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17/03/1992 | FRANCE | N°90PA00333

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 17 mars 1992, 90PA00333


VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 1990, présentée par M. Armand X... demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 19 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980, sous les articles 15.118 à 15.121 du rôle de la ville de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code gén

éral des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administr...

VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 1990, présentée par M. Armand X... demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 19 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980, sous les articles 15.118 à 15.121 du rôle de la ville de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 1992 :
- le rapport de Mme ALBANEL, conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à hauteur des dégrèvements au titre des revenus d'origine indéterminée 1979 accordés postérieurement à l'introduction de l'appel il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de M. X... ;
Sur la régularité du jugement entrepris :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen :
Considérant que comme le soutient M. X... le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré dans le mémoire enregistré le 28 octobre 1989 de ce que l'administration n'aurait pas été en droit d'adresser une demande de justifications faute d'avoir "démontré un déséquilibre entre (ses) disponibilités et (ses) emplois de fonds", qui était distinct de celui articulé dans la requête introductive d'instance selon lequel des "justifications ne pouvaient être exigées que concernant la nature et l'origine des sommes portées au crédit des comptes bancaires", à l'exclusion de celles portant sur l'origine des biens dont la vente avait généré ces crédits ; qu'il y a lieu par suite d'annuler le jugement entrepris, d'évoquer et de statuer sur les demandes de M. X... devant le tribunal et devant la cour ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. X... le service était en droit de lui adresser des demandes de justifications sans avoir établi préalablement une balance de trésorerie et sans avoir "démontré un déséquilibre" procédant du solde négatif d'une telle balance, dès lors que les crédits apparus sur ses comptes bancaires excédaient pour les années demeurant en litige le double des revenus déclarés ; que si M. X... fait valoir que les demandes de justifications n'auraient pas précisé le détail des éléments justificatifs de cet excès, ce moyen manque, en toute hypothèse, en fait ;
Considérant, en second lieu, que les agents attachés à la direction des vérifications régionales Ile-de-France Ouest, compétents pour vérifier la situation fiscale de la société dont M. X... était directeur commercial et dans les écritures de laquelle un compte fonctionnant comme un compte courant était ouvert à son nom, l'étaient aussi pour vérifier sa situation fiscale, personnelle, dès lors qu'était constatée, du fait des circonstances susrappelées, une relation d'intérêt entre la société et M. X..., au sens de l'article 5 de l'arrêté du 12 février 1971 ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de l'absence d'un avis de vérification préalable à la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble manque, en tout état de cause, en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient qu'ayant justifié de l'origine de certains crédits sur ses comptes par des ventes de biens personnels, établies quant à leur réalisation et à leur produit, l'administration ne pouvait lui demander, en outre, de justifier de l'origine, de la date d'acquisition et du prix d'achat desdits biens et, faute de réponse vérifiable sur ces points, le taxer d'office ; que, compte tenu des dégrèvements intervenus, le litige porte seulement, en ce qui concerne la procédure d'imposition, sur la vente de deux bagues en 1980 pour 126.003 F ;
Considérant qu'en réponse à une première demande de justifications concernant la somme créditée le 29 décembre 1980 le requérant a répondu, justificatifs à l'appui, qu'il s'agissait de produits d'une vente aux enchères de bijoux réalisée par commissaire priseur le 7 décembre 1980 et réglée par chèque de celui-ci le 19 décembre 1980 ; que, s'agissant d'une vente de biens personnels - autres que l'or ou des bons anonymes -, une telle réponse était suffisamment précise, en l'absence de toute présomption contraire, pour justifier de l'origine et de la nature du crédit ; que l'administration n'était par suite pas fondée à demander au contribuable de justifier en outre de l'origine, de la date et des prix d'acquisition des bijoux et, faute de réponse vérifiable sur ces points, à le taxer d'office ; qu'il y a lieu à réduction des bases d'imposition de 1980 de 126.003 F ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'en cas d'application de la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée en application des articles 176 et 179 du code général des impôts devenus L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, auxquels se référaient clairement les notifications de redressement litigieuses, celles-ci n'avait pas à indiquer la catégorie des revenus taxés ; que, dans la mesure où la taxation d'office demeure justifiée, M. X... n'est pas fondé à soutenir que les notifications de redressement adressées ont été insuffisamment motivées faute d'indication des catégories d'imposition des revenus taxés ;
En ce qui concerne la taxation des revenus de capitaux mobiliers :
Considérant d'abord qu'en faisant référence à l'imposition de revenus distribués la notification du 8 octobre 1982 a nécessairement précisé la catégorie d'imposition desdits revenus, taxables comme revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant ensuite que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... était au sens de l'article 5 de l'arrêté du 12 février 1971 en relation d'intérêts avec la société Parisienne d'achats et de distribution et que, par suite, le vérificateur de la direction régionale ayant procédé à la vérification de comptabilité de cette société était compétent pour notifier au requérant les redressements de ses revenus personnels ;

