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10/03/2011 | FRANCE | N°09PA03187

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 10 mars 2011, 09PA03187


Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009, présentée pour M. Serge A, demeurant ..., par la SCP Arrue Berthiaud Duflot et Associés ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500468 en date du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, pris en la personne du ministre de la défense, à l'indemniser, à hauteur d'une somme qui ne saurait être inférieure à 95 000 euros, en réparation des préjudices qu'il subit et qui ont pour origine les expositions prolongées aux radia

tions nucléaires dont il a été victime durant son service militaire dans l...

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009, présentée pour M. Serge A, demeurant ..., par la SCP Arrue Berthiaud Duflot et Associés ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500468 en date du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, pris en la personne du ministre de la défense, à l'indemniser, à hauteur d'une somme qui ne saurait être inférieure à 95 000 euros, en réparation des préjudices qu'il subit et qui ont pour origine les expositions prolongées aux radiations nucléaires dont il a été victime durant son service militaire dans le Pacifique sud entre le 13 mai 1966 et le 14 mai 1967 ;

2°) de faire droit à sa demande en condamnant l'Etat à l'indemniser de ses différents préjudices, à concurrence de la somme de 95 000 euros ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 16 juillet 2009, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

Vu le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2011 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que M. A a recherché la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices qu'il subit et qui seraient imputables aux expositions prolongées aux radiations nucléaires dont il a été victime durant son service militaire dans le Pacifique sud entre le 13 mai 1966 et le 14 mai 1967 ; que sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser desdits préjudices, à hauteur d'une somme qu'il fixait à 95 000 euros minimum, a été rejetée, après expertise confiée au docteur B, par jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 31 mars 2009 dont M. A relève régulièrement appel par la présente requête ;

Sur la régularité de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif :

Considérant que si M. A soutient que le docteur B, chargé par la décision du tribunal administratif en date du 18 janvier 2008 de l'examiner, s'est montré partial, il ne ressort pas du rapport d'expertise que l'expert se serait départi de son devoir d'impartialité dans l'exécution de la mission qui lui était confiée ; qu'il ressort de ce rapport que l'expert a examiné l'ensemble des doléances exposées par M. A et a répondu avec précision à toutes les questions qui lui étaient soumises en précisant, contrairement à ce que soutient le requérant, les raisons objectives justifiant de l'absence d'imputabilité au service des pathologies dont souffre l'intéressé ; qu'il n'apparaît pas que l'expert aurait outrepassé le cadre de sa mission en faisant référence à des informations étrangères à la procédure, notamment à des décisions de justice, et en renversant la charge de la preuve ; qu'il a pu à bon droit faire état d'une expertise psychiatrique réalisée sur M. A en 2005 ; que s'il est constant que l'expert a procédé aux opérations d'expertise en l'absence de l'intéressé, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A a été convoqué à deux reprises par l'expert pour cet examen et que son conseil a donné son accord à une expertise sur pièces face à l'impossibilité de son client de se déplacer en raison de son état de santé ; que l'intéressé a ainsi eu la faculté de présenter des observations dans le cours des opérations d'expertise ; qu'à le supposer même déposé le 15 octobre 2008 à l'issue d'une procédure non contradictoire à l'égard du requérant, le rapport établi par l'expert, qui constitue un élément du dossier dont les parties ont eu connaissance et qu'elles ont été mises à même de discuter tant devant le tribunal administratif que devant la Cour pour faire valoir devant le juge les observations que suscitaient de leur part ledit rapport, peut néanmoins être retenu à titre d'élément d'information et que le tribunal administratif a pu à bon droit s'y référer ; que la Cour disposant ainsi des éléments d'informations nécessaires à la solution du litige, il peut être statué au fond sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise ;

Au fond :

