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05/07/2006 | FRANCE | N°03PA04474

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 05 juillet 2006, 03PA04474


Vu le recours, enregistré le 2 décembre 2003, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0019626/6 et 0217669/6 en date du 2 septembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat, d'une part, à verser à

Mme Martine X la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors d'une intervention chirurgicale le 14 octobre 1996 à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce, et à la mutualité social

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Vu le recours, enregistré le 2 décembre 2003, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0019626/6 et 0217669/6 en date du 2 septembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat, d'une part, à verser à

Mme Martine X la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors d'une intervention chirurgicale le 14 octobre 1996 à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce, et à la mutualité sociale agricole du département du Nord la somme de 104 645, 68 euros en remboursement de ses débours et, d'autre part, à rembourser à la mutualité sociale agricole du département du Nord, dans la limite d'un capital représentatif de 67 867, 75 euros, les arrérages à échoir de la pension d'invalidité attribuée à Mme X ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :

- le rapport de M. Jarrige, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Folscheid , commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE LA DEFENSE à l'appel incident de Mme X ;

Considérant que Mme X, qui souffrait par épisodes de lombalgies depuis l'été 1989, a subi le 11 avril 1996 une arthrodèse lombaire au sein du service de neurochirurgie de l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce ; que ses lombalgies s'étant aggravées, elle a fait l'objet le 14 octobre suivant, au sein du même service, de l'ablation d'une fibrose, d'une reprise des cages intersomatiques et d'une arthrodèse postérieure ; qu'à la suite de l'intervention est apparue une infection qui a motivé une nouvelle opération le 29 du même mois, elle-même suivie de traitements antibiotiques ; qu'après une alternance au cours de l'année 1997 de périodes de rémission et de recrudescence des douleurs, et l'ablation, le 28 janvier 1998, au sein du même service du matériel d'ostéosynthèse, la symptomatologie clinique a persisté ; que Mme X a été licenciée pour inaptitude totale et définitive par le Crédit agricole avec effet au 30 juin 1999 et a perçu une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 1er juillet suivant de la mutualité sociale agricole du département du Nord ; que, par le jugement en date du 2 septembre 2003 attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat, d'une part, à verser à Mme X la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 14 octobre 1996 précitée et à la mutualité sociale agricole du département du Nord la somme de 104 645, 68 euros en remboursement de ses débours et, d'autre part, à rembourser à la mutualité sociale agricole du département du Nord, dans la limite d'un capital représentatif de 67 867, 75 euros, les arrérages à échoir de la pension d'invalidité attribuée à Mme X ;

Sur le préjudice :

Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE, qui ne conteste pas le principe de la responsabilité de l'Etat, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont bornés à additionner les créances respectives de Mme X et de la mutualité sociale agricole du département du Nord, et ont ainsi condamné l'Etat à rembourser à cette dernière la totalité des arrérages échus et à échoir de la pension d'invalidité qu'elle a attribuée à compter du

1er juillet 1999 à Mme X, sans avoir au préalable évalué, selon les règles de droit commun, le préjudice global causé à Mme X par l'infection nosocomiale litigieuse et distingué la part de l'indemnité réparant l'atteinte portée à son intégrité physique de celle réparant ses préjudices à caractère personnel ;

Considérant que le montant de 63 404, 35 euros de frais pharmaceutiques, médicaux et d'hospitalisation imputables à l'infection litigieuse retenu par les premiers juges n'est pas sérieusement contesté en appel ;

Considérant que si le MINISTRE DE LA DEFENSE conteste la prise en compte par le tribunal dans la période d'incapacité temporaire totale ou partielle de Mme X de la période allant du 2 au 4 janvier 1998, il résulte de l'instruction que celle-ci a été exclue par les premiers juges ; qu'en revanche, le ministre est fondé à demander que soit exclue la période allant du 11 au 14 octobre 1996, antérieure à l'opération à l'origine de l'infection litigieuse ; que, par suite, la perte de rémunération subie par Mme X compensée par le versement d'indemnités journalières par la mutualité sociale agricole du département du Nord doit être ramenée à la somme de 28 049, 32 euros ;