Considérant enfin qu'en indiquant pour chaque année que les redressements envisagés l'étaient du fait que M. X... avait été désigné, avec son accord, bénéficiaire des revenus distribués par la société Parisienne d'achats et de distribution interrogée en application de l'article 117 du code général des impôts, que ces redressements concernaient "des minorations de recettes portant sur les ventes de whisky" par la société Parisienne d'achats et de distribution et la dispense d'intérêts sur les situations débitrices du compte ouvert au nom de M. X... dans les écritures de cette société, ainsi qu'en précisant clairement les modalités de calcul des redressements, les notifications étaient suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, alors même qu'elles n'avaient pas indiqué expressément les articles du code général des impôts dont il était fait application ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
En ce qui concerne 1978 :
Considérant, en toute hypothèse, que la nature de rembour-sement de prêt de la somme ayant donné lieu au crédit du 20 février au compte crédit du Nord n'est pas établie par une attestation a posteriori de l'emprunteur, gérant de la société dont M. X..., préteur allégué, était salarié ;
Considérant de même qu'une attestation a posteriori du prêteur allégué ne saurait justifier de la nature de prêt de la somme de 15.000 F créditée le 31 mars, même si elle a été remboursée rapidement, alors du reste que les explications du contribuable sur la nature de la somme créditée ont varié ;
Considérant que M. X... n'établit pas davantage, par la production d'une attestation rédigée a posteriori, la nature du crédit afférent au versement le 3 août, sur le compte crédit du Nord, d'une somme de 13.000 F ;
En ce qui concerne 1979 :
Considérant qu'il est justifié par l'extrait de compte produit que le crédit de 20.000 F, le 9 juillet, sur le compte banque de la Cité ne constituait pas un revenu ; qu'il y a lieu à réduction à due concurrence ;
En ce qui concerne 1980 :
Considérant en ce qui concerne la vente d'un tapis justifiant, comme il n'est plus contesté, l'inscription de deux crédits de 10.000 F les 10 septembre et 17 novembre 1980 sur le compte banque de la Cité que le service se borne à opposer l'absence de preuve de l'achat de ce tapis avant la période vérifiée ; que, s'agissant d'un objet du mobilier personnel du requérant, celui-ci apporte la preuve qui lui incombe en justifiant du montant de la vente et de la corrélation avec le crédit, en l'absence de toute présomption contraire ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen concernant ce crédit, les bases d'imposition doivent être réduites de 20.000 F ;

Considérant en ce qui concerne les crédits de 25.000 F et 15.000 F les 28 mai et 9 septembre au compte crédit du Nord que leur nature de prêt n'est pas établie par une attestation a posteriori du prêteur ;
En ce qui concerne les revenus distribués :
Sur la preuve :
Considérant qu'il n'est pas établi par l'administration que M. X..., directeur commercial salarié non associé, fut gérant de fait de la société Parisienne d'achats et de distribution durant les années vérifiées, en faisant seulement état du compte ouvert dans les écritures sociales de la composition du capital réparti durant les années litigieuses entre le gérant M. Y... et les enfants du requérant, dont le rattachement au foyer fiscal de celui-ci n'est pas allégué, et d'une condamnation pour fraude fiscale d'ailleurs prescrite qui empêcherait M. X... d'être gérant ; que si la société a désigné le requérant comme bénéficiaire des revenus distribués et s'il a contresigné cette désignation il a refusé les redressements concernant 1977, le 18 janvier 1982 ; que par contre il n'a formulé aucune observation, dans le délai, sur ceux concernant 1978 à 1980 dans sa réponse du 10 novembre 1982 laquelle portait seulement sur les revenus d'origine indéterminée ; que dans ces conditions, s'agissant d'un salarié dont la qualité de gérant de fait ou d'associé n'est pas établie, la preuve appartient à l'administration pour 1977 en ce qui concerne tant l'appréhension que l'existence et le montant des distributions, alors même que la taxation est intervenue au fondement des article 109-1-1 et 110 et non à celui de l'article 109-1-2 du code général des impôts ; qu'elle appartient par contre au requérant sur l'un et l'autre terrain en ce qui concerne 1978 à 1980 ;
Sur les minorations de recettes :
Considérant que l'administration établit l'existence de quantités manquantes dans les stocks de whisky de la société Parisienne d'achats et de distribution à hauteur du montant des distributions taxées ; que le requérant explique ces minorations de stocks, qui se traduisent par un désinvestissement physique et non par un simple flux comptable, par la distribution à titre gratuit des bouteilles d'une marque qui n'était plus ni commercialisée ni commercialisable et par la casse et le vol, mais se borne sur ces points à des allégations sans aucun justificatif ; qu'ainsi le service apporte la preuve de l'existence et du montant des distributions pour l'année où elle est à sa charge et M. X... n'apporte pas la preuve contraire pour les années où elle lui incombe ;
Considérant toutefois que si M. X... n'apporte pas la preuve qu'il n'a pas appréhendé de 1978 à 1980 les bénéfices distribués correspondant aux minorations de recettes dont s'agit, le service n'apporte pas davantage pour 1977 la preuve que le requérant les aurait appréhendés ; qu'il s'en déduit pour cette dernière année une minoration de bases de 243.537 F ;
Sur la dispense d'intérêts au titre des situations débitrices du compte de M. X... dans les écritures de la société Parisienne d'achats et de distribution :

