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05/07/2006 | FRANCE | N°04PA03229,04PA03267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation a, 05 juillet 2006, 04PA03229,04PA03267


Vu, I, sous le n° 04PA3229, la requête enregistrée le 31 août 2004, présentée pour

M. et MmeB..., demeurant..., par la SCP Huglo Lepage

et associés ; M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0307708/6 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'indemnisation du préjudice financier qu'elle a subi du fait de l'arrêt de toute activité professionnelle et d'autre part, a alloué à Mme B...une indemnité de 20 000 euros au titre de la réparation des troubl

es dans les conditions d'existence et une indemnité de 2 000 euros à M. B...en répar...

Vu, I, sous le n° 04PA3229, la requête enregistrée le 31 août 2004, présentée pour

M. et MmeB..., demeurant..., par la SCP Huglo Lepage

et associés ; M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0307708/6 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'indemnisation du préjudice financier qu'elle a subi du fait de l'arrêt de toute activité professionnelle et d'autre part, a alloué à Mme B...une indemnité de 20 000 euros au titre de la réparation des troubles dans les conditions d'existence et une indemnité de 2 000 euros à M. B...en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à verser à Mme B...en réparation des préjudices subis, toutes causes confondues, la somme de 554 363, 25 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2002, date du recours préalable ;

3°) de condamner l'Etablissement français du sang à verser à M. B...en réparation de son préjudice moral la somme de 44 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du

11 décembre 2002 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme B...soutiennent que la responsabilité de l'Etablissement français du sang a été reconnue par le tribunal et qu'à ce titre Mme B...a droit à réparation intégrale de ses préjudices ; qu'en rejetant la demande de Mme B...de réparer le préjudice occasionné par la cessation de toute activité professionnelle, le tribunal qui s'est fondé sur " la gravité et la persistance des atteintes digestives " de l'intéressée se trompe manifestement ; que, en effet, Mme B...s'est tout à fait remise de son opération de colectomie totale, qui n'est pas la cause directe de la cessation de toute activité professionnelle et que, de toute évidence, les préjudices subis par Mme B...ont pour origine directe et exclusive la contamination par le virus de l'hépatite C ; que depuis juin 1982 Mme B...n'a pas été rétablie en raison de l'existence d'une hépatite persistante avec des transaminases restant en permanence au dessus de trois fois la normale ; qu'elle n'a, de ce fait et en raison de la très grande fatigue dont elle est toujours atteinte, jamais pu reprendre son activité d'assistante de direction ; qu'elle souffre d'une asthénie très importante directement due au virus de l'hépatite C et qui, associée à son état dépressif fait obstacle à la reprise de toute activité professionnelle ; qu'elle a d'ailleurs été placée en invalidité à 80% par la COTOREP à compter du 1er juillet 1993 ; que, au moment des faits litigieux, Mme B...percevait un salaire annuel de 141 600 francs ; que la perte de salaire doit être indexée sur le coût de la vie ; que doit s'y ajouter la perte financière au titre de l'absence de cotisations pendant neuf années ; qu'ainsi Mme B...demande au titre du préjudice économique le versement d'une somme qui ne saurait être inférieure à

334 363, 25 euros ; que le tribunal a manifestement sous évalué les souffrances de

Mme B...du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'en l'espèce

Mme B...supporte une fatigue asthéniante, elle subit quotidiennement des préjudices désagréables lui occasionnant des troubles importants dans ses conditions d'existence et elle doit suivre une hygiène de vie très stricte ; qu'elle subit un préjudice moral très important depuis la découverte de sa contamination ; qu'elle s'estime fondée à demander au titre des troubles dans les conditions d'existence, une somme qui ne saurait être inférieure à 220 000 euros calculée sur la base d'une indemnisation forfaitaire de 10 000 euros par année de contamination ; que

