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19/12/2000 | FRANCE | N°98PA00802;98PA01265

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 19 décembre 2000, 98PA00802 et 98PA01265


(3ème chambre A)
VU I), enregistrés au greffe de la cour les 30 mars et 27 juillet 1998 sous le n 98PA00802, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, par Me Y..., avocat ;
L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9407981/6 en date du 16 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, d'une part, l'a condamnée à réparer les conséquences de la contamination de M. Gérald A... par le virus de l'hépatite C, à lui verser la somme de 571.620 F augmentée des i

ntérêts au taux légal à compter du 17 juin 1994, à verser à la Caisse pri...

(3ème chambre A)
VU I), enregistrés au greffe de la cour les 30 mars et 27 juillet 1998 sous le n 98PA00802, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, par Me Y..., avocat ;
L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9407981/6 en date du 16 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, d'une part, l'a condamnée à réparer les conséquences de la contamination de M. Gérald A... par le virus de l'hépatite C, à lui verser la somme de 571.620 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 1994, à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 180.000 F augmentée des intérêts à compter du jour dudit jugement et à verser à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) la somme
de 114.595,60 F augmentée des intérêts à compter du 1er août 1997, d'autre part, a mis à sa charge les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme de 5.000 F et, enfin, l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 5.000 F et à la CRAMIF la somme de 1.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande de première instance ;
VU II), enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 1998, sous le n 98PA01265, la requête présentée pour M. Gérald A..., demeurant ..., par Me Z..., avocat ; M. A... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9407981/6 en date du 16 décembre 1997 en tant que, par ce jugement le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à lui verser, à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C, la somme de 571.620 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 1994 et la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser les sommes de 843.240 F au titre de son préjudice économique et de 1.310.000 F au titre de son préjudice personnel ;
3 ) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au paiement d'une somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2000 :
- le rapport de M. PIOT, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat, pour M. A...,
- et les conclusions de M. de SAINT GUILHEM, commissaire du Gouvernement ;

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes n s 98PA00802 et 98PA01265 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué sur l'ensemble par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. A... a, le 5 novembre 1974, subi un double pontage coronarien au groupe hospitalier la Pitié-Salpétrière ; qu'à cette occasion, il a reçu des produits sanguins par transfusion ; qu'une hépatite C a été diagnostiquée chez M. A... en 1989 ; que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS conteste la mise en jeu de sa responsabilité décidée par le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 16 décembre 1997 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport déposé par l'expert désigné en première instance, qu'en l'absence d'autres causes de contamination possible, et faute d'une connaissance complète de l'état sérologique au regard du virus de l'hépatite C des donneurs concernés, la contamination dont a été victime M. A... doit être imputée aux transfusions de produits sanguins dont il a fait l'objet le 5 novembre 1974 à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière ;
Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi, qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;
Considérant que le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la totalité des produits transfusés à M. A... a été préparée par une structure transfusionnelle relevant de l'administration générale de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS et n'ayant pas une personnalité juridique distincte de celle de cet établissement public ; qu'il en résulte que la responsabilité encourue par l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, du fait d'un vice affectant le produit administré, doit être recherchée non sur le fondement et des principes qui gouvernent la responsabilité des hôpitaux en tant que dispensateurs de prestations médicales mais, au cas d'espèce, même en l'absence de faute ainsi qu'il a été dit, sur la base des règles propres à son activité de gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des dommages subis par M.VERDIER du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
Sur le préjudice :
Sur le préjudice économique :

