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18/12/2003 | FRANCE | N°99PA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation a, 18 décembre 2003, 99PA02949


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 27 août 1999, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 951115 en date du 19 janvier 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Mansart, venant aux droits de la société Spim Maulois, une somme de 4 912 704 F en réparation du préjudice subi par cette société à la suite de la suppression de la zone d'aménagement concerté Maulois, ainsi qu'une somme de 10 000 F en application

de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours admin...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 27 août 1999, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 951115 en date du 19 janvier 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Mansart, venant aux droits de la société Spim Maulois, une somme de 4 912 704 F en réparation du préjudice subi par cette société à la suite de la suppression de la zone d'aménagement concerté Maulois, ainsi qu'une somme de 10 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en exonérant l'Etat de la majeure partie du préjudice allégué et en réduisant le montant de la réparation accordée en première instance ;

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Classement CNIJ : 60-01-02-01-01

C 60-04-01

60-04-03

60-04-03-01

68-02-02-01

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2003 :

- le rapport de M. LENOIR, premier conseiller,

- les observations de Me X..., avocat, pour la société Aaeral Bank France,

- et les conclusions de M. HEU, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une convention conclue le 11 juillet 1990, le Syndicat d'Agglomération Nouvelle de Sénart (Seine-et-Marne) a confié à la société Spim Krief , à qui a succédé la société civile immobilière Spim Maulois, le soin de procéder à la réalisation de la future zone d'aménagement concerté dite ZAC MAULOIS située sur le territoire de la commune de Moissy-Cramayel ; que l'aménageur s'engageait ainsi à édifier, sur un terrain d'une superficie de 61 ares et 87 centiares, deux immeubles comportant 106 logements ainsi qu'un ensemble de commerces situés au rez-de-chaussée ; que, par deux arrêtés en date du 26 septembre 1990, le préfet de la Seine-et-Marne a autorisé la création de la zone d'aménagement concerté MAULOIS et a approuvé le plan d'aménagement de zone correspondant ; que, toutefois, par un nouvel arrêté pris le 7 juin 1993, le préfet a procédé à la suppression de la ZAC MAULOIS et a décidé d'incorporer le plan d'aménagement de zone au plan d'occupation des sols de la commune de Moissy-Cramayel ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT relève appel du jugement en date du 19 janvier 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de la Banque Mansart venant aux droits de la société Spim Maulois, condamné l'Etat à lui verser une somme de 4 912 704 F en réparation du préjudice subi par la société Spim Maulois du fait de l'intervention de l'arrêté précité du 7 juin 1993 ; que la société Aareal Bank France, venant aux droits de la banque Mansart et de la société Spim Maulois, demande, par la voie de l'appel incident, que la somme qui a été accordée à la banque Mansart soit portée à un montant de 3 409 188 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques en raison de la suppression de la zone d'aménagement concerté Maulois ; que ce fondement n'est pas contesté en appel ;

Considérant que le ministre, qui n'était pas partie à la convention d'aménagement du 11 juillet 1990, n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de celle-ci pour demander que l'Etat soit exonéré de sa responsabilité ;

Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que les différentes demandes de permis de construire présentées par l'aménageur ont été rejetées pour des motifs de non-conformité avec les dispositions du plan d'aménagement de zone ; que ces refus n'ont pas été contestés ; que la société Aareal Bank France ne démontre ni en première instance, ni en appel, que ces refus n'auraient pas été justifiés ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la SCI Spim Maulois avait commis une faute de nature à exonérer pour partie l'Etat de sa responsabilité ; qu'en revanche, il n'apparaît pas que la société Spim Maulois aurait, compte tenu de la complexité du projet et de la date à laquelle a été adopté le plan d'aménagement de zone, déposé avec un retard excessif ses demandes de permis de construire ; qu'en conséquence, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que le tribunal administratif a déclaré l'Etat responsable à hauteur de 70 % des conséquences dommageables pour la société Mansart de la suppression de la ZAC Maulois ;

Sur le préjudice :

Considérant que la société Aareal Bank France, venant aux droits de la société Spim Maulois et de la banque Mansart, est fondée à demander réparation du préjudice resultant des sommes exposées inutilement entre le 26 septembre 1990, date de création de la zone d'aménagement concerté Maulois , et le 7 juin 1993, date de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne supprimant la zone en question, et des sommes, mêmes exposées ultérieurement, qui sont directement liées à l'exécution de la convention d'aménagement du 7 juillet 1990 ;

En ce qui concerne le préjudice lié à l'acquisition des terrains :

Considérant que la société Aareal Bank France soutient que le préjudice dont elle demande réparation au titre de l'acquisition des terrains, des charges foncières et des études préopérationnelles doit être fixé à une somme totale de 11 415 420 F ;

