La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/1990 | FRANCE | N°89PA00089

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 26 juin 1990, 89PA00089


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société anonyme Dumez-Bâtiment ;
Vu la requête présentée pour la société anonyme Dumez-Bâtiment dont le siège social est ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'

Etat le 28 mars 1986 ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :
...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société anonyme Dumez-Bâtiment ;
Vu la requête présentée pour la société anonyme Dumez-Bâtiment dont le siège social est ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 mars 1986 ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n°13416/6 en date du 17 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris, en réparation du préjudice résultant des désordres affectant les bâtiments du C.E.S. Gustave Z..., a) l'a condamnée à verser à la commune de Romainville (Seine-Saint-Denis), d'une part, la somme de 236.711,16 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981 et, d'autre part, conjointement et solidairement avec Messieurs Y... et A..., architectes, la somme de 347.685,50 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981 ; b) a mis à la charge conjointe et solidaire de la société requérante et desdits architectes les frais d'expertise d'un montant de 120.089,61 F ; c) l'a condamnée à garantir les architectes à concurrence de 90 % des condamnations prononcées contre eux ;
2°) de rejeter l'action de la ville de Romainville ;
3°) à titre, subsidiaire, de limiter au maximum à 10 % le montant des condamnations au titre de sa propre responsabilité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, modifiée notamment par la loi n° 85-97 du 29 janvier 1985 ;
Vu le décret n° 85-348 du 20 mars 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 12 juin 1990 :
- le rapport de M. Jean-Antoine, conseiller,
- les observations de Me Dufour avocat à la cour, substituant Me B..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la ville de Romainville,
- et les conclusions de M. Loloum, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Romainville a fait construire le collège Gustave Courbet dont la maîtrise d'ouvrage a été confiée à la direction départementale de l'équipement de la Seine-Saint-Denis ; que par un marché en date du 22 septembre 1972 la société "Sceper" a été chargée de la construction ; que par un contrat du 5 décembre 1972 les études, la coordination du contrôle et de la surveillance des travaux ont été confiées au groupement d'architectes "Atelier d'urbanisme et d'architecture Y... et Deroche" ; qu'à la suite de divers désordres constatés dans l'immeuble après la réception des travaux, d'une part, la société Dumez-Bâtiment qui vient aux droits de la société "Sceper", a été condamnée à payer à la commune de Romainville une somme de 238.711,16 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981, et d'autre part, ladite société et les architectes MM. Y... et A... ont été condamnés conjointement et solidairement à payer à la commune la somme de 347.685,50 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981 ainsi que les frais d'expertise ; qu'en outre, la société Dumez-Bâtiment a été condamnée à garantir les architectes à concurrence de 90 % de la condamnation conjointe et solidaire précitée ; que la société Dumez-Bâtiment forme appel de ce jugement ; que la commune de Romainville et les architectes forment respectivement appel incident et appel provoqué de ce même jugement ;
Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident présentées par la commune de Romainville :
Considérant qu'aux termes de l'article 14-II de la loi du 22 juillet 1983 modifiée notamment par la loi du 25 janvier 1985, relative au transfert de compétences en matière d'enseignement public : "Le département a la charge des collèges" ; que l'article 14-1-I de la même loi précise : "Les biens meubles et immeubles sont de plein droit, à compter de la date du transfert de compétences, mis à la disposition du département à titre gratuit. Le département assume l'ensemble des obligations du propriétaire ... Il agit en justice aux lieu et place du propriétaire ..." ; qu'en vertu des dispositions de l'article 4 du décret du 20 mars 1985, les dispositions de l'article 14-1 de la loi modifiée du 22 juillet 1983 entrent en vigueur le 1er janvier 1986 pour ce qui concerne la prise en charge notamment des grosses réparations et du fonctionnement des établissements transférés au département ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, depuis le 1er janvier 1986, le département de la Seine-Saint-Denis a seul qualité pour présenter des conclusions relatives aux désordres affectant le collège Gustave Courbet de Romainville et que la commune de Romainville n'a plus qualité pour agir en justice ; que par suite les conclusions d'appel incident présentées le 23 décembre 1986 par cette commune sont irrecevables ;
Sur les conclusions de la société Dumez-Bâtiment et des architectes MM. Y... et A... :
En ce qui concerne la péremption de l'action en garantie décennale :

