VU, enregistrée au greffe de la cour le 8 juin 1995, la requête présentée pour M. Joseph Z..., demeurant 5, square Villaret de Joyeuse (75017) Paris, par Me Y..., avocat ; M. Z... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 11 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice résultant du refus de prêter le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice en date du 11 juin 1991 prescrivant l'expulsion de l'occupante d'un appartement dont il est propriétaire à Issy-les-Moulineaux ;
2 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts pour la période du 10 juillet 1991 au 24 avril 1994 ;
3 ) de lui allouer la somme de 10.000 F par mois à titre de dommages et intérêts à compter du 1er septembre 1992 ;
4 ) de lui allouer, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme de 10.000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 1998 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- les observations du cabinet Y..., avocat, pour M. Z...,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Z... conteste le jugement en date du 11 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice résultant du refus de prêter le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z... a, le 5 décembre 1991, demandé au préfet des Hauts-de-Seine le concours de la force publique pour l'exécution d'une ordonnance du 11 juin 1991 par laquelle le juge des référés du tribunal d'instance de Vanves a prononcé l'expulsion de Mme X... qui, bien qu'ayant cédé à M. Z... sa part indivise de son appartement à Issy-les-Moulineaux, s'était maintenue dans les lieux sans droit ni titre ; qu'il est constant que l'expulsion de l'occupante n'est intervenue que le 22 avril 1994 et que cette dernière a laissé le logement dans un état de dégradation qui a été constaté par voie d'huissier le 4 juillet 1994 ; que, compte tenu de l'interdiction légale de procéder aux expulsions du 1er novembre au 15 mars de l'année suivante édictée par l'article L.613-3 du code de la construction et de l'habitation, la période de responsabilité de l'Etat à raison du refus d'accorder le concours de la force publique s'étend, en l'espèce, du 16 mars 1992 au 22 avril 1994 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, M. Z... demande des "dommages et intérêts" pour un montant de 500.000 F ainsi qu'une somme de 172.349,62 F, au titre de la réparation des dégradations commises ;
Considérant que M. Z... ne produit aucun élément de nature à justifier la somme de 500.000 F ; qu'en particulier, le requérant n'établit ni même n'allègue que, durant la période de responsabilité de l'Etat, il aurait, soit souhaité occuper son bien, soit entrepris des diligences en vue de le vendre ou de le louer et qu'il se serait trouvé empêché de réaliser son projet du fait du refus de concours de la force publique ; qu'il s'ensuit que sa demande à ce titre ne peut qu'être rejetée ;
Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 1731 du code civil : "S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire" ; qu'il résulte de l'acte notarié passé le 3 décembre 1981 entre M. Z... et Mme X..., que l'acquisition faite à cette dernière de la moitié indivise de l'appartement en cause emportait en outre pour le nouveau propriétaire, "la perception des loyers à son profit, ledit bien étant actuellement loué à Mme X..., cédante, à des conditions et moyennant un loyer que M. Z... déclare expressément connaître." ; qu'il s'ensuit que Mme X... devait être regardée comme ayant la qualité de locataire ;
Considérant qu'en l'absence d'état des lieux, l'appartement de M. Z... était présumé se trouver en bon état d'entretien locatif en application des dispositions précitées de l'article 1731 du code civil ; que le requérant est fondé, dans ces conditions, à demander à l'Etat réparation du préjudice subi dont il sera fait une juste appréciation, compte tenu des dégradations causées à son bien et de la période de responsabilité de l'Etat, en le fixant à la somme de 80.000 F ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Z... est partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur la subrogation de l'Etat :
Considérant qu'il y a lieu de subordonner le paiement de la somme susmentionnée de 80.000 F à la subrogation de l'Etat dans les droits que détient M. Z... à concurrence de ladite somme à l'encontre de Mme X... ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à payer à M. Z... la somme de 5.000 F ;
Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. Z... la somme de 80.000 F.
Article 2 : Le paiement de l'indemnité mise à la charge de l'Etat par l'article 1er ci-dessus est subordonné à la subrogation de celui-ci dans les droits que détient M. Z..., à concurrence de ladite somme, à l'encontre de Mme X....
Article 3 : Le jugement en date du 11 octobre 1994 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat est condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à payer à M. Z... la somme de 5.000 F.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.