M. B...craint aujourd'hui la perte prématurée de son épouse et la connaissance par ce dernier de l'issue fatale de cette maladie et des souffrances endurées par son épouse dans la lutte contre la maladie lui occasionnent un préjudice moral très important ; que M. B...doit être réparé de cet important préjudice à hauteur de 44 000 euros, calculée sur la base de 2 000 euros par année de contamination de MmeB... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2004, pour la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne par la SCP Leclercq-Caron ; la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne demande à la cour : 1°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui payer la somme de 49 980, 12 euros au titre de l'arrérage échu de la pension d'invalidité servie du

12 juin 1985 au 31 octobre 1991, avec intérêts de droit ; 2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui payer en tant que de besoin les sommes que la caisse requérante serait amenée à verser à la demanderesse au titre de son préjudice consécutif à l'hépatite C ; 3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne soutient que la matérialité des faits telle que présentée par les époux B...ne souffre pas de discussion ; qu'elle demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a effectivement versés à Mme B...pour

383, 69 euros ; qu'elle a également versé une pension d'invalidité avec prise d'effet au

12 juin 1985 pour un montant total de 49 980, 12 euros ; qu'elle précise que ces frais, ainsi qu'en attestent les médecins conseils de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne, sont en rapport avec la pathologie en cause ; qu'elle est donc fondée à obtenir la condamnation de l'Etablissement français du sang au paiement de cette somme déjà versée ;

Vu la mise en demeure, adressée le 28 février 2005, à MeC..., en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2005, présenté pour l'Etablissement français du sang ; l'Etablissement français du sang demande à la cour de prononcer la jonction des instances n° 04PA03229 et 04PA03267, de constater l'absence de tout préjudice financier subi du fait de l'arrêt de toute activité professionnelle en 1982 qui serait imputable à la contamination virale de MmeB..., de constater que le montant des indemnités sollicitées par Mme B...au titre de l'indemnisation de ses préjudices personnels est manifestement excessif et infondé, de constater le caractère infondé des prétentions indemnitaires de

M.B..., de constater que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne ne justifie pas de ce que la pension d'invalidité versée à Mme B...serait en relation directe, certaine et exclusive avec la contamination virale de son assurée, de juger que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne serait en tout état de cause irrecevable à solliciter le remboursement de débours qu'elle aurait pu exposer devant les premiers juges, et en conséquence, de rejeter la requête des épouxB..., de rejeter les demandes de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne, de ramener à de plus raisonnables proportions les préjudices résultant pour

Mme B...de sa contamination par le virus de l'hépatite C, de condamner les

époux B...et la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne au versement d'une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; l'Etablissement français du sang soutient que les conclusions de l'expert confirment l'absence de tout signe de décompensation invalidant de l'hépatite chronique C dont souffre Mme B...au jour de l'expertise diligentée en janvier 2002, soit 10 ans après la cessation d'activité ; qu'il est démontré que la cessation d'activité de Mme B...à l'âge de cinquante ans dans les suites de l'intervention réalisée le 27 juin 1982, ne saurait être imputée de manière directe, certaine et exclusive au contage du virus de l'hépatite C à cette occasion, mais ressort bien de la seule pathologie colique présentée par Mme B...; qu'au jour de la rédaction du rapport d'expertise, Mme B...ne présentait aucun signe d'évolution péjorative de sa maladie contractée auparavant ; que l'indemnisation allouée par les premiers juges, alors que l'expert a retenu un pretium doloris nul et que, s'agissant du préjudice d'agrément, rien ne permet d'établir que Mme B...s'adonnait à des activités de loisir et sportives importantes avant sa contamination virale C, présente un caractère excessif ; que la somme allouée par les premiers juges à M. B...en réparation de son préjudice moral apparaît conforme à celle généralement allouée dans les espèces similaires ; qu'il ne justifie pas d'un préjudice personnel qui justifierait l'allocation d'une somme de 44 000 euros ; que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne ne démontre pas que le versement d'une pension d'invalidité serait directement et exclusivement imputable à la contamination virale C de son assurée ;

Vu, II, sous le n° 04PA03267, la requête enregistrée le 2 septembre 2004, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est 100 avenue de Suffren à Paris cédex 15 (75725) par MeC... ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0307708/6 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné à verser à Mme B...la somme de 20 000 euros ;