Considérant que dans sa demande introductive d'instance du 27 mars 1981 devant le tribunal administratif, la commune de Romainville a fait état des circonstances que "depuis la réception, des désordres provenant d'infiltrations notamment par les terrasses affectent l'étanchéité des bâtiments et les rendent impropres à leur destination. Ces désordres affectent également les menuiseries extérieures et créent un risque d'incendie" ; que la commune a ainsi entendu viser les infiltrations d'eau pluviale affectant l'ensemble des bâtiments formant le collège y compris le bâtiment-atelier ; qu'en ce qui concerne ces désordres, la demande a été présentée avant l'expiration du délai de la garantie décennale imparti par les articles 1792 et 2270 du code civil, lequel délai à commencé à courir à compter de la réception définitive des travaux en date du 17 juillet 1974 ; que, par suite, les constructeurs ne sont pas fondés à soutenir que, pour ces désordres, l'action en garantie décennale de la commune était prescrite ;
Considérant, en revanche, qu'en ce qui concerne les désordres résultant de fuites de gaz et d'écrasements de fils électriques sous plafonds, la commune n'a fait utilement état de ceux-ci pour la première fois que dans un mémoire du 25 avril 1985, présenté devant le tribunal administratif et postérieur à la date d'expiration du délai de garantie décennale ; qu'en tout état de cause la société Dumez-Bâtiment est recevable à invoquer pour la première fois en appel cette forclusion de l'action décennale ; qu'en outre, le délai d'action n'a été interrompu ni par les correspondances adressées par l'administration aux constructeurs avant la saisine du juge, ni par une intervention ponctuelle en 1977 ayant pour objet des reprises limitées et qui, en l'espèce, n'a pas eu la nature d'une reconnaissance de responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont, d'une part, condamné la société requérante à payer à la commune de Romainville une somme de 238.711,16 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981 en réparation des 2/3 des conséquences dommageables dues aux fuites de gaz et, d'autre part, condamné conjointement et solidairement ladite société et les architectes MM. Y... et Deroche à payer à la commune une somme de 32.116,88 F avec intérêts à compter du 27 mars 1981 en réparation des désordres relatifs à l'installation électrique ;
En ce qui concerne l'étanchéité de la couverture du bâtiment-atelier :
Considérant que chacun des constructeurs dont la responsabilité est recherchée par le maître de l'ouvrage en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil n'est fondé à demander que sa responsabilité soit écartée ou limitée que dans la mesure où les désordres litigieux ne lui sont pas imputables ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les phénomènes de corrosion avec infiltration des eaux pluviales qui affectent la couverture du bâtiment-atelier du collège rendent, par leur importance et leur généralisation, cet immeuble impropre à sa destination et sont de nature à donner lieu à la garantie décennale ; que cette couverture a été réalisée selon un procédé préindustriel récemment introduit sur le marché dit en "coques M" et réalisé en acier patinable de type "corten" ; que cette couverture bien que posée suivant les normes recommandées par le fournisseur a été installée, comme l'a relevé l'expert, avec une pente insuffisante des gouttières d'écoulement des eaux, laquelle est à l'origine des désordres ; que ceux-ci ont été aggravés par l'absence d'entretien périodique de la toiture par le maître d'ouvrage ; que le choix de ce procédé et des matériaux est imputable à l'architecte ; qu'il en est de même de la réalisation de l'ouvrage avec une pente insuffisante ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que les dommages qui affectent la couverture soient imputables à l'entrepreneur lors de l'exécution des travaux ni que ce dernier ait participé à la conception de l'ouvrage, alors que des normes techniques précises n'ont été diffusées par la commission des avis techniques du Centre scientifique et technique du bâtiment que le 18 novembre 1976 ; que, par suite, seule la responsabilité décennale des architectes est engagée en l'espèce, alors même que le procédé mis en oeuvre aurait été recommandé par le ministère de l'éducation nationale ; que toutefois, compte tenu de la vétusté de l'ouvrage et de l'absence totale d'entretien de la part du maître de l'ouvrage, il y a lieu de condamner les architectes à réparer la moitié du coût des travaux de remise en état évalués par l'expert à 631.137,25 F, soit une somme due à la commune de Romainville de 315.568,62 F augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter du 27 mars 1981, date du dépôt de la requête devant le tribunal administratif ;
Sur l'appel de garantie :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute n'a été commise par la société Dumez-Bâtiment lors de l'exécution de la couverture du bâtiment ; que, par suite la demande d'appel en garantie formée par les architectes à l'encontre de la dite société n'est pas fondée ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge des MM. Y... et Deroche la moitié des frais d'expertise, l'autre moitié étant supportée par la commune de Romainville ;
Article 1er : MM. Y... et A... sont condamnés à verser à la commune de Romainville une somme de 315.568,62 F portant intérêt au taux légal à compter du 27 mars 1981.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 120.089,61 F sont répartis pour moitié, d'une part, à la charge de la commune de Romainville et, d'autre part, à la charge de MM. Y... et Deroche.
Article 3 : Les articles 2 à 6 du jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 1985 sont annulés.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et des recours incidents et provoqué est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89PA00089
Date de la décision : 26/06/1990
Sens de l'arrêt : Indemnité
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - INSTRUCTION - Obligation de communiquer un moyen d'ordre public - Absence - Incidence du transfert des compétences en matière d'enseignement public (loi du 22 juillet 1983 modifiée) (1).

39-08-02, 54-04-03-01 Lorsque le transfert des compétences en matière de collèges d'enseignement intervient postérieurement au jugement du tribunal administratif et avant l'appel formé par l'entreprise condamnée en garantie décennale, le juge d'appel, tout en rejetant les conclusions incidentes de la commune pour défaut de qualité à agir, ne communique pas d'office la procédure au département intéressé (sol. impl.).

- RJ1 PROCEDURE - INSTRUCTION - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE LA PROCEDURE - COMMUNICATION DES MEMOIRES ET PIECES - Personnes devant être mises en cause - Incidence de la loi du 22 juillet 1983 modifiée relative au transfert des compétences en matière d'enseignement public - Transfert intervenu entre le jugement de première instance et l'appel - Obligation de mettre en cause le département - Absence (1).


Références :

Code civil 1792, 2270
Décret 85-348 du 20 mars 1985 art. 4
Loi 83-663 du 22 juillet 1983 art. 14, art. 14-1
Loi 85-97 du 29 janvier 1985

1. Comp. solution contraire, C.A.A. de Lyon, Plénière, 1990-10-23, n° 89LY00014.


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: M. Jean-Antoine
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1990-06-26;89pa00089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award