La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2010 | FRANCE | N°08PA04794

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 16 avril 2010, 08PA04794


Vu, I, sous le n° 08PA04794, le recours, enregistré le 15 septembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0215200 du 25 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Gecina la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1997, en tant que

société mère du groupe fiscalement intégré Gecina, ainsi que des cotisation...

Vu, I, sous le n° 08PA04794, le recours, enregistré le 15 septembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0215200 du 25 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Gecina la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1997, en tant que société mère du groupe fiscalement intégré Gecina, ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur l'impôt sur les sociétés mises au titre de l'année 1996 à la charge de la société La Fourmi immobilière, aux droits de laquelle elle vient ;

2°) de remettre ces cotisations à la charge de la société Gecina ;

........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2010 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur,

- les conclusions de Mme Larere, rapporteur public,

- et les observations de Me Sicot, pour la société Gecina ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société Gecina ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Considérant que la société La Fourmi immobilière avait pour activité la gestion locative d'un patrimoine immobilier ; qu'elle détenait à Paris et en région parisienne différents immeubles à usage d'habitation, de bureaux ou de commerces, qu'elle donnait en location ; qu'elle a constitué au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1996 une provision de 322 213 022 F, destinée à constater la dépréciation de 42 immeubles inscrits à l'actif de son bilan, en raison de la mauvaise situation du marché immobilier ; qu'elle est entrée le 1er janvier 1997 dans le périmètre du groupe fiscalement intégré dont la société mère était la société Sefimeg, laquelle a été absorbée par la société Gecina le 8 juillet 1999 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1996 et 1997, à l'issue de laquelle le service a notamment réintégré la provision susmentionnée dans le résultat de l'exercice 1996 ; qu'il en est résulté, d'une part, des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés qui ont été mis à sa charge au titre de l'année 1996, d'autre part, pour le groupe Gecina auquel elle appartenait à compter du 1er janvier 1997 et dès lors que la réintégration de la provision litigieuse avait eu pour effet d'annuler un déficit reportable qu'elle avait imputé sur son bénéfice de l'année 1997, des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, qui ont été assignés au titre de l'année 1997 à la société Gecina, en sa qualité de société tête du groupe ; que les sociétés La Fourmi immobilière et Gecina ont l'une et l'autre contesté ces impositions supplémentaires, par des réclamations en date des 14 mars 2001 et 6 février 2002 ; que l'administration n'ayant pas répondu auxdites réclamations, la société Gecina, qui, entre-temps, le 30 juin 2002, avait absorbé la société La Fourmi immobilière, a introduit le 9 novembre 2002 une requête devant le tribunal administratif de Paris tendant à la décharge des impositions assignées tant à elle-même qu'à la société La Fourmi immobilière ; que le tribunal a entièrement fait droit à cette demande, par jugement du 25 juin 2008 dont le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats, et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; que les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom ; qu'avant cette mise en recouvrement, l'administration est tenue d'informer la société mère des conséquences sur son résultat d'ensemble des redressements notifiés aux sociétés membres du groupe, cette information pouvant toutefois être limitée à une simple référence aux procédures menées avec les sociétés membres et à un tableau chiffré en récapitulant les conséquences sur le résultat d'ensemble ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 7 septembre 2000, antérieur à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires établies au titre de l'année 1997 au nom de la société Gecina et procédant de la réintégration de la provision litigieuse dans le résultat de l'exercice 1996 de la société La Fourmi immobilière, l'administration a informé la société Gecina du redressement dont la société La Fourmi immobilière avait fait l'objet, en précisant le montant du résultat rehaussé de l'exercice 1997 de cette dernière, mais n'a fourni à la société Gecina aucune indication quant aux répercussions que ce redressement pouvait avoir sur le résultat d'ensemble du groupe dont cette société était la tête ; que ces répercussions ne pouvaient se déduire de la seule lecture du document en date du 7 septembre 2000 adressé à cette société ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit aux conclusions de la société Gecina tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre de l'année 1997 ;

Considérant, toutefois, que l'obligation d'information pesant sur l'administration ne pouvait concerner que les redressements apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe Gecina ; qu'en 1996, ainsi qu'il a été dit, la société La Fourmi immobilière n'était pas encore membre dudit groupe ; qu'il suit de là que le tribunal ne pouvait accorder à cette société la décharge des compléments d'impôt qui lui avaient été assignés au titre de l'année 1996, au motif du non respect de la règle sus rappelée d'information de la société tête de groupe ; qu'en conséquence, il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la société Gecina, tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société La Fourmi immobilière a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

