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08/06/2004 | FRANCE | N°00PA01043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre - formation a, 08 juin 2004, 00PA01043


Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 2000, présentée pour la SOCIETE ANONYME QUILLERY, dont le siège est situé 2, rue Hélène Boucher, 93336 Neuilly sur Marne Cédex, par la SCP GUIGUET-BACHELLIER-DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE ANONYME QUILLERY demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 987619 en date du 3 février 2000, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'exécution d'un précédent jugement du 5 juin 1998 ;

2°) de faire droit à sa dema

nde de première instance en condamnant le Syndicat d'agglomération nouvelle de S...

Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 2000, présentée pour la SOCIETE ANONYME QUILLERY, dont le siège est situé 2, rue Hélène Boucher, 93336 Neuilly sur Marne Cédex, par la SCP GUIGUET-BACHELLIER-DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE ANONYME QUILLERY demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 987619 en date du 3 février 2000, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'exécution d'un précédent jugement du 5 juin 1998 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance en condamnant le Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint Quentin en Yvelines, sous astreinte de 10.000 F par jour, à exécuter le jugement du 5 juin 1998 conformément aux dispositions réellement applicables, notamment, aux calculs des intérêts moratoires et des capitalisations, ainsi qu'à la majoration de 2% ;

3°) de condamner le Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint Quentin en Yvelines à lui verser une somme de 20.000 F en remboursement des frais irrépétibles ;

……………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 portant loi de finances rectificative pour 1996 ;

Vu l'arrêté du 17 janvier 1991 modifié ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2004 :

- le rapport de M. EVEN, premier conseiller,

- les observations de Me POTIER DE LA VARDE ; avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la SA EIFFAGE TP, venant aux droits de la SOCIETE ANONYME QUILLERY,

- et les conclusions de M. TROUILLY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE ANONYME QUILLERY a en application d'un marché du 28 juin 1982 notifié le 1er juillet 1982, réalisé les travaux de conception et d'exécution d'un château d'eau situé à Montigny-le-Bretonneux ; que le tribunal administratif de Versailles a par un jugement non contesté du 5 juin 1998, condamné le Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint Quentin en Yvelines à verser à la SOCIETE ANONYME QUILLERY une somme de 401.902 F TTC au titre de travaux supplémentaires, majorés des intérêts moratoires à compter du 27 août 1985, capitalisés aux 7 août 1992, 24 décembre 1993, 11 mai 1995 et 28 juillet 1997 ; que ce dernier a en application de ce jugement versé une somme totale de 1.441.739,35 F contestée par la SA EIFFAGE TP, laquelle a repris l'instance introduite par la SOCIETE ANONYME QUILLERY qui réclame le versement de 2.895.796,60 F TTC, dont 2.459.524,67 F au titre des intérêts moratoires ; que pour demander la complète exécution de ce jugement la SA EIFFAGE TP soutient que le taux qui doit être appliqué à ces intérêts moratoires doit être fixé à 17% et non 11,5% et conteste ainsi le jugement en date du 3 février 2000, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'exécution du jugement du 5 juin 1998 ;

Considérant en premier lieu qu'en mentionnant à l'article 11.7 du cahier des clauses administratives générales applicables à l'exécution dudit marché, auquel le tribunal s'est lui-même référé, « le droit à des intérêts moratoires dans les conditions réglementaires en cas de retard de mandatement », les parties contractantes n'ont pas entendu faire application d'un taux contractuel distinct de celui résultant des dispositions législatives et réglementaires de droit commun ; que c'est donc par suite d'une simple erreur matérielle que le tribunal administratif a dans son jugement du 5 juin 1998 fait référence à l'article 181 du code des marchés publics alors applicable aux seuls « contrats conclus avec un maître d'oeuvre ou tout autre prestataire de services » ; que par suite la SA EIFFAGE TP n'est pas fondée à invoquer le bénéfice de l'ancien article 181 du code des marchés public dans sa rédaction antérieure au décret n° 90-1070 du 30 novembre 1990 et des arrêtés d'application dudit article en date des 29 août 1977 et 30 octobre 1981 aux termes desquels « Le taux des intérêts moratoires prévu à l'article 181 du code des marchés publics est le taux d'intérêt des obligations cautionnées majoré de deux points et demi », soit 17% ;

Considérant en second lieu que les taux et les modalités de calcul des intérêts moratoires applicables au présent marché passé par un établissement public territorial sont fixés, en application de l'article 182 dudit code, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé du budget, compte tenu de l'évolution moyenne des taux d'intérêts appliqués de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises ; qu'en vertu de l'arrêté du 17 décembre 1993 pris pour l'application de l'article 182 de ce code, le taux des intérêts moratoires dus au titre des marchés publics dont la procédure de passation a été lancée à compter du 19 décembre 1993 est le taux légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points ; qu'il résulte de ces dispositions que le taux des intérêts moratoires applicables aux marchés publics dont la procédure de passation était antérieure au 19 décembre 1993 restait en revanche déterminé par référence au taux d'intérêt des obligations cautionnées en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir ; que toutefois, aux termes de l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 : « Le taux des intérêts moratoires applicables aux marchés régis par le code des marchés publics dont la procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 est fixé par voie réglementaire en tenant compte de l'évolution moyenne des taux d'intérêts applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises. La présente disposition s'applique aux intérêts moratoires non encore mandatés à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. » ; qu'en application de cette loi, dont la portée ne soulève aucune difficulté d'interprétation qui justifierait une référence aux travaux préparatoires, l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 31 mai 1997 a étendu aux marchés publics dont la procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 le régime des intérêts moratoires dus en application du code des marchés publics pour les marchés passés après le 19 décembre 1993 ;

