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22/11/1994 | FRANCE | N°93PA00943

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 22 novembre 1994, 93PA00943


VU, enregistrés au greffe de la cour administrative de Paris les 11 août et 24 novembre 1993, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Alain X... DE VILLENEUVE, demeurant ..., par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; M. X... DE VILLENEUVE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8908539/1 du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ainsi qu

e des pénalités dont elle est assortie ;
2°) de prononcer la décharge d...

VU, enregistrés au greffe de la cour administrative de Paris les 11 août et 24 novembre 1993, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Alain X... DE VILLENEUVE, demeurant ..., par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; M. X... DE VILLENEUVE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8908539/1 du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ainsi que des pénalités dont elle est assortie ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 6-1 ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social, et notamment son article 44 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 8 novembre 1994 :
- le rapport de Mme BRIN, conseiller,
- les observations de la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X... DE VILLENEUVE,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la requête introductive et du mémoire en réplique présentés par M. X... DE VILLENEUVE devant le tribunal administratif que l'intéressé ne revendiquait pas expressément le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration dans les instructions du 17 février 1981 et du 9 janvier 1984 auxquelles il faisait référence, sans au demeurant en citer les dispositions précises ni se fonder expressément sur l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il se bornait en réalité à soutenir que le directeur des services fiscaux ne pouvait valablement lui opposer ces instructions sur le terrain de la loi fiscale que, seul, il invoquait quant à lui ; que, dès lors, le requérant ne saurait être regardé comme ayant soulevé devant le tribunal le moyen tiré de la doctrine administrative ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que, faute d'avoir répondu à un tel moyen, le jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur le principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi du 29 décembre 1978 : "I. sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel" ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code, dans la rédaction issue du même article de la loi du 29 décembre 1978 : "sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention" ; qu'enfin, aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la même loi "sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 4. (professions libérales et activités diverses) : 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales ..." ;
Considérant que le législateur, en se référant aux "soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales" a entendu exonérer uniquement les soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d'une telle disposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... DE VILLENEUVE qui, pendant la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985, exerçait la profession de psychologue psychothérapeute n'est pas docteur en médecine ; que les dispositions de l'article 44 de la loi susvisée du 25 juillet 1985 qui posent le principe de la réglementation de l'usage professionnel du titre de psychologue et renvoient le soin de fixer ses modalités d'application à des décrets en Conseil d'État qui sont intervenus le 22 mars 1990, ne suffisent pas à conférer à la profession de psychologue le caractère d'une profession médicale ou paramédicale réglementée au sens des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts ; que, dès lors, l'activité de psychologue psychothérapeute exercée par M. X... DE VILLENEUVE est légalement passible de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que le contribuable se prévaut sur le fondement de l'article L80 A du livre des procédures fiscales de l'instruction du 17 février 1981 (3A-1-81) et de celle du 12 septembre 1983 (3A-24-83) aux termes desquelles bénéficient de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée les praticiens de la psychothérapie qui possèdent "un diplôme officiel, donnant toutes garanties sur la qualité de la prestation offerte", à savoir ceux qui ont, "d'une part obtenu avant l'année 1969, une licence de psychologie ou, depuis cette date, une maîtrise de psychologie (ou un diplôme post-maîtrise en psychologie) orientée vers la psychopathologie ou la psychologie clinique et, d'autre part, effectué des actes liés à l'établissement d'un diagnostic ou à la mise en oeuvre d'un traitement" ; qu'il est constant que le requérant n'est titulaire d'aucun des diplômes sus énoncés ; que, dès lors, l'exercice de son activité n'entre pas dans le cadre des dispositions desdites instructions ; que, par suite, il ne saurait revendiquer le bénéfice de la doctrine administrative ; qu'en tout état de cause, M. X... DE VILLENEUVE ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 44 de la loi susvisée du 25 juillet 1985 dès lors qu'il est constant que pendant la période d'imposition litigieuse, il ne remplissait aucune des conditions mises par celles-ci pour l'usage professionnel du titre de psychologue et que l'autorisation qu'elles prévoient pour permettre à certains psychologues de faire usage de ce titre, sous réserve qu'ils justifient d'une expérience professionnelle d'une certaine durée, ne lui a été délivrée que le 2 décembre 1992 ;
Considérant que M. X... DE VILLENEUVE n'étant pas lors de la période d'imposition en litige dans une situation identique à celle des psychologues diplômés ne saurait, en tout état de cause, tant sur le terrain de la loi que sur celui de la doctrine administrative, utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt ;
Sur l'application des majorations en cas de taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article 1733.1 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "En cas de taxation d'office à défaut de déclaration dans les délais prescrits, les droits mis à la charge du contribuable sont majorés du montant de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728, sans que ce montant puisse être inférieur à 10 % des droits dus pour chaque période d'imposition" ;

