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23/04/2024 | FRANCE | N°23NT00474

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 23 avril 2024, 23NT00474


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A..., Mme E... A..., agissant en leurs noms et en tant que représentants légaux de leur fils D... A..., ainsi que Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du

8 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Dacca (Bangladesh) refusant de délivrer à Mme C

... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., Mme E... A..., agissant en leurs noms et en tant que représentants légaux de leur fils D... A..., ainsi que Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du

8 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Dacca (Bangladesh) refusant de délivrer à Mme C... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2204477 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 février, 27 mars, 9 avril et 16 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., Mme E... A..., agissant en leurs noms et en tant que représentants légaux de leur fils D... A..., ainsi que Mme C... A..., représentés par Me Gueguen, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 décembre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de

15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans un délai d'un mois, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance, par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, de l'étendue de sa compétence ;

- Mme C... A... était âgée de moins de 19 ans à la date de la demande de réunification familiale ;

- la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance, dont il produit une copie.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 2 février 1968, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 10 juin 2015 par la cour nationale du droit d'asile. Sa femme, Mme A... et ses deux enfants Mme C... A... et le jeune D... A..., nés respectivement le 6 novembre 1999 et le 3 août 2005, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par une décision du 8 juillet 2021, les demandes ont été acceptées en ce qui concerne Mme A... ainsi que le jeune D... A..., tandis que la demande de Mme C... A... a été rejetée par l'autorité consulaire à Dacca (Bangladesh). Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 8 décembre 2021. M. et Mme A..., ainsi que Mme C... A... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 23 décembre 2022 rejetant leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Dacca, sur la circonstance que Mme C... A... était âgée de plus de dix-neuf ans à la date d'introduction de la demande de réunification familiale.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2009, a été admis au bénéfice du statut de réfugié le 10 juin 2015 et a, dès 2017, manifesté sa volonté d'être rejoint par sa femme et leurs deux enfants. Ces derniers ont sollicité la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale en 2020. Toutefois, seule sa femme et son fils se sont vus délivrer les visas sollicités le 19 juillet 2021 et sont entrés en France le 1er octobre 2021 alors que Mme C... A..., âgée de plus de 19 ans à la date de la décision contestée, s'est vu, pour ce motif, opposer un refus. L'ensemble de la cellule familiale à l'exception de Mme C... A... vit donc désormais en France. Dans ces conditions la décision contestée a pour effet d'isoler brusquement Mme C... A..., jeune majeure, de sa mère et de son frère dont il n'est pas contesté qu'elle a toujours vécu avec eux ainsi que de son père qui, du fait de son statut de réfugié, ne peut se rendre au Bangladesh où elle réside. Par suite, la décision de la commission de recours porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la demanderesse de visa et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme C... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme C... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Gueguen dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204477 du 23 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 8 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme C... A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Gueguen une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme E... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00474
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : GUEGUEN MORGANE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;23nt00474 ?
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