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25/05/2007 | FRANCE | N°05PA00941

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation b, 25 mai 2007, 05PA00941


Vu le recours, enregistré le 11 mars 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-349 du 7 octobre 2004 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a accordé à la société Zimmer Limited une réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre la totalité de cette cotisation à la charge de la société Zimmer Ltd ;

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Vu le recours, enregistré le 11 mars 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-349 du 7 octobre 2004 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a accordé à la société Zimmer Limited une réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre la totalité de cette cotisation à la charge de la société Zimmer Ltd ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2007 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- les observations de Me Schiele, pour la société Zimmer Limited,

- les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société de droit britannique Zimmer Limited est spécialisée dans le commerce de produits orthopédiques ; que, jusqu'en 1995, elle commercialisait ses produits en France par l'intermédiaire de son distributeur dans ce pays, la société Zimmer SAS ; que, par un contrat de commissionnaire entré en vigueur le 27 mars 1995, ces deux sociétés sont convenues que la société Zimmer SAS poursuivrait la commercialisation en France des produits de la société Zimmer Limited en qualité de commissionnaire et non plus de distributeur ; qu'elles ont fait l'objet chacune d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis à la charge de la société Zimmer Limited une cotisation supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 1996 ; que l'administration a estimé que la valeur locative d'instruments vendus le 19 avril 1995 par la société Zimmer SAS à la société Zimmer Limited, d'un montant de 7 518 015 F, devait être incluse dans la base d'imposition de cette dernière à la taxe professionnelle ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 7 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a accordé à la société Zimmer Limited une réduction de cette cotisation supplémentaire ; qu'il fait valoir qu'à la suite d'une erreur du service, la base nette d'imposition effectivement appliquée à la société Zimmer Limited, d'un montant de 4 592 607 F, est inférieure à la base nette, d'un montant de 9 775 600 F (soit, avant application de l'abattement général à la base de 16 % prévu à l'article 1472 A bis du code général des impôts, une base brute de 11 637 619 F), qui aurait normalement dû lui être appliquée ; que la base nette résultant de la décision du tribunal est de 5 467 212 F, supérieure à la base appliquée par l'administration de 4 592 607 F ; que le tribunal a en conséquence accordé à la société Zimmer Limited une réduction d'impôt, en bases, de 4 308 388 F qui n'avait pas lieu de lui être accordée ; que, par la voie du recours incident, la société Zimmer Limited fait valoir, à titre principal, qu'elle n'est pas redevable de la taxe professionnelle et que la totalité de la cotisation litigieuse doit en conséquence être dégrevée, à titre subsidiaire que la base d'imposition doit encore être réduite ;

Sur le principe de l'imposition de la société Zimmer Limited à la taxe professionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : « La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée » ; qu'en application de ces dispositions, doit être assujettie à la taxe professionnelle une entreprise établie hors de France exerçant sur ce territoire une activité professionnelle non salariée par l'intermédiaire d'une personne disposant, en droit ou en fait, de pouvoirs lui permettant d'engager l'entreprise dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de l'entreprise et ne jouissant pas d'un statut indépendant vis-à-vis de l'entreprise ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les produits de la société Zimmer Limited étaient commercialisés en France par la société Zimmer SAS, en vertu d'un contrat de commissionnaire entré en vigueur le 27 mars 1995 ; que les articles 2.3 et 2.2 dudit contrat prévoient que le commissionnaire peut « accepter des commandes, présenter des devis et des documents dans le cadre des appels d'offre et conclure des contrats de vente des produits pour le compte de Zimmer sans l'approbation préalable de ce dernier » et qu'il peut « engager des négociations de prix, accorder des remises ou des modalités de paiement différés avec les clients actuels ou de nouveaux clients sans l'approbation préalable spécifique de Zimmer » ; qu'il résulte donc des termes mêmes de ce contrat que la société Zimmer SAS pouvait engager la société Zimmer Limited ; que la circonstance que la société Zimmer SAS, en raison de son statut de commissionnaire, agissait en son nom propre et ne pouvait par suite conclure effectivement les contrats au nom de son commettant est sans incidence sur la capacité de cette société à engager son commettant dans une relation commerciale ayant trait aux activités propres dudit commettant, en vertu du principe ci-dessus exposé ;