Considérant que la société Gecina conteste les motifs retenus par l'administration pour remettre en cause la provision constituée par la société La Fourmi immobilière ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté cette provision au triple motif que la société La Fourmi immobilière n'avait pas l'intention, à la clôture de l'exercice 1996, de céder les immeubles en cause, qu'aucun événement en cours à la clôture de cet exercice ne rendait probable une dépréciation des immeubles - la société ne pouvant se contenter à cet égard, selon l'administration, d'invoquer la crise affectant le marché immobilier dans les années 1990 -, et qu'enfin, la dépréciation des immeubles aurait dû être déterminée à partir de leur valeur d'utilité et non de leur valeur vénale ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise qui constate, par suite d'évènements en cours à la clôture de l'exercice, une dépréciation non définitive d'un élément de son actif immobilisé, peut, alors même que cet élément est amortissable, constituer une provision dont le montant ne peut excéder, à la clôture de l'exercice, la différence entre la valeur nette comptable et la valeur probable de réalisation de l'élément dont il s'agit, à la condition notamment que le mode de calcul de la provision soit propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable de cette dépréciation ; qu'il en va ainsi qu'elle ait eu ou non l'intention de céder ces éléments à la clôture de l'exercice ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société La Fourmi immobilière a fait procéder, pour chacun des immeubles en cause, à des expertises en vue de déterminer leur valeur de réalisation au 31 décembre 1994, dont elle a utilisé les résultats pour calculer la provision litigieuse ; que même si elles se rapportent à une situation au 31 décembre 1994, ces expertises, qui font apparaître des pertes significatives à cette date, peuvent être regardées, compte tenu de la situation notoirement dégradée du marché immobilier parisien en 1995 et 1996, comme révélant des événements qui rendaient probable la dépréciation des immeubles de la société La Fourmi immobilière à la clôture de l'exercice 1996 et qui autorisaient par suite celle-ci à constituer une provision pour dépréciation ;

Considérant, enfin, que la valeur actuelle des éléments de l'actif immobilisé, devant être comparée à la valeur nette comptable afin de déterminer une éventuelle dépréciation de ces éléments, doit être appréciée, même quand ceux-ci sont exploités par l'entreprise et ne sont pas destinés à être cédés, en tenant compte à la fois du marché et de l'utilité du bien pour l'entreprise ; que l'administration ne pouvait donc remettre en cause la provision litigieuse au motif que l'inscription des immeubles dans un poste d'immobilisations corporelles plutôt que dans un compte de stocks impliquait la quantification d'une possible dépréciation sur la base d'une valeur d'utilité et non d'une valeur vénale ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que la société a déterminé la valeur actuelle des immeubles à l'aide d'une méthode prenant en compte, notamment, leur utilité ;

Considérant, par ailleurs, que si l'administration tente de justifier l'imposition en litige, postérieurement à la mise en recouvrement de celle-ci, en soutenant devant le tribunal administratif et la cour que la provision en cause a été évaluée avec une approximation insuffisante, c'est-à-dire globalement et non immeuble par immeuble, il résulte des pièces produites en appel par la société Gecina que ce moyen manque en fait ; que si l'administration fait valoir pour la première fois devant le tribunal et la cour que la société La Fourmi immobilière n'a pas justifié du montant de la provision, cette demande de substitution de motifs ne peut qu'être écartée dès lors que la société n'a pas été en mesure de discuter ce nouveau motif, qui, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, n'était pas invoqué dans la notification de redressements, devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Gecina la décharge de l'imposition supplémentaire assignée à la société La Fourmi immobilière au titre de l'année 1996 ;

Sur la demande d'exécution du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ; qu'aux termes de l'article R. 921-5 du même code : Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande ; et qu'aux termes de l'article R. 921-6 du même code : Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, bien que le tribunal administratif ait, par le jugement susmentionné, prononcé la décharge de la totalité des impositions en litige, l'administration fiscale n'a, en exécution de ce jugement, prononcé un dégrèvement qu'en ce qui concerne les seules impositions supplémentaires assignées à la société Gecina au titre de l'année 1997, à l'exclusion des impositions établies au titre de l'année 1996 au nom de la société La Fourmi immobilière, aux droits de laquelle venait la société Gecina dès lors qu'elle l'avait absorbée en 2002 ; que la société Gecina a en conséquence saisi le 15 janvier 2009 le président de la cour d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au service des impôts, sur le fondement de l'article L. 911-4 précité du code de justice administrative, de prononcer le dégrèvement des impositions mises à la charge de la société La Fourmi immobilière au titre de l'année 1996 ; que, par ordonnance en date du 16 septembre 2009, le président de la Cour a, en application de l'article R. 921-6 précité, ouvert une procédure juridictionnelle et attribué le dossier de l'affaire à la 7ème chambre ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait, à la date du présent arrêt, prononcé le dégrèvement des impositions assignées à la société La Fourmi immobilière au titre de l'année 1996 ; qu'il y a lieu en conséquence d'enjoindre au service des impôts de prononcer ce dégrèvement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE de prononcer le dégrèvement des impositions assignées à la société La Fourmi immobilière au titre de l'année 1996, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 2 000 euros à la société Gecina au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

2

Nos 08PA04794, 09PA05583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04794
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme LARERE
Avocat(s) : BREDIN PRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-04-16;08pa04794 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award