Considérant que le service a estimé que la dispense d'intérêts au titre des situations de l'espèce qui ont été constatées de 1978 à 1980 procédait d'un acte anormal de gestion de la société Parisienne d'achats et de distribution et a taxé les distributions correspondantes pour un montant - et notamment à un taux - non contesté ; que l'appréhension par M. X... est établie et ne peut être contestée ; que le requérant se borne à faire valoir que la dispense se justifie par les services rendus dans le passé notamment en n'exigeant pas d'intérêts sur les sommes avancées ou en percevant des salaires modestes ; qu'il n'établit pas, toutefois, la contrepartie qu'il se borne à alléguer d'un avantage dont il ne résulte pas du dossier qu'il trouve son origine dans les fonctions de directeur commercial excercées par M. X... au cours des années en litige ; que c'est par suite à bon droit que l'avantage en cause a été imposé au titre des revenus distribués ;
Sur les pénalités, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen :
Considérant en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée qu'au regard tant des montants demeurant taxés que de la nature et de la consistance des justifications, même non probantes dans leur ensemble, apportées à l'administration, celle-ci n'établit pas l'absence de bonne foi ; que compte tenu du montant et de la nature des redressements demeurant taxés au titre des capitaux mobiliers celle-ci n'est pas davantage établie en ce qui concerne les cotisations assignées dans cette catégorie ; qu'il y a lieu par suite de substituer les intérêts de retard aux pénalités appliquées en ce qui concerne les redressements maintenus dans la limite du montant de ces pénalités ;
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. X... en tant qu'elles concernent les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu assignées au titre des revenus d'origine indéterminée de 1979, dégrevés en droits et pénalités à hauteur de 84.796 F en cours de procédure devant la cour.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 19 décembre 1989 est annulé.
Article 3 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. X... sont réduites de 243.537 F au titre de 1977, 20.000 F au titre de 1979, 146.003 F au titre de 1980.
Article 4 : Il est accordé à M. X... la réduction en droits et pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mis à sa charge sous les articles 1518 à 1521 du rôle individuel mis en recouvrement le 15 juillet 1984 procédant de l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Les intérêts de retard sont substitués aux pénalités assignées à M. X... au titre de 1977 à 1980 dans la limite du montant de celles assignées au titre des redressement maintenus.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 90PA00333
Date de la décision : 17/03/1992
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART - 176 ET 179 DU CGI - REPRIS AUX ARTICLES L - 16 ET L - 69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) - Réponse du contribuable - (1) Notion de réponse suffisante - Produit de la vente de biens personnels autres que de l'or ou des bons anonymes - (2) Preuve apportée de l'origine de sommes taxées d'office - Revente d'un tapis.

19-04-01-02-05-02-02(1) La production par un contribuable de justificatifs de la vente aux enchères de bijoux réalisée par un commissaire priseur et réglée par chèque de celui-ci le 19 décembre, constitue une réponse suffisante à une demande de justification de l'origine de sommes versées sur son compte bancaire, le 29 décembre, dès lors qu'il s'agit de la vente de biens personnels autres que l'or ou des bons anonymes et en l'absence de toute présomption contraire. Par suite, le défaut de réponse à une deuxième demande de justifications portant sur la date et les prix d'acquisition des bijoux ne peut servir de fondement à une taxation d'office.

19-04-01-02-05-02-02(2) Un contribuable justifie au niveau de la procédure contentieuse de l'origine de revenus inexpliqués en apportant la justification de la vente d'un tapis et de sa corrélation avec l'inscription sur son compte bancaire de crédits d'un montant équivalent, sans qu'il lui soit nécessaire, s'agissant d'un objet mobilier personnel et en l'absence de toute présomption contraire, d'apporter la preuve de l'achat de ce tapis à une date antérieure à la période vérifiée.


Références :

Arrêté du 12 février 1971 art. 5
CGI 176, 179, 117, 109 par. 1
CGI Livre des procédures fiscales L57, L16, L69


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: Mme Albanel
Rapporteur public ?: Mme Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-03-17;90pa00333 ?
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