Considérant que si M. A... demande que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS soit condamnée à lui verser une somme de 843.240 F en réparation des pertes de revenus professionnels entraînées par sa contamination par le virus de l'hépatite C dans les circonstances indiquées ci-dessus, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges que M. A..., outre l'hépatite chronique C dont il est atteint, souffre depuis 1974 d'une insuffisance coronarienne grave pour laquelle il a subi deux opérations de pontages, l'une en 1974, l'autre en 1992 ; que pour cette raison, les premiers juges ont estimé que les pertes de revenus qu'il a subies n'étaient que pour moitié imputables à la contamination par le virus de l'hépatite C et ne lui ont donc accordé qu'une somme de 421.620 F ; que M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier que les pertes de ses revenus professionnels sont pour plus de la moitié dues à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que cette indemnité soit portée à 843.240 F doivent être rejetées ;
Sur le préjudice corporel de M. A... :
Considérant que M. A... demande que son préjudice corporel, consécutif à la contamination par le virus de l'hépatite C, soit majoré à raison de l'aggravation de son état postérieurement au jugement de première instance ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du second rapport d'expertise établi, le 10 janvier 1999, par le docteur X..., qu'au cours des années 1997 et 1998, l'état hépatique de M. A... s'est progressivement dégradé avec l'apparition d'une hypertension portale qui a donné lieu à plusieurs épisodes d'oedèmes des membres inférieurs et a nécessité de nombreux bilans biologiques, plusieurs hospitalisations, et, enfin, en septembre 1998 une greffe du foie ; que compte tenu de la nature et de la gravité des troubles dans les conditions d'existence que connaît M. A... du fait de cette évolution de la pathologie dont il souffre, il y a lieu de porter à 700.000 F l'indemnité qui lui a été accordée à ce titre par les premiers juges, cette indemnité réparant, à hauteur des trois quarts de son montant les troubles à caractère physiologique et notamment l'incapacité permanente partielle de 50 % dont il reste atteint, et, à hauteur d'un quart, les troubles de caractère personnel au nombre desquels figurent, à titre principal, les préjudices d'agrément et sexuel ; qu'en outre, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques que M. A... a endurées, chiffrées à 5/7 par l'expert, et de son préjudice esthétique, évalué à 5/7 par l'expert, en lui accordant respectivement de ces chefs les sommes de 60.000 F et 40.000 F ; qu'il y a lieu, pour déterminer le préjudice global résultant de la contamination, d'ajouter aux sommes précitées les frais médicaux et d'hospitalisation s'élevant au montant non contesté de 1.029.065,04 F et les indemnités journalières versées par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-St-Denis dont le montant est de 141.747,28 F ; qu'ainsi le préjudice causé à M. A... par la contamination par le virus de l'hépatite C s'établit à la somme totale de 2.387.432,32 F, au paiement de laquelle doit être condamnée l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ;
Sur les droits des caisses de sécurité sociale :

Considérant que les caisses de sécurité sociale demandent le remboursement des frais médicaux et d'hospitalisation, des indemnités journalières et des arrérages échus de rente dont elles justifient en appel du versement à M. A... pour un montant total de 1.280.407,92 F ; que cette créance doit s'imputer sur la somme destinée à réparer les frais médicaux et d'hospitalisation, l'incapacité totale temporaire, les troubles dans les conditions d'existence à caractère physiologique et les pertes définitives de revenus et qui s'élève, en l'espèce, compte tenu des évaluations ci-dessus déterminées à 2.112.432,32 F ; que la créance étant ainsi inférieure à la somme sur laquelle elle doit s'imputer, les caisses de sécurité sociale ont droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elles ont subi ; qu'ainsi, d'une part, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a droit au remboursement de la somme de 1.165.812,32 F représentative des frais médicaux et d'hospitalisation ainsi que des indemnités journalières qu'elle justifie avoir exposée ; qu'il y a donc lieu de porter à 1.165.812,32 F l'indemnité de 180.000 F allouée à cette caisse par les premiers juges ; que, d'autre part, la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France a droit au remboursement de la somme de 114.595,60 F versée au titre des arrérages de rente échus ;
Sur les droits de M. A... :
Considérant que la condamnation de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS s'établissant comme il a été dit ci-dessus à la somme de 2.387.432,32 F, les droits de M. A... se montent à la différence entre cette somme et celle destinée aux caisses ; qu'ainsi l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS doit être condamnée à verser à M. A... la somme de 1.107.024,40 F à laquelle il y a donc lieu de porter d'indemnité de 571.620 F fixée au profit du requérant de première instance par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à verser à M. A... une somme de 10.000 F et à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une somme de 2.000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 571.620 F que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS a été condamnée à payer à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 1997, est portée à 1.107.024,40 F.
Article 2 : La somme de 180.000 F que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS a été condamnée à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 1997, est portée à 1.165.842, 32 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS versera à M. A... une somme de 10.000 F et à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une somme de 2.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA00802;98PA01265
Date de la décision : 19/12/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 52-XXXX du 21 janvier 1952
Loi 61-XXXX du 02 août 1961


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. PIOT
Rapporteur public ?: M. de SAINT GUILHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-12-19;98pa00802 ?
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