Considérant que la lettre de l'employeur de Mme X en date du 9 décembre 1999 produite au dossier et les autres éléments y figurant ne font pas apparaître de baisse de sa rémunération de base au cours de la période allant du 14 octobre 1996 au 30 juin 1999, date de son licenciement, après prise en compte du versement des indemnités journalières ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les sommes qui lui ont été versées au titre de l'intéressement au cours des années 1996 à 1998 sont supérieures à celles des années précédentes et que si les sommes versées au titre de la participation sont en revanche nettement inférieures, ces éléments de rémunération sont très aléatoires ; qu'ainsi il n'est pas établi qu'une rémunération de base et des primes d'intéressement et de participation de moindre importance auraient été versées à Mme X au cours de cette période ;

Considérant par ailleurs, que l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, le docteur Y, a constaté, au vu du dossier médical de Mme X et d'un examen clinique pratiqué le 30 mars 2000, une bonne tolérance des suites des quatre interventions sur le rachis et une discordance entre l'intensité de la plainte et la relative normalité de l'examen clinique, qu'il a estimé à 4% son taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'infection litigieuse et émis des doutes sur un lien de causalité direct et certain entre l'inaptitude totale et définitive au travail de l'intéressée et ladite infection ainsi que sur la réalité de cette inaptitude ; qu'aucun document médical ou dire d'expert de nature à infirmer ou faire naître un doute sur la pertinence de ces appréciations n'a été produit ; qu'ainsi, la rupture du contrat de travail de Mme X par son employeur le 30 juin 1999 pour inaptitude totale et définitive ne peut être regardée comme trouvant sa cause directe et certaine dans l'infection incriminée ; que, par suite, il n'y a pas lui d'indemniser des pertes de rémunération à compter du 1er juillet 1999 du fait de la différence entre la rémunération à laquelle elle aurait pu prétendre compte tenu d'une évolution de carrière normale et le montant de la pension d'invalidité qui lui a été allouée ;

Considérant enfin que le docteur Y a estimé à 5 sur une échelle de 7 les souffrances physiques endurées par Mme X et à 1 sur une échelle de 7 son préjudice esthétique ; qu'eu égard par ailleurs à l'incapacité permanente partielle dont elle est restée atteinte, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices et de ces troubles de toute nature dans les conditions d'existence, y compris son préjudice d'agrément, en allouant à ce titre la somme globale de 18 000 euros, dont 3 000 euros réparent l'atteinte portée à l'intégrité physique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant du préjudice global de Mme X est de 109 453, 67 euros et celui de son préjudice corporel de 94 453, 67 euros ;

Sur les droits de la mutualité sociale agricole du département du Nord :

Considérant que la mutualité sociale agricole du département du Nord est fondée à demander le remboursement des frais pharmaceutiques, médicaux et d'hospitalisation qu'elle a exposés à concurrence de la somme de 63 404, 35 euros et des indemnités journalières qu'elle a servies à concurrence de 28 049, 32 euros ; que si elle demande également, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 13 100 euros au titre des arrérages échus au 27 février 2001 de la pension d'invalidité servie à Mme X depuis le 1er juillet 1999 et celle de 37 891, 30 euros au titre des arrérages échus de la même pension de cette date à celle du décès de l'intéressée le 23 mai 2005, elle ne peut prétendre, eu égard au montant du préjudice corporel de l'intéressée tel qu'établi ci-dessus et au taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'infection litigieuse retenu, qu'au versement à ce titre de la somme de 3 000 euros ; que, par suite, la somme de 104 645, 68 euros que le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la mutualité sociale agricole du département du Nord en remboursement de ses débours doit être ramenée à celle de 94 453, 67 euros qui, comme demandé, portera intérêts à compter du 27 février 2001, date de présentation de sa demande devant le tribunal administratif, capitalisés le 11 avril 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que le surplus de la condamnation prononcée à son profit doit être annulé ; que, dès lors, le ministre de la défense est fondé à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'après déduction des droits de la mutualité sociale agricole du département du Nord, ceux de Mme X s'élèvent à la somme de 15 000 euros que, par le jugement attaqué qui doit être confirmé sur ce point, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la mutualité sociale agricole du département du Nord à l'encontre de l'Etat doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 104 645, 68 euros que l'Etat a été condamné à verser à la mutualité sociale agricole du département du Nord en remboursement de ses débours par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 septembre 2003 est ramenée à 94 453, 67 euros et portera intérêts au taux légal à compter du 27 février 2001. Les intérêts échus à la date du

11 avril 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le surplus de la condamnation prononcée par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 septembre 2003 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE, les conclusions présentées par la mutualité sociale agricole du département du Nord et l'appel incident de Mme X sont rejetés.

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N° 03PA04474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA04474
Date de la décision : 05/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Antoine JARRIGE
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : DERAMAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-07-05;03pa04474 ?
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