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13/07/1993 | FRANCE | N°91PA00943

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 13 juillet 1993, 91PA00943


VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 14 octobre 1991, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE dont le siège social est à Papeete, ..., par Me CASTALDO, avocat à la cour ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE demande :
1°) l'annulation du jugement en date du 25 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1988 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ainsi que des pénalités dont elle a

été assortie ;
3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la...

VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 14 octobre 1991, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE dont le siège social est à Papeete, ..., par Me CASTALDO, avocat à la cour ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE demande :
1°) l'annulation du jugement en date du 25 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1988 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ainsi que des pénalités dont elle a été assortie ;
3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il sera sursis à l'exécution du jugement et des articles de rôle contestés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des impôts directs du territoire de la Polynésie française ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 29 juin 1993 :
- le rapport de M. PAITRE, conseiller,
- les observations de Mme X..., pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE,
- et les conclusions de M. MENDRAS, commis-saire du Gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE est propriétaire à Papeete d'un immeuble donné par elle en location, en vue de son exploitation à usage de clinique médico-chirurgicale, à la SARL d'ex-ploitation de la clinique Paofaï, qui a le même gérant et les mêmes actionnaires ; qu'après une vérification de sa comptabilité, alors qu'elle avait acquitté au titre des années 1986, 1987 et 1988 l'impôt sur les transactions prévu par la division II de la section II du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française, elle a été taxée d'office, au titre des mêmes années, à l'impôt sur les sociétés prévu par la section I du même code, et s'est vu reconnaître, corrélativement, le bénéfice de l'exonération de l'impôt sur les transactions prévue par le 5) de l'article 3 de la division II de la section II du code ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Papeete, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE à l'appui du moyen tiré de ce que son activité était passible de l'impôt sur les transactions à l'exclusion de l'impôt sur les sociétés, a suffisamment motivé le rejet de ce moyen en indiquant que "cette location de locaux meublés présente un caractère commercial qui rend la société passible de l'impôt sur les sociétés sans que cette dernière puisse utilement soutenir que les éléments matériels loués ne constitueraient qu'un appoint ou que sa nature de société civile ne la rendrait passible que de l'impôt sur les transactions, dès lors que la location incluait l'essentiel du matériel nécessaire à l'activité hospitalière et médicale, et qu'il appartenait à l'administration de restituer aux activités principales de la société leur véritable qualification" ;
Sur le principe de l'assujettissement de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 2 de la section I du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française, relatif aux sociétés et collectivités imposables à l'impôt sur les sociétés : "Même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au paragraphe 1, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère commercial, industriel, artisanal ou financier. ... " ; que l'article 2 de la section II de la division II du même code dispose que : "Les recettes réalisées en Polynésie française par les personnes physiques ou morales qui, habituellement ou occasionnellement, achètent pour revendre ou accomplissent des opérations relevant d'une activité autre qu'agricole ou salariée sont soumises à un prélèvement dit "impôt sur les transactions" ; qu'aux termes de l'article 3 de la section II de la division II du même code : "Sont exonérés : ... 5) les personnes morales cotisant à l'impôt sur les bénéfices des sociétés ... " ;

Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité devant l'impôt ne s'oppose pas à ce que des dispositions différentes soient appliquées à des personnes ne se trouvant pas dans la même situation ; que, par suite, les dispositions précitées ont pu, sans méconnaître ce principe, prévoir l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés des sociétés civiles se livrant à des opérations à caractère commercial, et l'assujettissement à l'impôt sur les transactions des sociétés civiles n'ayant pas d'activité commerciale ; qu'aucune conséquence ne saurait être tirée, à cet égard, du dépôt d'un projet de délibération tendant à donner aux dispositions du code des impôts directs de Polynésie française qui définissent le champ d'application de l'impôt sur les sociétés une rédaction inspirée de celle des dispositions équivalentes du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la SARL société d'exploitation de la clinique Paofaï a pris en charge la plus grande partie de l'équipement mobilier nécessaire au fonctionnement de la clinique, ainsi que la restauration des malades et du personnel, confiée à un traiteur rémunéré par elle, il est constant que l'immeuble, tel qu'il lui a été loué par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE, comportait l'ensemble des installations et aménagements techniques correspondant à sa destination, notamment les salles d'opération, les appareils de radiographie et le laboratoire de biologie constituant l'essentiel de l'équipement nécessaire à l'exploitation d'une clinique ; que, dans ces conditions, alors même que les loyers ne sont pas fixés en fonction des résultats de la société locataire et que les équipements médicaux susmentionnés sont des immeubles par destination, la location s'analyse comme une opération à caractère commercial taxable à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en admettant, comme le soutient la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE, que la commission territoriale compétente ait formellement pris position en faveur de son assujettissement à l'impôt sur les transactions plutôt qu'à l'impôt sur les sociétés à l'occasion de l'examen du projet de réalisation de la clinique en vue de l'agrément prévu par le code des investissements de la Polynésie française, cette prise de position n'est opposable à l'administration du territoire ni sur le fondement de l'article L. 80 B introduit dans le livre des procédures fiscales par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, qui n'est pas applicable dans le territoire de la Polynésie française, ni sur le fondement d'aucun principe général du droit ;
Sur la régularité de la procédure d'impo-sition :
En ce qui concerne la vérification :

