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24/06/1997 | FRANCE | N°95PA00199

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 24 juin 1997, 95PA00199


(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 février 1995, présentée par la société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN, dont le siège social est ..., représentée par sa gérante, Mme X... ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9004178/2-9107881/2 en date du 8 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à

sa charge au titre de la période correspondant auxdites années, ainsi que des pé...

(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 février 1995, présentée par la société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN, dont le siège social est ..., représentée par sa gérante, Mme X... ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9004178/2-9107881/2 en date du 8 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant auxdites années, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de lui accorder la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le Pacte international de New-York relatif aux droits civiques et politiques ;
VU la loi n 92-1376 du 30 décembre 1992 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU l'avis du Conseil d'Etat en date du 31 mars 1995 ;
VU le décret du 28 novembre 1983 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1997 :
- le rapport de Mme MARTIN, conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que la société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN, qui exploite un restaurant asiatique à Choisy-le-Roi, a fait l'objet, pour les années 1985, 1986 et 1987, d'une évaluation d'office des bénéfices imposables et, pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, d'une taxation d'office au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle ne saurait se prévaloir des négligences de son comptable pour contester la régularité de la procédure suivie à son égard ; que, par suite, en vertu des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, il lui incombe d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence non contestée de toute comptabilité pour les années vérifiées, la société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN ne peut apporter cette preuve en se référant aux résultats comptables ressortant de déclarations de résultats souscrites postérieurement à la vérification de comptabilité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de toute comptabilité, le vérificateur était en droit, pour reconstituer les recettes, de se fonder sur des relevés de prix effectués dans l'entreprise pour l'année de la vérification et d'extrapoler ces données aux années précédentes, dès lors que la société n'établit pas que les conditions de son exploitation aient été différentes ; que s'il n'a retenu que sept plats à la carte, il est constant que ceux-ci ont été choisis avec l'aide du cuisinier de l'établissement comme particulièrement caractéristiques et retenus dans le cadre du débat oral et contradictoire ; que, par ailleurs, la clientèle, selon les propres écritures de la société, commandant principalement des menus, deux menus ont été également retenus ; que si, pour apprécier la part respective des différents plats, il n'a été recouru qu'à quarante notes de clients, il résulte de l'instruction que sur la centaine de notes présentées, une soixantaine d'entre elles étaient illisibles ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la société n'est fondée à soutenir ni que la méthode de reconstitution serait viciée dans son principe, ni que le vérificateur se serait fondé sur un échantillon trop restreint ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition du code général des impôts ni aucun principe général ne met à la charge du vérificateur l'obligation d'avoir recours à plusieurs méthodes pour opérer la reconstitution des recettes ;
Considérant, en quatrième lieu, que la référence au taux élevé de bénéfice brut par rapport au chiffre d'affaires ou la part trop importante des produits liquides retenue dans la reconstitution ne suffit pas à établir l'exagération des bases d'imposition ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il n'est pas établi que le fait de ne pas avoir pris en compte quelques ingrédients, entrant dans la confection de plats, ait eu une influence sensible sur les reconstitutions effectuées ; qu'en l'absence de toute compta-bilité, et de toute méthode extra-comptable justifiée, la société ne peut proposer une nouvelle évaluation des bénéfices à partir d'un coefficient tiré d'une monographie professionnelle, alors que le vérificateur s'est fondé sur des constatations opérées dans l'entreprise ;

Considérant, en revanche, que la société fait valoir, à bon droit, que le vérificateur n'a pas pondéré les achats de vins ; qu'il y a lieu en l'espèce de retenir les chiffres proposés par la requérante, soit 125.433 F, 136.903 F et 147.091 F au titre des trois années vérifiées, et de décharger la société des impositions mises à sa charge à concurrence de cette réduction des bases d'imposition retenues ;
Sur le bénéfice de la déduction en cascade :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.77 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 1990 : "En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les contribuables peuvent demander que le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent aux opérations d'un exercice donné soit déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice. Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre du présent article doivent être faites avant l'établissement des cotisations d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés résultant de la vérification" ;
Considérant que la société n'a formulé aucune demande tendant à la déduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée afférent aux opérations de la période couvrant les exercices 1985, 1986 et 1987 avant l'établissement des cotisations d'impôt sur les sociétés résultant de la vérification ; qu'elle n'était donc pas en droit de bénéficier des dispositions susrappelées ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.77 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990 : "En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la notification de redressements" ; que, pour la mise en oeuvre de ces dispositions, l'administration calcule le montant de la déduction prévue par cet article dans la notification de redressement qu'elle adresse au contribuable ; qu'aux termes de l'article 108 de la loi n 92-1376 du 30 décembre 1992, dont le I a été repris à l'article L.284 du livre des procédures fiscales : "I. Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéfice de la déduction ne peut être accordé dans les conditions prévues par l'article L.277 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990, qu'aux contribuables qui ont fait l'objet d'une notification de redressement postérieure à cette date ;