Considérant, toutefois, que la somme de 1 067 400 F réclamée au titre de la cession de la promesse de vente effectuée au profit de la société Cervi résulte d'une convention signée entre cette société et les sociétés Spim Krief et Caci le 21 décembre 1989, soit à une date antérieure à la conclusion de la convention d'aménagement du 11 juillet 1990 ; qu'elle ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation ; qu'il en est de même des sommes de 200 000 F et de 20 000 F demandées au titre des honoraires d'architecte et de géomètre exposés par la société Cervi ainsi que de la somme de 150 000 F demandée au titre des frais d'agence immobilière, lesdites dépenses étant liées à l'application de l'accord de cession du 21 décembre 1989 ;

Considérant, par ailleurs, que les sommes de 3 142 900 F et de 3 024 300 F demandées au titre des frais engagés par les sociétés Spim Krief et Caci ne sont assorties d'aucune précision concernant la nature, la date et l'importance des opérations qu'auraient effectuées ces sociétés au profit de la société Spim Maulois ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande d'indemnisation présentée à ce titre ;

Considérant, enfin, que la société Aareal Bank France n'a droit qu'au remboursement des sommes engagées, d'une part, au titre de l'acquisition des terrains nécessaires à l'opération d'aménagement, telles qu'elles résultent d'un acte de vente signé le 4 octobre 1990 ainsi qu'au titre de l'acte du même jour autorisant la cession du droit au bail détenu par un tiers, sommes qui s'élèvent respectivement à 2 750 000 F et 800 000 F, d'autre part, au titre des frais de notaire versés à cette occasion, soit une somme de 165 893 F telle qu'elle figure sur la facture du 4 octobre 1990 produite par l'étude notariale et rectifiée, pour ce qui concerne les frais de cession de bail, par une deuxième facture établie le 30 novembre 1990 ;

En ce qui concerne le préjudice lié aux frais exposés au titre des permis de construire :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Spim Maulois a versé aux architectes chargés de la préparation des dossiers de permis de construire présentés dans le cadre du projet d'aménagement, des honoraires s'élevant à 400 000 F et à 700 000 F ; que ces sommes constituent un préjudice indemnisable ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ;

En ce qui concerne le préjudice lié aux frais financiers :

Considérant que la société Aareal Bank France peut prétendre à la réparation du préjudice correspondant aux frais financiers afférents à l'emprunt contracté le 7 février 1991 avec la société Security Pacific Bank afin de financer l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de l'opération d'aménagement et supportés au cours de la période du 7 février 1991 au 30 juin 1993, dernière échéance suivant la décision de suppression de la zone d'aménagement concerté ; qu'il sera fait une exacte appréciation de ces frais, eu égard aux taux de commission d'engagement et d'intérêt figurant au contrat de prêt, en fixant leur montant à la somme de 3 133 245, 40 F ; qu'en revanche, la société Aareal Bank France ne peut prétendre à la prise en compte des frais engagés devant le notaire au titre de la conclusion de ce contrat de prêt, soit 221 000 F , dans la mesure où l'instruction ne fait apparaître qu'un paiement de la société Security Pacific Bank sans indiquer que la société Spim Maulois aurait pris à sa charge lesdits frais ;

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte des bénéfices escomptés :

Considérant que si la société Aareal Bank France soutient qu'elle a été privée du bénéfice escompté de l'opération d'aménagement qu'elle chiffre à la somme de 9 612 000 F, elle n'apporte, à l'appui de sa demande, aucun élément de nature à établir la réalité de cette perte ; que, par suite, il y a lieu de rejeter ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Spim Maulois, aux droits de laquelle a succédé la société Aareal Bank France, a subi un préjudice d'un montant de 7 949 138 F duquel y a lieu de retrancher la somme de 4 151 000 F qui lui a été versée par la commune de Moissy-Cramayel en contrepartie de la vente des terrains destinés à l'opération d'aménagement ; qu'ainsi le préjudice s'établit à la somme de 3 798 138 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité décidé par le tribunal et confirmé par le présent arrêt, il y a lieu de fixer le préjudice indemnisable à la somme de 2 658 696, 60 F ; qu'il s'ensuit, d'une part, que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est seulement fondé à demander que la somme de 4 912 704 F au paiement de laquelle l'Etat a été condamné par les premiers juges soit ramenée à 2 658 696, 60 F, d'autre part, que l'appel incident de la société Aareal Bank France tendant à ce que l'indemnité due par l'Etat soit portée à la somme de 3 409 188 euros ne peut qu'être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la société Aareal Bank France la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 4 912 704 F que l'Etat a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 19 janvier 1999, à payer à la société Mansart est ramenée à 405 315, 68 euros (2 658 696, 60 F).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 951 115 en date du 19 janvier 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et le recours incident de la société Aareal Bank France sont rejetés.

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N° 99PA02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 99PA02949
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JANNIN
Rapporteur ?: M. LENOIR
Rapporteur public ?: M. HEU
Avocat(s) : MARTIN-IMPERATORI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-12-18;99pa02949 ?
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