Considérant que M. X... DE VILLENEUVE soutient que la majoration susvisée a été appliquée à tort aux droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au motif que, n'étant pas tenu de souscrire la déclaration annuelle récapitulative de chiffre d'affaires (modèle CA.12), il ne pouvait faire l'objet de la taxation d'office prévue par l'article L.66-3 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que le contribuable, titulaire de bénéfices non commerciaux et redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, était pour la liquidation de cette taxe, en vertu de l'article 302 septies A quater du code général des impôts, placé sous le régime réel d'imposition ; qu'il ne conteste pas qu'en raison du montant de ses opérations il relevait du régime simplifié d'imposition ; qu'en application de l'article 204 ter A de l'annexe II audit code, un tel redevable peut, par une option exercée pour cinq ans, renoncer aux modalités simplifiées de liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 204 ter de la même annexe ; qu'il résulte de l'instruction que M. X... DE VILLENEUVE n'a pas expressément renoncé au régime simplifié d'imposition ; qu'en conséquence et en vertu de l'article 242 sexies de l'annexe II au code, il était tenu de souscrire avant le 1er avril de chaque année une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration, faisant ressortir les taxes sur le chiffre d'affaires dues au titre de l'année précédente ; qu'il est constant que le requérant n'a pas déposé de déclaration annuelle récapitulative concernant la taxe sur la valeur ajoutée due par lui au titre des années 1984 et 1985 ; qu'ainsi l'intéressé, qui ne saurait utilement se prévaloir du dépôt des déclarations mensuelles ou trimestrielles complètes (modèle CA.3) relatives à la période d'imposition, a été régulièrement imposé par voie de taxation d'office ;
Considérant que la méconnaissance par le service de l'instruction du 17 janvier 1978 concernant la mise en demeure à envoyer au contribuable avant d'établir la taxation d'office pour défaut de déclaration ne saurait être utilement invoquée par le requérant sur le fondement tant de l'article L80 A du livre des procédures fiscales que du décret du 28 novembre 1983 dès lors d'une part, que cette instruction n'a trait qu'à la procédure d'imposition et, d'autre part, que la loi fiscale ne prescrit pas une telle mise en demeure en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que si M. X... DE VILLENEUVE fait état de l'incertitude qui régnait en 1987, année au cours de laquelle il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, sur le statut fiscal des psychologues psychothérapeutes, cette circonstance ne saurait, en raison des dispositions alors en vigueur des instructions administratives 3.A-1-81 et 3.A-24-83, justifier, comme il est prétendu, la mise en oeuvre par l'administration de la procédure de redressement contradictoire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le service a appliqué aux droits de taxe sur la valeur ajoutée la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1733-1 du code général des impôts ; que le moyen tiré, à cet égard par M. X... DE VILLENEUVE d'une violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant, dès lors que cette disposition n'est, en tout état de cause, applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant des juridictions ;
Considérant que le requérant soutient que l'administration a méconnu les dispositions, alors en vigueur du second alinéa de l'article 1728 du code général des impôts selon lesquelles les contribuables passibles d'intérêts de retard en vertu du premier alinéa du même article peuvent, sous certaines conditions, en être exonérés ;
Considérant que, comme il vient d'être dit, les intérêts de retard ont été appliqués aux droits éludés sur le fondement du I de l'article 1733 du même code qui vise le cas où le contribuable se trouve, comme l'était M. X... DE VILLENEUVE, en situation de taxation d'office pour défaut de déclaration ; qu'ainsi le moyen soulevé est inopérant ; qu'à cet égard le requérant, en tout état de cause, ne saurait utilement se prévaloir du régime des sanctions fiscales tel qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, entrée en vigueur le 11 juillet 1987, dès lors que celles-ci n'étaient pas applicables à la période d'imposition dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... DE VILLENEUVE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. X... DE VILLENEUVE succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. X... DE VILLENEUVE est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93PA00943
Date de la décision : 22/11/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES.


Références :

CGI 256, 261, 1733, 302 septies A quater, 1733, 1728
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L66-3
CGIAN2 242 sexies
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983
Instruction 3A-1-81 du 17 février 1981
Instruction 3A-24-83 du 12 septembre 1983
Loi 78-1240 du 29 décembre 1978 art. 24, art. 31
Loi 85-772 du 25 juillet 1985 art. 44
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme BRIN
Rapporteur public ?: M. GIPOULON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1994-11-22;93pa00943 ?
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