pas établie ni ne ressort des pièces du dossier, et alors même que l'appelant n'apporte aucune précision ou explication sur la date et les circonstances de la réception par lui de cette décision, le délai de recours contentieux de trente jours dont disposait l'intéressé pour contester l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme ayant expiré le 5 avril 2023, date à laquelle le recours de M. C... a été enregistré devant le tribunal administratif. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a considéré que sa demande était manifestement irrecevable et, pour ce motif, a fait application des dispositions des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoyant qu'en une telle hypothèse, le retrait de l'aide juridictionnelle accordée au justiciable est prononcé par la juridiction saisie.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2301862 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des

outre-mer et à Me Le Bourhis.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan, à la bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Rennes et au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Rennes.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02411


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02411
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23nt02411 ?
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