La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2010 | FRANCE | N°08PA01857

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 septembre 2010, 08PA01857


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2008, présentée pour la société par actions simplifiées (SAS) BATEG, prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social à l'immeuble l'Emeraude, 1 rue du Petit Clamart à Vélizy-Villacoublay (78 140), par la SCP d'avocats Moreau-Gervais-Guillou-Vernade-Simon-Lugosi et Michel ; la SAS BATEG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0216536 du 8 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à l'Office Public d'Aménagement et de Construction (OPAC) de Paris la somme de

42 341,11 euros et de 5 903,16 euros au titre de l'exécution fautive du ...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2008, présentée pour la société par actions simplifiées (SAS) BATEG, prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social à l'immeuble l'Emeraude, 1 rue du Petit Clamart à Vélizy-Villacoublay (78 140), par la SCP d'avocats Moreau-Gervais-Guillou-Vernade-Simon-Lugosi et Michel ; la SAS BATEG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0216536 du 8 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à l'Office Public d'Aménagement et de Construction (OPAC) de Paris la somme de 42 341,11 euros et de 5 903,16 euros au titre de l'exécution fautive du contrat la liant en qualité d'entreprise générale avec cet Office ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les demandes de l'OPAC à fin d'indemnisation du préjudice allégué ;

3°) de mettre à la charge de l'OPAC une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu les codes de la construction et de l'habitation et des marchés publics ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2010 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Gautier pour l'OPAC de Paris ;

Considérant que la société BATEG relève régulièrement appel du jugement en date du 8 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à l'Office Public d'Aménagement et de Construction de Paris (OPAC) notamment les sommes de 42 341,11 euros et de 5 903,16 euros au titre de l'exécution fautive du contrat la liant en qualité d'entreprise générale avec cet Office ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'Office Public d'Aménagement et de Construction de Paris (OPAC) a entrepris en 1984, dans le cadre d'un programme dénommé " Palulos ", la réhabilitation d'un immeuble d'une centaine de logements dont elle est propriétaire, situé au 7 rue Ernest Roche à Paris 17e, confiant par un acte d'engagement du 3 octobre 1984 à la société requérante les travaux relatifs à 7 lots notamment la plomberie et le chauffage, avec pour maître d'oeuvre la société SERETE ; que, par deux avenants des 12 mars 1986 et 11 mars 1987, il lui a en outre été demandé la mise en place de gaines d'évacuation des gaz brûlés des chaudières de chaque logement, et la création de tubages de ventilation réglementaires, ces derniers travaux, sous-traités, ayant été réceptionnés sans réserve le 20 novembre 1987 ; qu'au début de l'année 2002, le même Office a de nouveau confié des travaux de ventilation mécanique des logements à une autre entreprise ERM, laquelle s'est aperçue que certains tubages notamment en aluminium posés en 1987 pour le compte de l'entreprise BATEG, étaient défectueux ; que l'OPAC a demandé à la société de fumisterie Alchemine de procéder à un examen des conduits, puis à la dépose de l'ensemble des tubages, les tubages incriminés étant inaccessibles car inclus dans les conduits de cheminée, en raison de la défectuosité de certains d'entre eux qui étaient manchonnés tous les 3 mètres environ par des rivets pop et des bandes d'aluminium adhésives, et non d'un seul tenant ; que la société requérante a été notamment condamnée par les premiers juges au remboursement des travaux de dépose et de remplacement nécessaires ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché n° 8500055 susmentionné procédant de l'acte d'engagement du 3 octobre 1984 est relatif à la réhabilitation de cent logements H.B.M. "Tous corps d'état", pour le compte d'une personne publique dans le cadre de sa mission d'intérêt général ; qu'un tel chantier présente ainsi le caractère d'une opération de travaux publics ; que dans ces conditions, le juge administratif est compétent pour connaître des litiges nés de l'exécution de ce chantier, tant au titre de la responsabilité décennale qu'à celui, comme en l'espèce, de la responsabilité de droit commun ; qu'il résulte de ce qui précède que la société BATEG n'est pas fondée à soutenir que le présent litige est porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la nullité du rapport d'expertise :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société, l'expertise s'est déroulée dans le respect du principe du contradictoire, les parties ayant été régulièrement convoquées à trois réunions in situ en juin et juillet 2002, et l'expert, qui en l'occurrence a disposé d'éléments de preuve suffisants, ayant analysé personnellement les documents et les chiffres avancés par les parties et ayant soumis ses analyses et les documents dont il disposait au débat contradictoire ; que les investigations de l'expert ont été suffisamment poussées et de nature à répondre à la mission d'expertise ; qu'au surplus, si la société soutient que l'expert avait fixé le 20 septembre 2002 pour date limite de clôture des opérations d'expertise, que le dire récapitulatif de l'OPAC ne lui serait parvenu que le 23 septembre 2002, pour une remise du rapport d'expertise le lendemain, et qu'elle n'aurait ainsi pu répondre à l'Office alors qu'elle avait demandé un délai de réponse et que l'expert disposait d'un délai s'achevant le 31 décembre pour le rendu de son rapport, cette circonstance ne ferait pas en tout état de cause obstacle à ce que le tribunal retienne ce rapport à titre d'information dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis de ce fait au débat contentieux entre les parties ; qu'il y a lieu pour le juge de s'estimer suffisamment informé par les pièces du dossier sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qui aurait, au demeurant toutes chances de rester infructueuse faute de conservation des tubages litigieux ; que par suite, les conclusions à fin de nullité de l'expertise doivent être rejetées ;

