La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2001 | FRANCE | N°98PA01212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 19 juin 2001, 98PA01212


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 avril 1998, présentée pour la société LE BAHU LES PORTEURS, société anonoyme dont le siège social est ... 440, 94619 Rungis Cedex, par la SCP GIRARD-BOURNILHAS-CITRON, avocat ; la société LE BAHU LES PORTEURS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9519067/7 en date du 26 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 12.072.439 F avec intérêts de droit en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l

a suppression, à compter du 1er janvier 1993, après l'intervention de ...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 avril 1998, présentée pour la société LE BAHU LES PORTEURS, société anonoyme dont le siège social est ... 440, 94619 Rungis Cedex, par la SCP GIRARD-BOURNILHAS-CITRON, avocat ; la société LE BAHU LES PORTEURS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9519067/7 en date du 26 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 12.072.439 F avec intérêts de droit en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la suppression, à compter du 1er janvier 1993, après l'intervention de la loi n 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre de la directive du Conseil des communautés européennes (CEE) n 91-680 modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (CEE) n 77-388, de l'activité de commissionnaire en douane dans les échanges intracommunautaires qu'elle exerçait jusqu'alors ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme augmentée des intérêts de droit ;
3 ) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d' appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le Traité de Rome en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
VU l'Acte unique européen en date des 17 et 28 février 1986 ;
VU loi n 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre par la République française de la directive du Conseil des communautés européennes (CEE) n 91-680 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (CEE) n 77-388 et de la directive (CEE) n 92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n 1 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2001 :
- le rapport de M. PIOT, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société LE BAHU LES PORTEURS,
- et les conclusions de M. de SAINT GUILHEM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société LE BAHU LES PORTEURS, dont l'activité consistait notamment à participer, en qualité de commissionnaire en douane agréé, aux contrôles aux frontières entre les Etats membres de la Communauté économique européenne, fait appel du jugement en date du 26 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la suppression, à compter du 1er janvier 1993, après l'intervention de la loi n 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre de la directive du Conseil des communautés européennes (CEE) n 91-680 modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (CEE) n 77-388, de l'activité de commissionnaire en douane dans les échanges intracommunautaires qu'elle exerçait jusqu'alors ;
Sur le moyen tiré de l'application du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques :
Considérant qu' il résulte de l'instruction que la loi du 17 juillet 1992 susvisée, qui a modifié les dispositions du code des douanes relatives à l'entrée et à la sortie du territoire douanier français des marchandises entre les Etats membres de la Communauté économique européenne, a eu pour objet d'assurer le respect des engagements résultant pour la France du traité de Rome modifié par l'Acte unique européen des 17 et 28 février 1986, et consistant notamment à prendre, avant le 31 décembre 1992, les mesures nécessaires à la réalisation d'un marché intérieur unique ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas, commis d'erreur de droit en estimant que faute de disposition législative prévoyant expréssement une indemnisation des commissionnaires en douane, et, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi par la loi du 17 juillet 1992, l'intervention de ce texte ne pouvait engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
Sur le moyen tiré de l'application des principes de la responsabilité pour faute :
Considérant , en premier lieu, que si la société requérante soutient que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard en ce qu'il n'a prévu aucune mesure transitoire ou d'accompagnement pour les commis-sionnaires en douane agréés leur permettant de se préparer à l'échéance du 1er janvier 1993 et qu'il a même encore accordé, en 1992, de nouveaux agréments pour l'exercice de cette activité, il résulte de l'instruction que les autorités publiques françaises ont effectivement mis en place, dans le cadre de crédits provenant du fonds social européen et des fonds dits INTERREG, un programme d'aide aux entreprises concernées qui ont reçu des fonds pour la mise en oeuvre de plans sociaux mais également pour préparer leur reconversion ; qu'ainsi, le moyen ci-dessus analysé ne pourra qu'être écarté comme manquant en fait ;
Considérant, en second lieu, que si la société requérante allègue que les aides accordées aux entreprises auraient été inégalement réparties, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé et doit donc, également être écarté ;
Sur le moyen tiré de l' application des principes de confiance légitime et de sécurité juridique :

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'Etat, les principes susmentionnés, qui font partie des principes généraux du droit communautaire, trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que, tel est le cas en l'espèce, dès lors que la loi du 17 juillet 1992 a été prise pour la mise en oeuvre du droit communautaire ; que, toutefois, il n'est pas établi en l'espèce que l'Etat aurait méconnu des engagements précis pris à l'égard de la société requérante ou d'une catégorie d'entreprises à laquelle cette société appartiendrait ; que n'a pas constitué une méconnaissance des droits acquis, le retrait de l'agrément de commissionnaire en douane, dès lors qu'un tel agrément n'est attribué qu'en vue de répondre à des besoins d'intérêt général et reste subordonné à l'existence de tels besoins ; que, par suite, la société requérante ne peut se prévaloir en l'espèce de la méconnaissance ni des principes ci-dessus mentionnés du droit communautaire ni même, pour le cas où elle aurait entendu les invoquer, des principes du droit public interne tenant au respect des promesses et des droits acquis ;
Sur le moyen tiré de la violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du protocole additionnel n 1 :
Considérant qu'aucun droit de propriété ne s'attache à l'agrément de commissionnaire en douane qui, n'étant attribué qu'à titre personnel, n'est pas susceptible de cession ; qu'ainsi, la société requérante, qui n'a nullement été privée de la possibilité de faire valoir ses droits dans les conditions définies à l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait utilement soutenir que le retrait de cet agrément porterait atteinte à un droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole additionnel n 1 à ladite Convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LE BAHU LES PORTEURS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société LE BAHU LES PORTEURS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1 er : La requête de la société LE BAHU LES PORTEURS est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA01212
Date de la décision : 19/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT A UN PROCES EQUITABLE (ART - 6).

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LES PROTOCOLES - DROIT AU RESPECT DE SES BIENS (ART - 1ER DU PROTOCOLE ADDITIONNEL).

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Loi 92-677 du 17 juillet 1992


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. PIOT
Rapporteur public ?: M. de SAINT GUILHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-06-19;98pa01212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award