2°) de procéder à une juste évaluation des préjudices résultant pour Mme B...de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG soutient que le tribunal, pour allouer la somme de 20 000 euros, n'a pas tenu compte des conclusions expertales et a retenu les seules allégations de Mme B...non corroborées par des pièces médicales ; qu'ainsi l'expert a considéré, dans son rapport, que Mme B...n'avait subi aucun pretium doloris ; qu'elle a refusé de se soumettre à une ponction biopsie hépatique ainsi que à un traitement pour son hépatite C ; qu'aucune pièce médicale n'a été produite aux débats de nature à apprécier l'état de santé actuel de MmeB... ; que l'asthénie et les troubles digestifs dont elle se plaint sont imputés par l'expert aux antécédents digestifs de l'intéressée ; que celle-ci a cessé toute activité professionnelle dans les suites immédiates de l'intervention chirurgicale pour colectomie totale subie en septembre 1982 ; que l'indemnité qui lui a été allouée est manifestement surévaluée et sa justification pour partie erronée au regard des conclusions de l'expert ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2004, présenté pour

M. et Mme B...par Me A...; ils concluent au rejet de la requête ; ils soutiennent que la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été reconnue par le tribunal et qu' à ce titre Mme B...a droit à réparation intégrale de ses préjudices ; que le tribunal a, à juste titre, pris en compte les souffrances endurées au titre du préjudice d'agrément ; qu'il s'agit en effet des souffrances morales endurées dues à son état de grande fatigue, au caractère chronique de sa maladie et à la connaissance de l'issue mortelle de celle-ci ; qu'à l'époque à laquelle

Mme B...a été atteint de l'hépatite C, en 1982, le traitement tri-thérapique n'existait pas ; que l'affirmation selon laquelle Mme B...aurait refusé tout traitement est erroné ; que l'expert a indiqué que Mme B...était atteinte d'une hépatite C active ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2005, présenté pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, concluant aux mêmes fins que la requête ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande en outre à la cour : 1°) de prononcer la jonction des instances

n° 04PA03229 et 04PA03267 ; 2°) de constater le caractère infondé des prestations indemnitaires de M B...; 3°) de constater que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne ne justifie pas de ce que la pension d'invalidité versée à Mme B...serait en relation directe, certaine et exclusive avec la contamination virale de son assurée ; 4°) de juger que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne serait en tout état de cause irrecevable à solliciter le remboursement de débours qu'elle aurait pu exposer devant les premiers juges, et en conséquence, rejeter la requête des époux B...; 5°) de rejeter les demandes de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne ; 6°) de condamner les époux B...et la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne au versement d'une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient en outre que les conclusions de l'expert confirment l'absence de tout signe de décompensation invalidant de l'hépatite

chronique C dont souffre Mme B...au jour de l'expertise diligentée en janvier 2002, soit

10 ans après la cessation d'activité ; qu'il est démontré que la cessation d'activité de Mme B...à l'âge de cinquante ans dans les suites de l'intervention réalisée le 27 juin 1982, ne saurait être imputée de manière directe, certaine et exclusive au contage du virus de l'hépatite C à cette occasion, mais ressort bien de la seule pathologie colique présentée par Mme B...; qu'au jour de la rédaction du rapport d'expertise, Mme B...ne présentait aucun signe d'évolution péjorative de sa maladie contractée auparavant ; que la somme allouée par les premiers juges à

