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03/05/2024 | FRANCE | N°22NT03640

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 03 mai 2024, 22NT03640


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 avril 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante.



Par un jugement n° 2205690 du 26 septembre 2022, le tribun

al administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 avril 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante.

Par un jugement n° 2205690 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme B... le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des

outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le projet d'études de l'intéressée ne présente pas de caractère sérieux et cohérent ;

- la demandeuse de visa qui n'allègue pas s'être acquittée de l'intégralité des frais d'inscription, ne justifie pas disposer de ressources lui permettant d'assurer le paiement des droits d'inscription ainsi que l'ensemble des frais inhérents à son séjour en France ;

- elle ne justifie pas davantage disposer d'un logement ;

- célibataire, âgée de 20 ans et ne faisant état d'aucune attache matérielle et financière dans son pays d'origine, il existe un risque de détournement de l'objet de visa.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 12 mai 2001, a demandé la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante. Par une décision du 17 février 2022, l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) a rejeté sa demande. Par une décision du 14 avril 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé à l'encontre de la décision consulaire. Par un jugement du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., la décision du 14 avril 2022 de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à l'intéressée, le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois (...) en qualité (...) d'étudiant (...) et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24 ".

3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".

4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article

L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.

5. L'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 dispose dans son point 2.1, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études " : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France ". Le point 2.2 de cette instruction, intitulé

" L'étranger doit justifier qu'il disposera de ressources suffisantes pour couvrir ses frais d'études " indique : " L'étranger doit apporter la preuve qu'il dispose de moyens d'existence suffisants pour la durée de validité du visa de long séjour pour études. Ces ressources doivent être équivalentes, pour l'ensemble de la période concernée, au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français, soit 615 euros en 2019. ". Dans son point 2.4 intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", cette même instruction indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études ". Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour refuser de délivrer le visa sollicité, sur les motifs tirés de ce que la demande de visa pour études est devenue sans objet, la date de rentrée universitaire étant dépassée, de ce que les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour en France étaient incomplètes et non fiables et de ce qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa compte tenu de la situation personnelle de la demandeuse de visa.

7. A l'appui de sa demande de visa pour études, Mme B..., titulaire d'un baccalauréat scientifique obtenu en 2018, a fourni le justificatif de pré-inscription en première année de classe préparatoire " Fast Track IT et Digitale " au sein de l'école privée des sciences informatiques (EPSI) de Paris, pour l'année scolaire 2022/2023, en vue de préparer le diplôme " administrateur système réseaux et bases de données ". Mme B... a justifié son projet d'études par la volonté d'approfondir ses connaissances en informatique afin d'ouvrir à terme, dans son pays d'origine, en qualité d'ingénieur système d'informations et bases de données une structure de conseil en administration, organisation et sécurisation des bases de données dans le domaine de la santé. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être contredit, que la formation pour laquelle le visa a été sollicité correspond à une classe préparatoire à un parcours de formation de niveau 6 non diplômant et dont la certification n'a pas été renouvelée. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, après s'être inscrite, en 2019, en première année de licence en sciences économiques et politiques à l'université de Yaoundé, a entamé, en 2020, un cursus en informatique auprès d'une université chinoise dont elle n'a pu valider, en raison du contexte sanitaire lié au Corona virus, que la première année avant de s'inscrire, en 2021, à nouveau en première année de licence en informatique à l'université de Yaoundé. Dans ces conditions, Mme B... ne peut être regardée comme justifiant du caractère cohérent et sérieux de son projet d'études. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer à Mme B... le visa sollicité en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision de la commission de recours, sur ce que, Mme B... justifiant du caractère sérieux et cohérent des études envisagées, cette décision était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

9. Aux termes de l'article D. 312-3, dans sa rédaction applicable au litige : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 : " La commission instituée à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé siège à Nantes. Toutefois, à titre transitoire, elle peut également siéger à Paris jusqu'au 31 mars 2010. Elle se réunit sur convocation de son président. / Elle délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ".

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la feuille d'émargement produite par le ministre de l'intérieur en première instance, que la commission de recours s'est réunie, en sa séance du 14 avril 2022, en présence de son président et de trois de ses membres. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours manque en fait et doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., la décision du 14 avril 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a fait injonction de délivrer le visa sollicité.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03640
Date de la décision : 03/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. BRECHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-03;22nt03640 ?
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