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22/12/2006 | FRANCE | N°03PA03992

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation b, 22 décembre 2006, 03PA03992


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2003, présentée pour M. Gérard X, élisant domicile ..., par Me Dubault ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-2193 du 22 mai 2003 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d

e justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2003, présentée pour M. Gérard X, élisant domicile ..., par Me Dubault ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-2193 du 22 mai 2003 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2006 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société civile professionnelle Y-X, au sein de laquelle M. X exerçait son activité professionnelle de chirurgien-dentiste, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1990 à 1992 ; qu'à l'issue du contrôle, le service a rehaussé les résultats de cette société et mis à la charge de M. X des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1990, 1991 et 1992 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste devant lui la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ;

Considérant que M. X soutient que le vérificateur aurait reconstitué une partie des recettes de la société civile professionnelle Y-X à partir d'un « cahier des prothèses », faisant apparaître les noms des patients ; qu'il résulte cependant de l'instruction, en particulier d'une attestation établie le 26 novembre 1993 par M. Y, associé de M. X, que les noms des patients avaient été occultés sur l'exemplaire du cahier des prothèses remis au vérificateur ; que si M. X fait valoir que l'exemplaire du cahier des prothèses remis à l'administration par M. Y ne concernait que les clients de ce dernier et qu'il avait, en ce qui le concerne, remis au vérificateur un relevé de ses propres clients, sur lequel le nom des clients n'était pas occulté, cette affirmation est expressément contredite par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et n'est corroborée par aucune des pièces du dossier ; que, contrairement à ce que soutient M. X, il n'appartient pas à la cour d'ordonner la production de documents couverts par le secret médical afin de vérifier la réalité de ses allégations ; que, s'il ressort du rapport du service à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que le vérificateur a eu connaissance postérieurement à la notification de redressements du nom d'un patient de M. X et de ce que ledit patient avait déclaré avoir bénéficié de prothèses gratuites, cette circonstance ne suffit pas à entacher d'irrégularité la reconstitution de recettes de la société civile professionnelle Y-X, dès lors qu'il résulte du même rapport que le vérificateur n'a pas utilisé cette information, qui ne fonde aucun redressement ;

Considérant, en deuxième lieu, que la notification de redressements adressée à la société civile professionnelle indiquait les motifs de rejet de la comptabilité, la nature, le montant et les motifs des redressements, ainsi que la méthode utilisée pour reconstituer les recettes de la société ; qu'elle précisait que les tarifs des prothèses étaient déterminés à partir de tarifs moyens par type de prothèse, communiqués par chacun des deux praticiens ; qu'elle était donc suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, y compris en ce qui concerne les modalités de détermination des tarifs des prothèses ; que, par ailleurs, la notification de redressements adressée à M. X mentionnait les montants des abattements pour adhésion à une association de gestion agréée, supprimés par l'administration ; que, même si cette indication figurait dans le paragraphe relatif aux pénalités, l'administration n'a donc pas méconnu les règles de motivation prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la quote-part de M. X dans le résultat de la société civile professionnelle Y-X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile professionnelle Y-X ne tenait pas de livre-journal enregistrant les recettes professionnelles de la société ; que, même si chaque associé tenait un journal de ses recettes, cette grave irrégularité justifiait à elle seule que la comptabilité de la société soit déclarée non probante et que ses résultats des années en litige 1990 à 1992 soient reconstitués à l'aide d'une méthode extra-comptable ;

Considérant que le vérificateur a déterminé les honoraires de M. X en ajoutant aux honoraires déclarés par l'intéressé, d'une part, un complément d'honoraires afférents à l'activité « soins », correspondant à la différence entre le montant des honoraires « soins » résultant de l'emploi du logiciel de gestion « Visiodent » et le montant des honoraires « soins » déclarés par l'intéressé, d'autre part, une fraction des honoraires des mois de décembre que le requérant avait à tort reportés, pour chacune des années en litige, sur le premier trimestre de l'année suivante, enfin, le redressement correspondant à la reconstitution des honoraires de l'activité « prothèses » ;

