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13/05/2024 | FRANCE | N°23NT03312

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 mai 2024, 23NT03312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300499 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e, enregistrée le 16 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Tsaranazy, demande à la cour :



1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300499 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Tsaranazy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges et le préfet du Calvados ont méconnu les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte contesté ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. B... est tardive ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure civile, et notamment son article 642 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tchadien, né le 3 février 1992, est entré en France le 10 octobre 2010, muni d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 18 janvier 2023, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 12 mai 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Calvados à la requête de M. B... :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour notifiées avec une obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande (...) / Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente. ". Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Par suite, alors que ces dispositions ne s'y opposent pas, le délai de recours d'un mois prévu à l'article R. 776-9 du code de justice administrative présente le caractère d'un délai franc. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application des règles définies à l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant.

3. Il ressort du dossier d'instruction que le jugement attaqué a été régulièrement notifié, par voie postale, à M. B..., le 24 mai 2023. Par suite, le 25 juin 2023 étant un dimanche, le délai d'un mois mois imparti par l'article R. 776-9 du code de justice administrative n'était pas expiré à la date d'enregistrement de sa requête d'appel au greffe de la cour. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Calvados, tirée de la tardiveté de cette requête au motif que M. B... a saisi trop tard le bureau d'aide juridictionnelle, doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'adresse figurant sur la carte nationale d'identité de sa compagne et des factures d'achats alimentaires produites en première instance, que M. B..., qui a conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 15 janvier 2021 avec date d'effet à l'égard des tiers le 16 septembre 2021, avec une ressortissante française, entretenait avec cette personne une relation réelle et stable depuis au moins le mois d'août 2020, soit depuis plus de deux ans et quatre mois à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté qu'il réside en France depuis le 10 octobre 2010, quand bien même il n'avait pas vocation à y rester après ses études, qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 19 février 2021 à laquelle il n'a pas déféré et que ses parents vivent au Tchad, le préfet du Calvados a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en prenant l'arrêté contesté et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 18 janvier 2023 lui refusant le titre de séjour sollicité, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados, dans un délai de deux mois, à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an en application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros hors taxe au profit de Me Tsaranazy, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé l'admission au séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B..., dans un délai de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an en application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me Tsaranazy la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Tsaranazy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03312
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : TSARANAZY NOMENJANAHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;23nt03312 ?
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