Considérant que les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

Considérant que M. A, né en Tunisie le 23 septembre 1946, a effectué son service militaire en qualité de matelot de la marine nationale ; qu'il a été affecté au Centre d'expérimentation du Pacifique entre le 13 mai 1966 et le 14 mai 1967 ; qu'au cours de cette période où il a servi sur le bâtiment de débarquement de chars Argens assurant le transport du matériel sur le site d'expérimentation, cinq tirs nucléaires ont été effectués en atmosphère entre le 2 juillet et 5 octobre 1966 ; que le requérant soutient souffrir depuis son retour de nombreuses pathologies, notamment des troubles digestifs, des troubles psychotiques, des lésions cutanées, des douleurs ostéotendineuses et une toux quotidienne ; qu'il a été reconnu invalide à 80% par la COTOREP le 22 février 2001 ; qu'un médecin généraliste a estimé le 5 septembre 2000 que cette pathologie multiple [semblait] résulter d'une exposition à la radio-activité en 67 ; que l'intéressé a alors sollicité une pension militaire d'invalidité qui lui a été refusée par décision du 12 décembre 2002, non contestée par l'intéressé, au motif que pour l'une des six infirmités alléguées le degré d'invalidité en résultant était inférieur à 10%, qu'une autre n'avait pas été décelée, et que la preuve de l'imputabilité au service des quatre dernières infirmités n'était pas établie ; que le lien de causalité entre les pathologies et lésions dont souffre actuellement l'intéressé - à savoir maux de tête, hernie hiatale, vomissement, bronchite, douleur abdominale, perte de l'équilibre, mal à la colonne vertébrale, démangeaison cutanée, boutons multiples, angoisse et anxiété, sciatique, varices, tremblements, idées noires, diminution de son acuité visuelle - et les irradiations alléguées par M. A n'est pas davantage établi ; qu'en effet, outre que l'expert conclut à l'absence de lien entre les affections en cause et la présence de M. A sur le site des essais nucléaires, les relevés dosimétriques effectués pendant cette période tant sur l'intéressé que sur le bâtiment Argens où il servait se sont révélés négatifs ; que si le requérant, dont il n'est pas établi qu'il aurait participé au prélèvement d'échantillons dans la zone contaminée, soutient que les relevés en cause produits par l'administration sont des pièces peu lisibles, peu compréhensibles et donc peu convaincantes , il ne se prévaut lui-même à l'appui de ses allégations que du certificat médical précité du 5 septembre 2000 émettant une simple hypothèse, de la lettre qu'il a écrite et adressée à la commission de réforme, chargée d'examiner s'il pouvait bénéficier d'une pension militaire d'invalidité, lettre où il affirme que de toute évidence il n'a pas bénéficié des mesures de protection prévues par l'administration en cas d'exposition à des rayonnements ionisants, enfin d'une fiche, dont le caractère probant n'est pas établi en l'absence de date et de signature, faisant état de résultats d'examens qui auraient été pratiqués par le centre national de recherche nucléaire et auraient mis en évidence la présence dans son organisme de matières telles que plutonium, uranium, cobalt ; que ces seuls éléments ne constituent pas un faisceau d'indices suffisant pour considérer que les maux dont il souffre sont imputables à une contamination par des substances radioactives ; qu'enfin, si M. A soutient qu'il convient d'apprécier sa situation à la lumière de la loi susvisée n° 2010-2 du l5 janvier 2010, prévoyant, selon une procédure particulière, l'indemnisation intégrale des victimes de maladies radio-induites, ladite loi ne retient en tout état de cause une simple présomption de causalité que si les intéressés présents sur les lieux et pendant les périodes des essais nucléaires sont atteints de l'une des maladies figurant sur une liste annexée au décret d'application de la loi, dont M. A n'est pas atteint ; que, dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, M. A n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni à demander, par voie de conséquence, la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que la présente requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions à titre subsidiaire à fin d'expertise complémentaire, laquelle ne présente pas un caractère utile, ainsi que les conclusions présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête M. A est rejetée.

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N° 09PA03187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA03187
Date de la décision : 10/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : SCP ARRUE BERTHIAUD DUFLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-03-10;09pa03187 ?
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