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03/07/2009 | FRANCE | N°08PA02754

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 juillet 2009, 08PA02754


Vu, I, sous le n° 08PA02754, la requête, enregistrée le 23 mai 2008, présentée pour la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX (77124), représentée par son maire en exercice, par Me Gerphagnon ; la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301494/6 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée, d'une part, solidairement avec la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux (CAPM) et l'État à verser à la société en nom collectif (SNC) du Bourdeau la somme de 1 666 666,67 euros et, d'autre part, à garantir la CAPM du tie

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Vu, I, sous le n° 08PA02754, la requête, enregistrée le 23 mai 2008, présentée pour la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX (77124), représentée par son maire en exercice, par Me Gerphagnon ; la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301494/6 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée, d'une part, solidairement avec la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux (CAPM) et l'État à verser à la société en nom collectif (SNC) du Bourdeau la somme de 1 666 666,67 euros et, d'autre part, à garantir la CAPM du tiers du total des condamnations mises à la charge de cette dernière ;

2°) de rejeter la demande de la SNC du Bourdeau présentée devant le Tribunal administratif de Melun ;

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Vu, II, sous le n° 08PA2852, la requête, enregistrée le 30 mai 2008, présentée pour la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE, située Le trident 18-20 rue Henri Rivière à Rouen (76000), par Me Frêche ; la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301494/6 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à garantir la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux (CAPM) à concurrence du tiers des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière par ledit jugement solidairement avec la CAPM et l'État à verser à la SNC du Bourdeau la somme de 1 666 666,67 euros ;

2°) de rejeter la demande de la SNC du Bourdeau et l'appel en garantie de la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux ;

3°) de mettre à la charge de la SNC du Bourdeau et la CAPM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, III, sous le n° 08PA03831, enregistrée le 21 juillet 2008, l'ordonnance du 10 juillet 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Versailles transmet à la Cour de céans le recours présenté pour le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE, DE L'ÉNERGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ;

Vu le recours, enregistré le 4 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, et le mémoire complémentaire enregistré le 6 octobre 2008 au greffe de la Cour, présenté pour le MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE, DE L'ÉNERGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301494/6 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a condamné solidairement l'ETAT, la commune de Crégy-les-Meaux et la CAPM à verser à la SNC du Bourdeau la somme de 1 666 666,67 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société du Bourdeau ;

3°) de mettre à la charge de la SNC du Bourdeau la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2008 :

- le rapport de Mme Lecourbe, rapporteur,

- les conclusions de M. Bachini, rapporteur public,

- les observations de Me Sarrazin, pour le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, celles de Me Gerphagnon, pour la commune de CRECY-LES-MEAUX, celles de Me de Moustier pour VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE, celles de Me Falga, pour la SNC du Bourdeau, et celles de Me De Faÿ pour la CAPM ;

Considérant que les requêtes de la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX, de la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE et le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Considérant que par un arrêté du 14 avril 1981 le préfet de la Seine-et-Marne a autorisé le syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des ordures ménagères des cantons de Meaux (SMITOM), aux droits duquel est venu le syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des résidus urbains des cantons de Meaux (SIRU) puis la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux (CAPM), à exploiter, sur le territoire de la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX au lieu-dit le trou de Chaillouët , une décharge contrôlée d'ordures ménagères et autres résidus urbains sur l'emprise d'une ancienne carrière de gypse, devenue propriété dudit syndicat ; que, par contrat d'affermage, l'exploitation de ce centre d'enfouissement technique (CET) a été confiée à la compagnie générale d'entreprises automobiles, à laquelle s'est substituée la société Aubine Onyx aux droits de laquelle vient la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE ; que, par délibération en date du 10 février 1993, la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX a approuvé la création entre le CET et la route départementale n° 405 d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) comportant une zone d'habitations de 8,5 ha ; que, par ailleurs, la commune a souhaité donner à l'espace occupé par le CET, après la fermeture de celui-ci prévue dès 1995 pour 1998, la destination d'un parc paysager et de loisirs ; qu'elle a, par convention conclue le 30 juin 1994 avec le SIRU, décidé d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux d'aménagement dénommés coulée verte de Chaillouët et a acquis les terrains d'assiette de la décharge par acte notarié du 17 octobre 1994 ; que lors de ces travaux, un accident causé par un engin de chantier a révélé la dangerosité du site en raison des conditions dans lesquelles la décharge avait été exploitée ; que la commune, tirant les conséquences de cette situation, a pris les 29 novembre 1999 un arrêté d'interdiction de tous travaux s'appliquant sur une partie de la ZAC ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à la demande de la SNC du Bourdeau, qui avait acquis en 1997 des terrains au sein de la ZAC en vue de leur aménagement, tendant à la condamnation solidaire de la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX, de la CAPM et de l'ETAT à l'indemniser du préjudice résultant pour elle des conséquences de la présence et du fonctionnement du CET et des mesures que la commune avait été conduite à prendre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour apprécier le montant du préjudice de la SNC du Bourdeau résultant de la perte de chance de vendre les parcelles dont elle restait propriétaire, le tribunal s'est borné à indiquer qu'il serait fait une juste appréciation du prix auquel les parcelles invendues auraient pu l'être en tenant compte du prix moyen au mètre carré auquel ont été vendues les autres parcelles implantées dans une situation similaire et à proximité immédiate, en l'évaluant à la somme globale de 2 500 000 euros ; qu'en arrêtant le montant de ce préjudice à ladite somme, sans distinguer les parcelles constructibles de celles situées dans le périmètre visé par l'arrêté du 29 novembre 1999 et sans préciser ni la surface des parcelles concernées ni le prix moyen au mètre carré, les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ; que, des lors, la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SNC du Bourdeau devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'ainsi que le fait valoir la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE, la SNC du Bourdeau, à l'appui de ses conclusions tendant à ce que la CAPM, la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX et l'ETAT soient condamnés à la dédommager des préjudices susmentionnés, s'est bornée à décrire les agissements de ces trois personnes morales sans préciser le fondement juridique sur lequel elle entend mettre en cause la responsabilité de chacune d'entre elles ; que, par suite, seule la responsabilité sans faute de chacune peut être actionnée ;