M. B...en réparation de son préjudice moral apparaît conforme à celle généralement allouée dans les espèces similaires ; qu'il ne justifie pas d'un préjudice personnel qui justifierait l'allocation d'une somme de 44 000 euros ; que la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne ne démontre pas que le versement d'une pension d'invalidité serait directement et exclusivement imputable à la contamination virale C de son assurée ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2005, présenté pour M. et MmeB..., concluant aux mêmes fins que leur précédent mémoire et en outre à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG soit condamné à verser à Mme B...la somme de 554 363, 25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2002, date du recours préalable, à verser à M. B...en réparation de son préjudice moral la somme de 44 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2002, enfin à verser la somme de 4 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice adminidstrative ; ils soutiennent que Mme B...s'est tout à fait remise de son opération de colectomie totale, qui n'est pas la cause directe de la cessation de toute activité professionnelle et que de tout évidence les préjudices subis par Mme B...ont pour origine directe et exclusive la contamination par le virus de l'hépatite C ; que depuis

juin 1982 Mme B...n'a pas été rétablie en raison de l'existence d'une hépatite persistante avec des transaminases restant en permanence au dessus de trois fois la normale ; qu'elle n'a de ce fait et en raison de la très grande fatigue dont elle est toujours atteinte jamais pu reprendre son activité d'assistante de direction ; que l'expert a très clairement énoncé dans ses conclusions que le préjudice d'agrément est important et doit être considéré en particulier pour l'influence de cette contamination sur sa qualité de vie personnelle ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG commet une confusion entre le pretium doloris et le préjudice d'agrément ; que ce dernier engloge les troubles dans les conditions d'existence et l'état d'anxiété ressentis par le malade ; que M. B...craint aujourd'hui la perte prématurée de son épouse et la connaissance par ce dernie de l'issue fatale de cette maladie et des souffrances endurées par son épouse dans la lutte contre la maladie lui occasionnent un préjudice moral très important ;

Vu le mémoire, enregistré sous les n° 04PA03229 et 04PA03267, le 21 octobre 2005, présenté pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'expert a exclu tout préjudice esthétique et tout pretium doloris imputable au contage du virus de l'hépatite C et qu'il a indiqué qu'il n'existait aucun signe d'évolution péjorative vers la cirrhose ; que Mme B...est atteinte, indépendamment de sa contamination virale C, d'une maladie de Crohn qui occasionne des troubles dans les conditions d'existence dont l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ne saurait répandre ;

Vu le mémoire, enregistré sous le n° 04PA03229 le 15 juin 2006, présenté pour la caisse de Mutualité Sociale Agricole persistant dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°52-854 du 21 janvier 1952 modifiée relative aux établissements agréés en vue de la préparation des produits sanguins ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 102 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :

- le rapport de Mme Pierart, rapporteur,

- les observations de MeD..., pour M. et MmeB..., et celles de

MeE..., pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 04PA03229 et 04PA03267 sont dirigées contre le même jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juin 2004 ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les préjudices de MmeB... :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., qui exerçait le métier de secrétaire de direction jusqu'en 1982 n'a pas repris son activité professionnelle après l'opération de colectomie totale qu'elle a subie le 27 juin 1982 ; que, si Mme B...soutient que cette intervention n'est pas la cause directe de la cessation de son activité mais est imputable à une asthénie particulièrement invalidante et à une très grande fatigue, caractéristiques de l'hépatite C dont elle est atteinte, il ressort du rapport de l'expert désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 24 mai 2000, que MmeB..., qui a été examinée le 19 avril 2001, se plaint non seulement de fatigue mais de troubles digestifs ; que, si la fatigue peut être imputée, ainsi que le soutient la requérante, à sa contamination par le virus de

l'hépatite C, les troubles digestifs dont elle souffre se rapportent à sa pathologie colique qui nécessite depuis l'intervention chirurgicale de 1982 un suivi et un traitement régulier ; que l'expert, qui a constaté à l'examen un état général conservé, n'a observé, en outre, aucune évolution de l'hépatite chronique dont la contamination remonte à près de vingt ans ; que l'attestation du docteur Villet, datée du 27 juillet 2004, selon laquelle Mme B...aurait dû pouvoir, après l'opération du 20 mars 1984 pour rétablissement de la continuité à la suite de la colectomie, reprendre une vie normale, ne suffit pas à établir que la cessation de son activité professionnelle trouverait sa cause directe et exclusive dans la contamination par le virus de l'hépatite C ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges, par les motifs qu'ils ont retenu, ont rejeté la demande de Mme B...tendant au versement d'une indemnité réparant un préjudice professionnel ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., née le

