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09/04/2024 | FRANCE | N°23NT00313

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 09 avril 2024, 23NT00313


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... et Mme D... épouse C..., agissant au nom de leur enfant A... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Annaba et Constantine (Algérie) refusant de délivrer à l'enfant A... C... un visa de long séjour dit de retour.




Par un jugement n° 2204187 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... épouse C..., agissant au nom de leur enfant A... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Annaba et Constantine (Algérie) refusant de délivrer à l'enfant A... C... un visa de long séjour dit de retour.

Par un jugement n° 2204187 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour dit de retour dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2023 le ministre de l'intérieur et des Outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- l'enfant A... C... ne pouvait se voir délivrer un visa de retour dès lors qu'il ne disposait plus de droit au séjour sur le territoire français ;

- les intérêts de l'enfant A... C... et de ses parents se trouvent en Algérie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mars et 22 novembre 2023, M. B... C... et Mme D... épouse C..., agissant au nom de leur enfant A... C..., représentés par Me Bochnakian, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Par un courrier du 14 mars 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête eu égard à la délivrance d'un visa d'établissement à l'enfant A... C....

Par un mémoire enregistré le 18 mars 2024, le ministre de l'intérieur a produit des observations en réponse au courrier du 14 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les observations de Me Bochnakian, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune A... C..., ressortissant algérien né en France le 6 janvier 2011, qui résidait sur le territoire français sous couvert d'un titre d'identité républicain pour étranger mineur né en France, est retourné en Algérie en 2019. Il a sollicité le 16 décembre 2021 la délivrance d'un visa de long séjour dit de retour auprès des autorités consulaires françaises à Annaba et Constantine (Algérie), qui ont rejeté cette demande par une décision du 30 décembre 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement de ce tribunal du 5 décembre 2022 annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Annaba et Constantine, sur la circonstance que l'enfant A... C... ne justifie pas d'un droit au retour sur le territoire français.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant A... C... est né en France le 6 janvier 2011 et résidait sur le territoire français à Brignoles (Var), où il était scolarisé jusqu'au 8 juillet 2017. Il bénéficiait, à ce titre, d'un titre d'identité républicain pour étranger mineur né en France, valable du 12 mai 2016 au 11 mai 2021. Alors que l'enfant a séjourné en Algérie au cours des années 2018 et 2019, il est constant qu'à l'issue de son dernier séjour, l'intéressé n'a pu regagner la France, en raison de l'épidémie de " Covid 19 " ayant conduit à la fermeture des frontières de l'Algérie du 17 mars 2020 au mois de juin 2021. Le titre d'identité républicain pour mineur étranger de l'enfant A... C... a ainsi expiré sans qu'il puisse le renouveler. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. C..., père de l'enfant, résidait, à la date de la décision attaquée, sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence d'algérien valable jusqu'au 26 septembre 2029, et que sa mère, qui réside aux côtés de son fils depuis son retour en Algérie, est également titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 4 août 2030. Les deux frères du demandeur de visa résident également régulièrement sur le territoire français sous couvert de certificats de résidence d'une durée de 10 ans. Par suite, et sans qu'y fasse obstacle les circonstances que l'enfant A... C... ne justifiait pas d'un droit au retour sur le territoire, en refusant de lui délivrer le visa sollicité, la commission de recours a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France à Annaba et Constantine du 30 décembre 2021 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... C... et à Mme D... épouse C....

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLe rapporteur,

La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00313
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BOCHNAKIAN LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23nt00313 ?
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