Sur la responsabilité de droit commun et l'ampleur du préjudice :

Considérant en premier lieu, que l'expiration du délai de l'action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu'ils peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol dans l'exécution de leur contrat et qui n'est soumise qu'à la prescription qui résulte des principes dont s'inspire l'article 2262 du code civil ; que, même sans intention de nuire, la responsabilité trentenaire des constructeurs peut également être engagée en cas de faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commise volontairement et sans qu'ils puissent en ignorer les conséquences ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise aussi bien que du rapport d'audit des installations de chauffage du 28 mai 2002 établi par le bureau Veritas, que seuls les 29 tubages en aluminium présentent des dégradations importantes et ont été installés, pour certains d'entre eux, de manière non conforme aux règles de l'art de nature à les rendre dangereux, dès lors que si l'usage de gaines en aluminium était expressément prévu par le devis de l'entreprise BATEG, un même conduit aurait dû être chemisé d'un seul tenant, comme en convient d'ailleurs l'entreprise BATEG elle-même, et non au moyen de morceaux de 3 mètres de longueur assemblés grâce à des rivets et des bandes adhésives, propres à favoriser des points de rétention de condensation et par là même la dégradation rapide du matériau, et la fuite de gaz nocifs ; que par ailleurs, à supposer même que contrairement au règlement sanitaire de la Ville de Paris, l'OPAC ne se soit pas livré à une vérification régulière desdits conduits et de leur étanchéité, il est constant qu'en l'absence d'accessibilité aux conduits et à leurs tubages de façon en particulier à s'assurer de leur montage, seule la dépose de l'ensemble des tubages en aluminium, telle celle réalisée en 2002 par l'entreprise Alchemine à la demande de l'OPAC était de nature à permettre la mise en évidence de la méconnaissance grave des règles de l'art lors de leur installation ;

Considérant en troisième lieu, que les désordres dont il s'agit étaient essentiellement dus à une mise en oeuvre à l'évidence défectueuse des tubages en aluminium, contrevenant aux règles de l'art, qui rendait dangereux pour au moins certains des logements et de leurs occupants l'usage du chauffage au gaz ; que le sous-traitant concerné ne pouvait ignorer les conséquences prévisibles de ces manquements volontaires aux prescriptions du marché, et leur application ; qu'en outre, le recours à un sous-traitant ne peut avoir pour effet de limiter la responsabilité de l'entrepreneur vis-à-vis du maître de l'ouvrage ; que l'absence d'accidents dans les logements dus au reflux de gaz nocifs dans les cheminées, ne peut davantage constituer la preuve de l'absence de danger constitué par la susdite contravention aux règles de l'art ; qu'ainsi, en décidant qu'en l'espèce de tels agissements ont constitué, de la part de l'entreprise BATEG une faute assimilable à une fraude ou à un dol, les premiers juges n'ont pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

Considérant en quatrième lieu, que l'expert a retenu que plus de la moitié des tubages présentait des désordres, rendant nécessaire le remplacement de tous ; que dès lors, même si certaines de ces gaines, pourtant réalisées d'un seul tenant, étaient affectées de corrosion, un tel désordre ne relevant pas de la fraude ou du dol mettant en jeu la responsabilité du constructeur, et même si un relevé de l'entreprise Alchemine ne précise en rien la nature des désordres affectant les tubages déposés, il n'est pas utilement contesté par la société requérante qu'il a été noté dans le rapport d'audit du 30 mai 2002 du bureau Veritas, que c'est seulement l'extraction notamment des 29 tubages en aluminium des conduits de cheminées qui a permis de constater que certains tubages avaient été réalisés par jonction de plusieurs bouts, un document daté du 25 juillet 2002 de la société Alchemine certifiant les avoir tous déposés ; que dans ces conditions, alors que le montant du préjudice retenu par les premiers juges, soit 42 341,11 euros, ne pouvait concerner que le remplacement des 29 tubages en aluminium, visés en particulier par le devis n° 14 B émis par la société requérante, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'OPAC de Paris tendant à la confirmation de cette condamnation, retenue par le jugement entrepris ;

Considérant en cinquième lieu, que l'OPAC de Paris est fondé à demander, par des conclusions reconventionnelles, que la condamnation de la société BATEG prononcée à son profit soit également assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2002, jour de l'introduction de sa demande devant le tribunal ;

Sur les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application des dispositions sus-rappelées, de mettre à la charge de la SAS BATEG la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société BATEG est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la société BATEG le versement à l'OPAC de Paris des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2002, sur la somme de 42 341,11 euros, à laquelle elle a été notamment condamnée par le jugement entrepris, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions reconventionnelles de l'OPAC de Paris est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 08PA01857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA01857
Date de la décision : 27/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : SCP MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-09-27;08pa01857 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award