Considérant en troisième lieu qu'en vertu de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations dudit article, porter atteinte au droit de toute personne au respect de ses biens en prenant des mesures législatives à portée rétroactive, sauf si son intervention est justifiée par des motifs d'intérêt général ; que toutefois, l'article 50 précité de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 a pour seul objet d'assurer l'égalité de traitement entre les titulaires de marchés dont les intérêts moratoires n'ont pas été mandatés avant le 1er janvier 1997, quelle que soit la date à laquelle a été lancée la procédure de passation du marché qui leur a été attribué ; qu'ainsi, cette disposition législative doit être regardée comme ayant été édictée dans un but d'intérêt général et ne constitue pas une ingérence dépourvue de base raisonnable dans la jouissance du bien que constitue, au sens des stipulations de l'article 1er du protocole susrappelé, le droit de créance d'intérêts moratoires détenu par la SA EIFFAGE TP ;

Considérant que l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 n'a ni pour objet ni pour effet de faire échec à l'exécution de décisions de justice ; qu'eu égard au but d'intérêt général en vue duquel il a été édicté, le moyen tiré de ce que ledit article et les dispositions de l'arrêté du 31 mai 1997 relatif aux intérêts moratoires dus au titre des marchés publics pris pour son application porteraient atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté ;

Considérant que si l'article 50 de la loi du 30 décembre 1996 a entendu conférer un caractère rétroactif au texte réglementaire dont il a prévu l'intervention, il résulte de ce qui précède que cette disposition législative n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son protocole additionnel ; que, par suite, et sans que la SA EIFFAGE TP puisse utilement se prévaloir de la méconnaissance du délai raisonnable imparti aux juridictions administratives pour statuer, l'arrêté du 31 mai 1997 a pu légalement fixer au 1er janvier 1997, date d'entrée en vigueur de ladite loi, la date à partir de laquelle les intérêts moratoires non encore mandatés relatifs aux marchés publics dont la procédure de passation est antérieure au 19 décembre 1993, seraient calculés par référence aux taux d'intérêt applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, les intérêts moratoires qui lui étaient dus en application du marché passé le 28 juin 1982 pouvaient légalement être calculés par référence au taux d'intérêt légal même au titre de la période antérieure à la publication de cet arrêté du 1er juin 1997 ;

Considérant enfin que pour demander la complète exécution du jugement du 5 juin 1998, la SA EIFFAGE TP soutient que les intérêts qui lui étaient dus devaient être majorés de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 2 de l'arrêté du 17 janvier 1991 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; que toutefois les intérêts moratoires dus pour le retard de mandatement des sommes venant en règlement d'un marché public ne sauraient entrer dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 266 du code général des impôts dès lors qu'ils n'ont pas de rapport avec la prestation ou la réception de cette prestation et ne constituent pas la rétribution d'une opération au sens du I de l'article 256 du code général des impôts mais s'analysent au contraire comme une indemnité servie en raison du retard intervenu dans le paiement ; que l'arrêté du 17 janvier 1991 a d'ailleurs été expressément abrogé par l'article 2 de l'arrêté ministériel NOR : FCM9700034A du 31 mai 1997 ; que le tribunal administratif n'a d'ailleurs pas décidé que les intérêts moratoires seraient assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il n'y avait donc pas lieu de majorer les intérêts en cause de la taxe sur la valeur ajoutée ; que par conséquent le jugement susvisé a, sur ce point aussi, été complètement exécuté au moment du mandatement des dits intérêts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement en date du 5 juin 1998 du tribunal administratif de Versailles a été entièrement exécuté ; que la SA EIFFAGE TP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 février 2000, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions à fin de complète exécution du jugement du 5 juin 1998 présentées sur le fondement de l'article L.911-4 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SA EIFFAGE TP la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la SA EIFFAGE TP à payer la somme de 2.000 euros au Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA EIFFAGE TP, laquelle a repris l'instance introduite par la SOCIETE ANONYME QUILLERY, est rejetée.

Article 2 : La SA EIFFAGE TP versera la somme de 2.000 euros au Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint Quentin en Yvelines au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

5

N° 00PA01043

Classement CNIJ: 26-055-01-06

C+ 39-05-05-02


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 00PA01043
Date de la décision : 08/06/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés RIVAUX
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : CEOARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-06-08;00pa01043 ?
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