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que le fonctionnement du CET à proximité des terrains propriété de la SNC du Bourdeau, tiers par rapport à cet ouvrage, ne présente pas un caractère anormal eu égard à la destination de ce dernier, il est à l'origine de nuisances diverses qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage et sont de nature à engager, envers celle-ci, la responsabilité sans faute de la CAPM, maître de l'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, qu'en revanche, la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX n'ayant ni la qualité de maître de cet ouvrage public ni celle d'exploitant, sa responsabilité sans faute ne saurait être engagée ; qu'il en est de même en ce qui concerne l'ETAT ;

Considérant, toutefois, qu'en qualité de professionnel de l'immobilier, la SNC du Bourdeau ne pouvait ignorer les risques que comportait le CET pour l'environnement et les servitudes d'urbanisme qui pouvaient en être la conséquence ; que, par suite, en se portant acquéreuse de parcelles situées à proximité du CET, elle a commis une imprudence de nature à exonérer la CAPM de la moitié des conséquences dommageables qu'elle a subies ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que le préjudice constitué par les sommes que la SNC du Bourdeau a versées à six personnes auxquelles elle avait vendu des parcelles en échange de leur renoncement à engager contre elle des poursuites judiciaires ne trouve pas son origine dans l'existence même du CET mais résulte de la seule initiative de l'intéressée ; qu'il en est de même, en toute hypothèse, de sa renonciation à encaisser le montant de deux promesses de vente ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice résultant de ce que son stock de terrains d'une surface totale de 21 591 m² non frappés par l'interdiction de travaux serait devenu invendable est éventuel et ne saurait, par suite, ouvrir droit à indemnisation ;

Considérant, en troisième lieu, que la SNC du Bourdeau fait valoir qu'elle est dans l'incapacité de rembourser à sa banque le montant de l'ouverture de crédit en compte courant que cette dernière lui a consentie dont le solde débiteur correspond à la différence entre l'intégralité des dépenses de l'opération diminuée des encaissements des prix des lots vendus ; qu'en toute hypothèse, ce découvert ne constitue pas par lui-même un préjudice supplémentaire dès lors qu'il a pour contrepartie la propriété des terrains susmentionnés ;

Considérant, enfin, que les parcelles d'une surface totale de 7 107 m² détenues par la société et visées par l'arrêté du 29 novembre 1999 y interdisant tous travaux doivent être regardées, compte tenu de leur situation et de leur dispersion, comme ayant perdu toute valeur marchande ; que ce dommage résulte de la présence de l'ouvrage qui a justifié l'édiction dudit arrêté ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la perte de toute chance de commercialiser ces parcelles, en accordant à ce titre à la société une indemnité calculée en appliquant à la surface susmentionnée le prix moyen au mètre carré de 92,43 euros auquel ont été vendues les autres parcelles, soit un montant total de 656 900 euros ;

Sur les droits de la SNC du Bourdeau :

Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité retenu par le présent arrêt, il y a lieu de mettre à la charge de la CAPM la somme de 328 450 euros ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les dommages indemnisés, qui résultent de l'impossibilité de construire sur les terrains, et, d'une part, les manquements allégués de la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE dans l'exploitation du CET, d'autre part, l'éventuel défaut de surveillance de cette installation classée par le préfet ; que, par suite, les appels en garantie de la CAPM à l'encontre de la société VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE et de l'ETAT doivent être rejetés ;

Considérant, en second lieu, que lors de la révision de son plan d'occupation des sols, la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX avait été rendue destinataire par courrier du préfet de la Seineet-Marne en date du 10 septembre 1986 de l'avis émis le 14 août 1986 par le directeur régional de l'industrie et de la recherche (DRIRE) d'Ile-de-France recommandant d'éviter, en raison des nuisances occasionnées par les décharges contrôlées d'ordures ménagères, l'implantation de constructions sur les terrains situés à moins de 200 mètres de la décharge ; que, dans un courrier en date du 20 novembre 1998, la société Aubine Onyx a également attiré l'attention de la commune sur les risques liés à la proximité du CET sur les habitants des logements sis en limite séparative du centre ; que, dans ces conditions, et alors même qu'aucune disposition réglementaire n'imposait alors un retrait de 200 mètres autour du CET, en réalisant la ZAC à proximité de ce dernier, la commune a fait preuve d'une imprudence fautive justifiant qu'elle garantisse la CAPM de la totalité des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par chacune des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0301494 en date du 20 mars 2008 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La CAPM est condamnée à verser à la SNC du Bourdeau la somme de 328 450 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la SNC du Bourdeau est rejeté.

Article 4 : La COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX garantira la CAPM de la totalité des condamnations prononcées à son encontre.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la COMMUNE DE CREGY-LES-MEAUX, de la SOCIETE VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE, du recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPENENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et des conclusions incidentes de la CAPM est rejeté.

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Nos 08PA02754, 08PA02852, 08PA03831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02754
Date de la décision : 03/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Anne LECOURBE
Rapporteur public ?: M. BACHINI
Avocat(s) : GERPHAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-07-03;08pa02754 ?
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