Considérant, par ailleurs, que la société Zimmer SAS disposait, ainsi qu'il vient d'être dit, de pouvoirs habituels pour engager la société Zimmer Limited ; qu'il résulte des articles 2.1 et 5.4 du contrat de commissionnaire qu'elle était soumise aux instructions de la société Zimmer Limited, ou sous le contrôle de celle-ci, en ce qui concerne les modalités de vente et la réalisation des projets publicitaires et des nouvelles brochures ; que les risques liés à l'exécution des contrats de vente des produits étaient supportés par la société Zimmer Limited ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que la société Zimmer SAS agissait exclusivement pour le compte de la société Zimmer Limited ; que la société Zimmer SAS ne peut être regardée par suite comme ayant joui d'un statut indépendant à l'égard de la société Zimmer Limited ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Zimmer Limited est passible de la taxe professionnelle ; qu'il appartient toutefois au juge de l'impôt de vérifier d'office, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, si la convention conclue le 22 mai 1968 entre la France et la Grande-Bretagne en vue d'éviter les doubles impositions fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

Considérant que la taxe professionnelle n'est pas au nombre des impôts visés par ladite convention ; que celle-ci est par suite sans portée en ce qui concerne l'imposition en litige ;

Sur le montant de la taxe professionnelle due par la société Zimmer Limited :

Considérant, en premier lieu, que la société Zimmer Limited fait valoir qu'elle n'était pas l'employeur des salariés participant à son activité en France et que l'administration ne pouvait par suite inclure dans sa base d'imposition les rémunérations versées aux salariés en cause ;

Considérant que si l'article 1448 du code général des impôts prévoit que la taxe professionnelle est établie, notamment « en fonction de l'importance des activités exercées par les redevables sur le territoire de la collectivité bénéficiaire », cette indication générale ne peut recevoir d'application que dans le cadre des textes qui définissent l'assiette précise de la taxe ; qu'il ressort des dispositions de l'article 1467, qui renvoie à l'article 231-1 relatif à la taxe sur les salaires, que la taxe professionnelle, comme cette dernière taxe et dans la mesure où elle est assise sur les salaires, est « à la charge des personnes ou organismes... qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments... » ;

Considérant qu'il est constant que la société Zimmer SAS était l'employeur du personnel salarié participant, en France, à l'activité de la société Zimmer Limited et qu'elle versait elle-même leurs salaires à ces personnels ; que, dès lors, et nonobstant les dispositions de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts, prises pour l'application de l'article 1471 du même code, prévoyant que les salaires des personnels doivent être rattachés aux locaux de l'établissement dans lequel ils exercent leur activité et nonobstant la circonstance que la charge finale de ces salaires était supportée par la société Zimmer Limited, la société Zimmer SAS était seule redevable de la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires dont s'agit ; que la société Zimmer Limited est fondée par suite à soutenir que ces salaires doivent être exclus de sa base d'imposition ; qu'il y a lieu en conséquence de réduire la base d'imposition assignée à la société Zimmer Limited d'une somme de 3 646 374 F, correspondant au montant des salaires pris en compte pour le calcul de la cotisation litigieuse ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : « La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux … : a. la valeur locative telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle… » ; que la société Zimmer Limited soutient que, bien que propriétaire des instruments qui lui ont été cédés le 19 avril 1995, elle n'en disposait pas, au sens de l'article 1467 précité, dès lors que ces instruments, qui servaient à l'adaptation et au réglage de prothèses médicales, étaient matériellement utilisés par les établissements de santé et par les chirurgiens ; que ce moyen, toutefois, ne peut qu'être rejeté en raison de l'intervention de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003, dont l'article 59 dispose « I- L'article 1469 du code général des impôts est ainsi modifié : 1° Le 3° bis devient le 3 ter ; 2° Le 3° bis est ainsi rétabli : 3° bis. Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle ; II - Les dispositions du I s'appliquent aux impositions relatives à l'année 2004 ainsi qu'aux années ultérieures et, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, aux impositions relatives aux années antérieures » ;