Considérant que le requérant fait valoir que le montant des honoraires « soins » retenu par le vérificateur, résultant de l'emploi du logiciel Visiodent, est un chiffre théorique, établi pour des raisons statistiques et qui ne correspond pas à son activité réelle ; que ses allégations, toutefois, ne sont assorties d'aucun élément de justification ; que, par ailleurs, s'il soutient qu'en ce qui concerne l'activité « prothèses », le même logiciel fait apparaître un montant d'honoraires théorique moindre que celui qu'il avait déclaré et que l'administration ne saurait majorer les honoraires de l'activité « soins » sans minorer ceux de l'activité « prothèses », cet argument doit être écarté dès lors que l'administration, ainsi qu'il a été dit, a procédé à la reconstitution des honoraires liés à l'activité de prothèse et qu'elle était en droit d'effectuer une telle reconstitution en l'absence de comptabilité probante ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la lettre de M. X en date du 20 décembre 1993 que celui-ci a reporté en 1991, 1992 et 1993 des honoraires respectivement de 83 250 F, 57 110 F et 62 684 F, qui auraient dû être comptabilisés en produits au titre des mois de décembre 1990, 1991 et 1992 ; que l'administration pouvait par suite réintégrer ces sommes dans les honoraires respectivement des années 1990, 1991 et 1992 ;

Considérant que le vérificateur a reconstitué les honoraires correspondant à l'activité de prothèse à partir du cahier des prothèses tenu par le prothésiste salarié de la société civile professionnelle Y-X ; qu'il a déterminé le nombre de prothèses fabriquées, par année et par type de prothèse, par la société et a ensuite interrogé MM. Y et X afin de connaître le nombre de prothèses posées par chacun d'eux ainsi que les tarifs qu'ils avaient pratiqués ; qu'il a ensuite multiplié, pour chaque type de prothèses, le nombre de pièces posées par le tarif indiqué par le praticien ; qu'en ce qui concerne l'année 1992, le cahier des prothèses n'ayant été rempli que jusqu'au mois d'août 1992, l'administration a déterminé le nombre de prothèses posées au cours de cette année en retenant la moyenne des chiffres relevés en 1990 et 1991 ;

Considérant que cette méthode est fondée sur des données objectives tirées du cahier des prothèses et sur les propres déclarations des intéressés ; que, s'agissant de l'année 1992, il ressort de la notification de redressements que le nombre de pièces confectionnées pouvait accuser des variations importantes d'une période à l'autre de l'année mais que, d'une année sur l'autre, ce nombre variait peu ; que ces indications ne sont pas contredites par le requérant, qui se borne à soutenir que l'administration devait s'en tenir aux mentions du cahier des prothèses et ne pouvait déterminer par extrapolation les recettes de l'activité prothèses qu'en se fondant sur les quatre derniers mois de l'année 1992 ; que la méthode du service n'apparaît donc pas viciée dans son principe ou sommaire, même en ce qui concerne l'année 1992 ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des pièces du dossier, en particulier du rapport du vérificateur à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que l'administration a tenu compte de ce qu'un certain nombre de pièces posées n'avait pas été facturé, en réduisant les montants de recettes prothèses reconstituées ; qu'il n'est pas établi que les réductions ainsi accordées soient insuffisantes ; qu'aucune disposition légale n'imposait à l'administration de valider sa méthode de reconstitution par une évaluation des dépenses de train de vie de M. X ; que si l'administration a retenu pour M. X des tarifs par prothèse plus importants que ceux de M. Y, il résulte des mentions de la notification de redressements, qu'aucun élément apporté par le requérant ne permet de contredire, que ces tarifs ont été communiqués au vérificateur par M. X lui-même ; qu'enfin, l'attestation produite, établie par un client de M. X, est trop imprécise et ne permet pas d'établir l'existence d'un impayé en ce qui concerne les soins de prothèse ;

En ce qui concerne les charges personnelles de M. X :

Considérant, en premier lieu, que M. X n'établit pas avoir, comme il l'affirme, parcouru chaque année avec son véhicule 25 000 kilomètres, pour se rendre de son domicile à son lieu de travail ou pour des activités d'enseignement et de formation ; qu'il n'apporte pas cette preuve en faisant valoir que son épouse disposait d'un véhicule à usage presque exclusivement familial, qui aurait parcouru 20 000 kilomètres par an ;