13 octobre 1931, est porteuse du virus de l'hépatite C depuis 1982 ; qu'elle a subi une ponction biopsie hépatique en 1984 qui n'a pas été douloureuse ; que, l'expert relève un bon état général apparent de l'intéressée ; qu'elle présente toutefois une asthénie et un état légèrement dépressif qui s'accompagnent d'une grande anxiété et sont à l'origine d'un préjudice d'agrément certain ; que, si la requérante se prévaut de l'influence de cette contamination sur la qualité de sa vie familiale, sociale et personnelle et des inquiétudes légitimes qu'elle éprouve quant à l'évolution de son hépatite, il ressort du rapport d'expertise que MmeB..., qui se plaint essentiellement de fatigue et de troubles digestifs, est également atteinte d'une maladie de Crohn nécessitant un traitement suivi ; qu'ainsi, compte tenu de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par MmeB..., lesquels comprennent les troubles dans les conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément et les souffrances psychiques, en lui accordant la somme de 10 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2002 ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer le jugement attaqué en ce sens et de rejeter les conclusions de Mme B...tendant à la réévaluation de cette indemnité ;

Sur le préjudice de M.B... :

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. B...du fait de la contamination de son épouse par le virus de l'hépatite C en fixant à la somme de 2 000 euros l'indemnité qui doit lui être allouée à ce titre ;

Sur les droits de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne :

Considérant que les premiers juges, qui ont condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à rembourser à la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne les frais qu'elle engagera à l'avenir dans l'intérêt de Mme B...en lien direct et exclusif avec l'hépatite dont elle est atteinte, au fur et à mesure de ses débours dans la limite d'une somme de 49 980, 12 euros, ont rejeté la demande de la caisse tendant au remboursement de la pension d'invalidité qu'elle a servie à Mme B...entre le 12 juin 1985 et le 31 octobre 1991 au motif que ladite pension n'était pas directement et exclusivement liée aux conséquences de la contamination de l'assurée par le virus de l'hépatite C ; que, si la caisse présente à nouveau cette demande en appel, elle se borne à produire un document établi par les médecins conseils de la caisse attestant que " les frais mentionnés et la pension d'invalidité sont en rapport avec la pathologie en cause " ; que cette seule attestation, eu égard aux termes peu précis dans lesquels elle est rédigée, alors que Mme B...est atteinte d'une maladie de Crohn, diagnostiquée en 1982, et souffre d'une pathologie colique qui a entraîné plusieurs interventions chirurgicales depuis cette date (colectomie en 1982 et rétablissement de continuité en 1984), n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter, pour le même motif, les conclusions de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne aux fins de remboursement des arrérages de rente servis à son assurée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M et MmeB..., d'une part, et à la caisse de Mutualité sociale agricole de l'Aisne, d'autre part, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la caisse de Mutualité sociale agricole de l'Aisne, à payer à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par eux ; qu'enfin il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. et Mme B...à payer à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG la somme qu'il demande au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 20 000 euros que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à verser à Mme B...par le jugement du Tribunal administratif de Paris du

29 juin 2004 est ramenée à une somme de 10 000 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de M. et Mme B...et les conclusions de la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne sont rejetées.

Article 4 : La caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne versera à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG tendant à la condamnation de M. et Mme B...à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeB..., à la caisse de Mutualité Sociale Agricole de l'Aisne et à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG. Copie en sera adressée au ministre de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2006 à laquelle siégeaient :

Mme Cartal, président,

Mme Pierart, président assesseur,

Mme Pellissier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2006.

Le rapporteur,

O. PIERARTLe président,

A-F. CARTAL

Le greffier,

E. SARRAZIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 04PA03229, 04PA03267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 04PA03229,04PA03267
Date de la décision : 05/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Dons du sang.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Troubles dans les conditions d'existence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice moral.


Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : Avocat1

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-07-05;04pa03229.04pa03267 ?
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