Considérant que la société Zimmer Limited fait valoir que les dispositions de cette loi sont contraires à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que leur portée a été limitée par la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, dont l'article 63 a restreint l'application de l'article 1469, 3° bis du code général des impôts aux seuls biens mis à disposition d'un redevable de la taxe en contrepartie de l'exécution d'un travail ; que, cependant, d'une part, les dispositions issues de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 n'ont pas été abrogées par la loi du 30 décembre 2005 et demeurent applicables en ce qui concerne l'imposition en litige, d'autre part, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts : « A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite (...) de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant (...) la cession (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) » ;

Considérant que l'administration fait valoir que les instruments susmentionnés, acquis le 19 avril 1995 par la société Zimmer Limited, n'ont pas été cédés isolément par la société Zimmer SAS mais dans le cadre d'une cession d'établissement, la société Zimmer SAS ayant cédé à la société Zimmer Limited, concomitamment à ces instruments, des stocks et une clientèle ; que, cependant, la cession desdits instruments, de stocks et d'une clientèle ne peut être regardée comme une cession d'établissement, au sens des dispositions de l'article 1518 B ; que l'administration a, du reste, elle-même indiqué en première instance que la société Zimmer SAS avait conservé des locaux destinés au stockage, à la logistique et à ses services administratifs et qu'elle employait le même personnel qu'auparavant ; qu'il suit de là que la valeur locative des instruments cédés à la société Zimmer Limited doit être déterminée selon les modalités prévues au 3° de l'article 1469 du code général des impôts, c'est-à-dire en appliquant un coefficient de 16 % au prix de revient de ces instruments et non par application des règles définies à l'article 1518 B ;

Considérant que la société Zimmer Limited soutient, sans être contredite par l'administration et sans qu'aucun élément de l'instruction ne permettre de contredire cette affirmation, que le prix de revient des instruments en cause s'élève à 13 160 880 F ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de fixer à 2 105 740 F (16 % de 13 160 880 F) la valeur locative de ces instruments ; que l'administration ayant retenu pour lesdits instruments une valeur locative de 7 518 015 F, la réduction de bases devant être accordée à ce titre à la société Zimmer Limited s'élève à 5 412 275 F ;

Considérant qu'eu égard aux réductions de bases susmentionnées, devant être appliquées à la base brute initiale de 11 637 619 F, la base de l'imposition légalement due par la société Zimmer Limited s'établit à 2 578 970 F, soit, après application de l'abattement général à la base de 16 % prévu à l'article 1472 A bis du code général des impôts, une base nette de 2 166 334 F, inférieure à la base nette de 4 592 607 F effectivement appliquée par le service ; qu'il suit de là, d'une part, que le tribunal administratif n'ayant pas accordé un dégrèvement excessif mais au contraire insuffisant, le recours du ministre ne peut qu'être rejeté, d'autre part, que les conclusions incidentes de la société Zimmer Limited doivent être accueillies, en bases, dans la limite de la somme de 2 426 273 F (369 882,93 euros), correspondant à la différence entre la somme de 4 592 607 F et celle de 2 166 334 F ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : La base de la taxe professionnelle mise à la charge de la société Zimmer Limited au titre de l'année 1996 est réduite d'une somme de 369 882,93 euros.

Article 3 : La société Zimmer Limited est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la société Zimmer Limited une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société Zimmer Limited est rejeté.

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N° 05PA00941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 05PA00941
Date de la décision : 25/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : SCHIELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-05-25;05pa00941 ?
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