Considérant que l'article 2 de la division III de la section V du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française dispose que : "L'administration a le pouvoir de procéder à la vérification de la comptabilité des contribuables et autres documents dont la tenue est obligatoire en vertu du présent code. Cette vérification fait l'objet, au moins quinze jours à l'avance, de l'envoi d'un avis de vérification mentionnant : - la nature des impôts vérifiés ; - la période sur laquelle porte la vérification. Il informe en outre le contribuable qu'il a la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du cachet postal figurant sur l'enveloppe produite par la requérante, que l'avis de vérification a été envoyé le 3 octobre 1989 ; qu'il est constant que la vérification a débuté le 19 octobre 1989 ; que, dans ces conditions, le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées a été respecté ; que l'avis mentionnait la nature des impôts dont l'administration pouvait envisager la vérification, compte tenu des déclarations faites par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE, et la période sur laquelle porterait cette vérification ; que la requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que l'avis ne contenait pas l'ensemble des mentions qui devaient y figurer en application des dispositions précitées ;
En ce qui concerne l'absence de procédure contradictoire avant taxation d'office, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le territoire de la Polynésie française :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la division III de la section V du code des impôts directs du territoire de la Polynésie française : "Sont taxés d'office les contribuables ... qui n'ont pas fourni dans les délais réglementaires les déclarations prévues par le présent code ... " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même division : "La taxation d'office consiste en l'établissement de la base imposable par l'administration à partir des seules informations en sa possession et sans recours possible à la procédure contradictoire prévue à l'article 7 ci-dessus. la base retenue est portée à la connaissance du contribuable qui ne peut par voie contentieuse obtenir la réduction de l'impôt mis à sa charge qu'en apportant la preuve de l'exagération de son imposition" ;
Considérant que les organes compétents du territoire ont pu, sans méconnaître aucune disposition législative ni aucun principe général du droit, exclure, en cas de taxation d'office, le recours à la procédure contradictoire prévu en cas de redressement à la suite de la constatation d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts ; que la communication des bases déterminées d'office, prévu par les dispositions précitées, constitue une garantie suffisante des droits de la défense, en mettant le contribuable qui demande la réduction de son imposition par la voie contentieuse en mesure d'apporter la preuve de l'exagération de cette imposition ;
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressements :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, la notification de redressements qui lui a été adressée le 24 novembre 1989 comportait, notamment en ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, une motivation suffisante pour la mettre en mesure de contester utilement, par la voie contentieuse, les impositions supplémentaires qui lui étaient assignées ;
Sur les pénalités :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif aux pénalités :
Considérant que l'administration du territoire a fait application à l'encontre de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE des dispositions de l'article 1er de la division II de la section V du code des impôts directs, sanctionnant le défaut de déclaration, passé le délai de 150 jours, par une majoration de 100 % de l'impôt sur les sociétés dû avec un minimum de 50.000 F CFP ;
Considérant qu'il est constant que cette sanction a été infligée sans que la société requérante ait été auparavant invitée à présenter ses observations ; que le principe des droits de la défense a été, de ce fait, méconnu ; qu'il y a lieu, par suite, de décharger la société requérante de la pénalité litigieuse ;
Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE décharge de la majoration de 100 % de l'impôt sur les sociétés des années 1986, 1987 et 1988 qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1er de la division II de la section V du code des impôts directs du territoire de Polynésie française.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete du 25 juin 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CIGOGNE est rejeté.


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