Considérant que la société ne peut prétendre au bénéfice de cette déduction dès lors que la notification de redressement est en date du 19 décembre 1988 et qu'en vertu des dispositions de l'article L.284 du livre des procédures fiscales, l'administration n'était pas tenue de reprendre une nouvelle notification de redressement faisant apparaître la déduction du supplément de taxe sur la valeur ajoutée redressé ;
Sur les pénalités :
Au regard des dispositions du droit international :
Considérant que les principes posés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974, y compris le principe de présomption d'innocence prévu par le paragraphe II, ne s'appliquent pas, ainsi que l'a indiqué le Conseil d'Etat par un avis en date du 31 mars 1995, aux procédures d'élaboration ou de prononcé des sanctions fiscales par les autorités administratives ; qu'il en va de même des articles 13 et 14 de la même convention ; que la société ne peut donc utilement soutenir que l'application des pénalités de l'article 1733 du code général des impôts est intervenue sans qu'il lui soit possible d'être entendue en défense ; qu'elle n'est pas davantage fondée à faire valoir que la mise en oeuvre de la pénalité de l'article 1763 A du même code serait contraire au principe de présomption d'innocence prévu par la convention européenne ainsi que par l'article 14 du pacte international de New-York ratifié par la France et que, de ce fait, elle n'était pas tenue de répondre à la demande qui lui a été adressée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts ;
Au regard des dispositions du droit interne :
Considérant, en premier lieu, que les premières mises en demeure datées du mois de février 1986 adressées à la société en vue de la souscription de ses déclarations, relatives à l'impôt sur les sociétés des années 1985 et 1986, comportaient clairement la mention des déclarations à souscrire selon le régime simplifié ainsi que les numéros des imprimés à remplir ; que si les secondes mises en demeure datées de septembre 1988 mentionnaient des numéros d'imprimés différents, cette circonstance est sans influence sur la régularité de celles-ci, dès lors que ce changement résultait seulement de la modification matérielle des imprimés intervenue entre ces deux dates et que les demandes portaient sur les mêmes déclarations à souscrire selon le régime simplifié accompagnées des mêmes annexes ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'envoi des secondes mises en demeure ait coïncidé avec l'expédition de l'avis de vérification est sans influence sur la régularité de la taxation d'office qui est encourue dès lors que le contribuable n'a pas souscrit sa déclaration dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure ; que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait cru qu'en engageant une vérification de comptabilité, l'administration renonçait à la taxation d'office ;
Considérant, en troisième lieu, que les pénalités pour taxation d'office ont été suffisamment motivées dans la réponse aux observations du contribuable ; qu'elles l'ont été régulièrement, conformément aux dispositions de l'article L.80 D dans sa rédaction alors applicable du livre des procédures fiscales qui prévoient que la motivation doit intervenir au plus tard lors de la mise en recouvrement des sanctions ; que, par suite, la circonstance que la motivation ait été effectuée postérieurement à l'expiration d'un délai de trente jours après l'envoi de la notification de redressement, en contradiction avec une instruction du 6 février 1980, publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts sous le n 13 L 1 80, ne saurait être invoquée sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, cette instruction étant contraire aux lois et règlements ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts, et notamment de son article 1736, que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi de finances pour 1993, en date du 30 décembre 1992, le législateur a entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités fiscales ;
Considérant, enfin, que l'administration était en droit de demander à la société, dès l'envoi de la notification de redressement, de lui indiquer le nom des bénéficiaires des revenus distribués ainsi que les montants de ceux-ci ; que la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts a été régulièrement motivée dans la réponse aux observations du contribuable par la référence à l'absence de réponse dans un délai de trente jours à la demande faite par l'administration dans la notification de redressement et par la référence audit article ; que l'instruction du 21 octobre 1988 publiée au Bulletin officiel des impôts sous le n 4 J 1 88 n'est, en tout état de cause, pas invocable sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, s'agissant de la motivation des pénalités ; qu'enfin, l'administration a régulièrement établi la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années au cours desquelles la distribution est intervenue, aucune disposition ne prévoyant que cette pénalité doit être rattachée à une année déterminée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société n'est que partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le chiffre d'affaires toutes taxes comprises afférent aux ventes de vins est réduit, au titre des années 1985, 1986 et 1987, à respectivement 125.433 F, 136.903 F et 147.091 F.
Article 2 : La société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN est déchargée, à concurrence de la réduction des bases résultant de l'article 1er, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1985, 1986 et 1987, et des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée AUBERGE D'ANTAN est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA00199
Date de la décision : 24/06/1997
Sens de l'arrêt : Réduction bases impositions et pénalités
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE) - Application des règles de procédure aux formalités accomplies après leur entrée en vigueur (art - L - 284 du LPF) - Champ d'application - Existence - Déduction en cascade (art - L - 77 du LPF).

19-01-01-02, 19-06-01, 19-06-02-07-04 En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, compte tenu des dispositions de l'article 108 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 dont le I a été codifié à l'article L. 284 du livre des procédures fiscales, aux termes desquelles les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur entrée en vigueur, l'application automatique de la déduction "en cascade" dans la notification de redressement, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 77 du LPF dans leur rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990, ne peut bénéficier qu'aux contribuables ayant fait l'objet d'une notification de redressement après cette date.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - QUESTIONS COMMUNES - Déduction du supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées - Application de l'article L - 77 du livre des procédures fiscales - Dispositions applicables avant ou après le 1er janvier 1990 - Conditions non remplies.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PROCEDURE DE TAXATION - TAXATION - EVALUATION OU RECTIFICATION D'OFFICE - Déduction du supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées - Application de l'article L - 77 du livre des procédures fiscales - Dispositions applicables avant ou après le 1er janvier 1990 - Conditions non remplies.


Références :

CGI 1733, 1763 A, 117, 1736
CGI Livre des procédures fiscales L193, L77, L284, L277, L80 A
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Décret 74-360 du 03 mai 1974
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 1
Instruction 13 du 06 février 1980
Instruction 4 du 21 octobre 1988
Loi 73-1227 du 31 décembre 1973
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 108
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 112 Finances pour 1993


Composition du Tribunal
Président : M. Leclerc
Rapporteur ?: Mme Martin
Rapporteur public ?: Mme Martel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1997-06-24;95pa00199 ?
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