Considérant, en deuxième lieu, que le vérificateur a évalué les frais de blanchissage de M. X à 2 700 F par an ; que le requérant n'apporte aucune justification susceptible d'établir que cette évaluation serait insuffisante ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X n'établit pas en quoi l'achat d'une encyclopédie Larousse en 17 volumes, d'un coût de 7 581 F, présente un caractère professionnel ;

Considérant, en quatrième lieu, que le requérant n'établit pas que les travaux de réparation de son fauteuil dentaire, réalisés en 1991 par les Etablissements Lalouette Germier Magny et qui ont consisté en la réfection complète de la tablette d'instrumentation avec ses composants, avaient pour simple objet de maintenir ce matériel en état de marche et qu'ils n'ont pas eu pour effet de conférer à celui-ci un supplément de valeur ; que l'administration était en droit par suite de rejeter la déduction de cette charge de la part du résultat social revenant à M. X ; que la réponse ministérielle à M. Z, sénateur, en date du 17 juin 1982, ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1717 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie… » ;

Considérant qu'il ressort de l'examen de la notification de redressements adressée à M. X que l'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts « en raison : des reports des recettes d'une année sur l'autre ; des omissions de recettes portant sur la prothèse ; des dépenses professionnelles inscrites [sur les déclarations professionnelles de l'intéressé] » ; que cette motivation est suffisante au regard des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant, cependant, que les recettes reportées par M. X étaient comprises dans les recettes imposables de l'année suivante ; que la circonstance que la reconstitution des recettes de l'activité prothèse ait abouti à des redressements ne suffit pas par elle-même à établir la mauvaise foi du contribuable ; qu'il y a lieu par suite d'accorder à M. X la décharge des pénalités de mauvaise foi afférentes aux impositions supplémentaires correspondant à la réintégration dans les bases d'imposition de l'intéressé des reports de recettes et des omissions de recettes portant sur l'activité prothèse ;

Considérant, en revanche, que M. X ne pouvait ignorer que les charges déduites par lui de ses bénéfices non commerciaux ne présentaient pas de caractère professionnel ; qu'eu égard à l'importance des charges ainsi déduites au cours des trois années en litige, l'administration démontre la mauvaise foi du contribuable ; que M. X n'est pas fondé par suite à demander la décharge des pénalités de mauvaise foi correspondant à ce redressement ;

Sur les abattements pour adhésion à une association de gestion agréée :

Considérant qu'aux termes de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « … 4 bis. Les adhérents des centres de gestion et associations agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H ainsi que les membres d'un groupement ou d'une société visés aux articles 8 à 8 quinquies … adhérant à l'un de ces organismes bénéficient d'un abattement de 20 % sur leurs bénéfices déclarés soumis à un régime réel d'imposition … L'établissement de la mauvaise foi d'un adhérent à l'occasion d'un redressement relatif à l'impôt sur le revenu ou à la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il est soumis du fait de son activité professionnelle entraîne la perte de l'abattement … pour l'année au titre de laquelle le redressement est effectué » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la mauvaise foi d'un adhérent est établie à l'occasion d'une rectification relative à l'impôt sur le revenu, la perte de l'abattement est encourue, même si la mauvaise foi n'est établie que pour une partie des rectifications ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration établit la mauvaise foi de M. X en ce qui concerne les rectifications opérées au titre des années 1990, 1991 et 1992, correspondant à la déduction de certaines charges personnelles des bénéfices non commerciaux de l'intéressé ; que l'administration était en droit, par suite, de supprimer les abattements dont M. X a bénéficié en application des dispositions précitées de l'article 158 ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que le requérant ne peut dès lors soutenir que l'application de cet intérêt de retard constitue, en tant que son taux dépasse celui de l'intérêt au taux légal, une sanction qui aurait dû être motivée, et à demander, pour cette raison, que le taux de l'intérêt de retard soit ramené à celui de l'intérêt au taux légal ;

Sur les conclusions tendant à l'octroi de frais irrépétibles :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. X sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été assignées au titre des années 1990, 1991 et 1992, afférentes aux impositions supplémentaires correspondant à la réintégration dans ses bases d'imposition des reports de recettes et des omissions de recettes portant sur l'activité prothèse.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

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N°03PA03992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 03PA03992
Date de la décision : 22/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : SELARL DUBAULT BIRI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-12-22;03pa03992 ?
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