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03/05/2024 | FRANCE | N°22NT02993

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 03 mai 2024, 22NT02993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.



Par un jugement n° 2203688 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de N

antes a annulé la décision du 18 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.

Par un jugement n° 2203688 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme A... le visa sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des

outre-mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était fondée à refuser le visa sollicité et n'a pas commis d'erreur de droit ou d'appréciation en estimant que le projet d'études de Mme A... était dépourvu de caractère sérieux et qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n°2008-1176 du 13 novembre 2008 ;

- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., la décision du 18 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par cette dernière contre la décision des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiante. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. (...) / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par (...) les étudiants dans les meilleurs délais (...) ".

3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission. ".

4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande présentée pour l'octroi d'un visa de long séjour sollicité pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.

5. Le point 2.4 de l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019, intitulé

" Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. ".

6. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

7. Pour rejeter le recours de Mme A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que la date limite de rentrée à l'ESI Green et Social Business School de Boulogne Billancourt étant dépassée, la demande de visa pour études de Mme A... était devenue sans objet, d'autre part, de ce que cette dernière n'avait pas fourni la preuve de ce qu'elle disposait de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant le séjour en France, enfin, de ce qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa sollicité pour études, à des fins migratoires.

8. En premier lieu, le ministre de l'intérieur a admis que les deux premiers motifs de la décision de la commission de recours, tirés, d'une part, de ce que la demande de visa pour études était devenue sans objet, d'autre part, de ce que les ressources de Mme A... étaient insuffisantes pour couvrir les frais de son séjour en France étaient erronés.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que

Mme A..., qui est titulaire d'un master (BAC +5), en biologie, spécialité Sciences Pharmacologiques délivré le 30 janvier 2019 par l'université des sciences et de la technologie d'Alger, et est employée, depuis 2020, par le département " qualité " d'une entreprise pharmaceutique en tant qu'assureur qualité, a été admise, le 13 septembre 2021, en 2ème année de mastère en management du développement durable, par l'ESI Green et Social Business School, à Boulogne Billancourt, pour l'année 2021-2022. Si le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir que Mme A... dispose déjà d'un diplôme de master et que celui proposé par l'ESI Green et Social Business School n'a pas le caractère d'un diplôme reconnu par le ministère en charge de l'enseignement supérieur, mais seulement d'un titre professionnel inscrit au répertoire national des certifications professionnelles, le service de la coopération et de l'action culturelle (SCAC) a estimé que le projet de l'intéressée, consistant à obtenir un autre master " plus spécialisé et professionnalisant " était cohérent avec son objectif professionnel d'accéder, au sein du groupe Saidal, à des fonctions d'ingénieur qualité HSE que ne lui ouvre pas son seul diplôme de biologie. Il ressort également des pièces du dossier et notamment du contenu de l'avis rendu par le SCAC que Mme A... justifiait de bonnes aptitudes académiques et linguistiques, " d'une expérience pratique appréciable ainsi que d'un objectif professionnel clair ". Il est vrai que le SCAC a, malgré tout, émis un avis défavorable sur le projet de l'intéressée au motif qu'elle ne s'est pas montrée suffisamment informée sur les statuts de l'ESI Green et Social Business School ainsi que sur les diplômes délivrés par cet établissement. Toutefois, eu égard aux perspectives professionnelles que la formation dispensée par cette école est susceptible d'apporter à Mme A..., son projet d'études ne peut être regardé comme dépourvu de caractère sérieux et cohérent. Par ailleurs, il ressort de l'attestation d'inscription délivrée le 13 septembre 2021 par cet établissement qu'une arrivée tardive était possible jusqu'au 28 février 2022. Dans ces conditions, les circonstances qu'en parallèle de ses démarches auprès de cette école, Mme A... a signé, le 18 octobre 2021, un avenant prorogeant d'un an son contrat de travail à durée à déterminée en Algérie et qu'elle n'a sollicité la délivrance d'un visa étudiant que le 13 décembre suivant, ne permettent pas de remettre en cause la réalité de son projet. Au regard du caractère sérieux et cohérent de celui-ci, les circonstances que Mme A... est célibataire et que sa sœur, de nationalité française, réside en France ne suffisent pas à établir l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa sollicité pour études, à des fins migratoires. Dès lors, en refusant de délivrer le visa sollicité pour études au motif qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa sollicité à des fins migratoires, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 18 mars 2022.

D E C I D E:

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02993
Date de la décision : 03/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : MEGHERBI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-03;22nt02993 ?
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